Madame la présidente, mes chers collègues, il s'agit de mon troisième rapport sur les relations transfrontalières avec la Suisse ; je vous remercie de me permettre de me spécialiser dans ce domaine.
Le projet de loi dont notre commission est saisie, et qu'il me revient de vous présenter est une simple formalité et relève avant tout du bon sens. Ce projet de loi autorise l'approbation d'un accord portant sur le cadre juridique de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Il s'agit du cadre d'intervention de la police et de la protection civile. En effet, l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, qu'on connaît mieux sous l'acronyme « CERN », est implantée à la fois sur le territoire suisse et sur le territoire français, essentiellement sur les communes de Saint-Genis-Pouilly et de Prévessin-Moëns dans l'Ain. Du fait de cette implantation transfrontalière, l'organisation bénéficie d'un cadre juridique adapté, qui repose principalement sur une convention franco-suisse conclue le 13 septembre 1965.
L'accord qui nous occupe aujourd'hui, et qui a été pris sous forme de lettres échangées en mars et en mai 2017, vise à modifier l'annexe n°1 à cette convention. Cette annexe a été initialement conçue pour instaurer une dérogation au principe de souveraineté territoriale, en vertu duquel chaque État hôte est compétent sur la partie du domaine du CERN établie sur son territoire. Cette dérogation porte sur les interventions de police et prévoit qu'en cas d'urgence, l'action des forces de police d'une partie sur le territoire de l'autre partie est autorisée, dans le but de faire cesser une infraction et de contribuer à son traitement pénal.
La modification de l'annexe n°1, par l'ajout d'un article 3, vise à étendre ce principe dérogatoire aux interventions de secours et d'urgences médicales, afin d'adapter le cadre juridique en vigueur et de l'actualiser face à des enjeux croissants de sécurité civile. Les interventions de protection civile seraient ainsi facilitées, comme les interventions de police. À ce stade, aucune disposition n'encadre les interventions de secours effectuées sur le territoire de l'autre État lorsqu'elles ne sont pas conjointes.
Or le CERN, qui est le plus grand centre de recherche mondial dans le domaine de la physique des particules, s'est doté au fil des années d'équipements toujours plus complexes et sophistiqués, jusqu'au fameux « grand collisionneur de hadrons », plus puissant accélérateur de particules jamais construit et plus grand dispositif expérimental jamais créé en physique. Le développement du CERN a favorisé une prise de conscience des enjeux liés à la sécurité civile et aux risques technologiques, d'où un souhait partagé entre l'organisation et ses États hôtes de faire évoluer le cadre des interventions de secours. Cette évolution s'est faite aussi sur un plan plus opérationnel, via un accord tripartite conclu en décembre 2016 entre le CERN, la France et la Suisse, qui précise les modalités d'intervention concrètes des services de secours. L'accord franco-suisse permet aussi de préciser le régime applicable aux équipes de secours en cas d'infraction et de dommages causés par leurs agents.
En pratique, le nombre d'interventions de secours devrait rester très modeste. En effet le CERN dispose de son propre service de secours, qui continuera d'intervenir en priorité. À titre indicatif, le SDIS (service départemental d'incendie et de secours) de l'Ain est intervenu 4 fois sur le domaine du CERN en 2017 et 1 fois en 2018, essentiellement dans le domaine du renfort incendie, et le SIS (service d'incendie et de secours) de Genève est intervenu 3 fois. L'impact financier de ces dispositions sera dans ce contexte également très limité, d'autant qu'il est prévu que les nouvelles coopérations se fassent « sous contrainte de ressources des services concernés », comme le précise l'étude d'impact du projet de loi.
Pour autant, dans les cas où la mobilisation des services de secours de l'un des États sur le territoire de l'autre État partie sera nécessaire, l'évolution du cadre juridique permettra d'intervenir plus rapidement, et ainsi d'éviter qu'un incident localisé ne devienne une crise de plus grande ampleur aux conséquences plus lourdes sur les infrastructures du CERN et sur son environnement. L'accord prévoit que ces interventions pourront avoir lieu soit à la demande du directeur général du CERN, soit de la propre initiative des services de secours.
Au bénéfice de ces remarques, je vous recommande l'adoption de ce projet de loi par notre commission.
Je vous remercie.