Nous avons avec cet outil une capacité de coopération réelle. Comme l'a dit mon collègue Jean-Charles Larsonneur, cela permet d'intégrer des unités sur le terrain. À partir du moment où les unités françaises et belges auront le même système de communication, elles feront partie de la même bulle tactique, et auront une appréhension de la situation tactique alimentée par les capteurs de chacun. Ce système permet donc une communication très importante, y compris horizontale, pas uniquement par le biais hiérarchique, entre les différentes unités. De cette manière, nous ne faisons pas que remplacer des blindés, nous anticipons ce à quoi devra ressembler un combat à 2030, horizon auquel nos armées de terre seront entièrement équipées de ce système.
Le contrat de partenariat gouvernemental que constitue le présent accord est un modèle qui pourra resservir. Cependant, il faudra que plusieurs conditions très précises soient réunies. Premièrement, il faudra que les équipements concernés soient ceux en dotation dans l'armée française. L'idée est donc d'allonger une série, pour permettre une intégration optimale. Deuxièmement, il faut que le montant de la commande soit suffisamment important. Nous allons en effet mobiliser des moyens importants : 13 équivalents temps plein pour la DGA entre 2020 et 2030 pour le contrat CaMo, et 15 % des capacités de l'armée de terre, notamment dans les instituts de formation. On ne peut donc pas étendre à l'infini ce type de partenariats, pour des raisons logistiques. Il faut enfin que le client soit un partenaire stratégique.
Dans le domaine de la marine, la Belgique a émis un appel d'offres classique pour l'achat de chasseurs de mines, car la situation n'est pas celle de l'armement terrestre, où l'offre Scorpion sortait clairement du lot. C'est Naval Group qui l'a remporté, mais cela n'implique pas du tout le même engagement de la part de l'État. L'intégration dans ce domaine est réalisée entre les marines belge et néerlandaise. Concernant l'appel d'offres néerlandais pour des sous-marins, je ne le commenterai pas car il s'agit d'un prospect en cours pour Naval Group. La valeur de son offre est la même que pour l'armement terrestre : elle est « battle proven » : avec les États-Unis, la France compte parmi les seuls pays à exporter des équipements de pointe qui sont éprouvés en condition opérationnelle. Le choix néerlandais est donc entre une défense côtière et une marine opérationnelle, qui contribue à l'effort de sécurisation du monde. Dans ce dernier cas, le choix français s'impose évidemment.
J'en arrive aux enjeux de défense européenne. Nous avons assisté à trois grands progrès dans ce domaine au cours des dernières années. Premièrement, l'initiative européenne d'intervention (IEI), qui vise à développer une culture stratégique européenne commune propice à la conduite conjointe d'opérations. Deuxièmement, le Fonds européen de défense, qui vise à financer en commun la recherche et le développement de capacités de défense. Nous avons déjà identifié quels développements futurs du programme caMo pourraient éventuellement être financés par ce Fonds : le missile de moyenne portée (projet BELOS), la communication par satellite, etc. Troisième champ de progrès, il s'agit de la coopération structurée permanente, qui a pour objectif d'augmenter les capacités de défense de l'Europe et leur interopérabilité, pour partir en opération ensemble.
CaMo n'est évidemment pas une alternative à l'OTAN, c'est une contribution forte. Il n'y a pas du tout l'idée d'un commandement militaire intégré en substitution. En revanche, on pourra plus facilement intégrer des éléments franco-belges dans un commandement militaire OTAN.
Nous n'avons pas évoqué l'effort que représente CaMo pour l'industrie belge. En faisant le choix de Scorpion, la Belgique a renoncé à solliciter l'industrie belge, qui était évidemment mécontente. Aujourd'hui, le droit européen n'autorise plus les offsets dans le cadre des contrats d'armement, c'est-à-dire les contreparties locales. Mais on a prévu des retours sociétaux, qui sont négociés directement entre l'industrie française et l'industrie belge ; officiellement la puissance publique n'y est pas associée. Cela doit permettre à l'industrie belge de bénéficier économiquement de ce contrat. Au nombre des retours sociétaux consentis, je pense à la customisation des véhicules, une fois leur assemblage réalisé en France ; à la fabrication des tourelleaux, qui se fera en Belgique ; et aux munitions, qui leur seront pour une bonne part concédées. Au total, environ 90 % des 1,5 milliard d'euros du contrat reviendront tout de même à l'industrie française.
Je précise par ailleurs que l'implication de l'État français pour le suivi du contrat CaMo fera l'objet d'une rémunération : 40 millions d'euros sont prévus comme montant initial, auxquels s'ajoutera une provision pour aléas et évolutions de 3 %. Avec cette rémunération et la bénédiction de la direction du budget que j'évoquais tout à l'heure, je crois que nous pouvons considérer que le risque financier pour l'État et bien circonscrit.