Intervention de Maurice Leroy

Réunion du mercredi 18 octobre 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaurice Leroy, rapporteur pour avis :

Comme vous le savez, le budget annuel de l'Union européenne doit respecter un cadre financier pluriannuel très précis qui a été fixé pour 7 ans en 2013. Le budget 2018 s'inscrit donc très largement dans la continuité des précédents, sans impact du Brexit cette année. Dans le même temps, les préparatifs pour le prochain cadre financier pluriannuel ont commencé. Au printemps 2018, la Commission européenne devrait présenter une proposition de nouveau cadre, qui devra tenir compte des lacunes du précédent, des nouvelles priorités politiques mais surtout du départ du Royaume-Uni.

La préparation de ce nouveau cadre, dans le contexte du Brexit, crée une obligation mais aussi une opportunité unique de réformer profondément le budget de l'Union européenne, tant sur le volet recettes que sur le volet dépenses. C'est sur cette priorité que j'ai souhaité centrer mon rapport cette année.

En ce qui concerne les recettes, je rappelle que l'Union européenne n'est financée que très marginalement par des ressources vraiment européennes. L'essentiel du budget européen provient de ressources nationales, versées par les États membres en fonction de leurs recettes de TVA et surtout en fonction de leur revenu national brut.

Ce financement national place le budget de l'Union européen sous une forte pression des Etats et des budgets nationaux. Il favorise en particulier une logique de juste retour dans laquelle les États ont les yeux rivés sur la différence entre ce qu'ils donnent et ce qui revient vers eux et cherchent à reprendre d'une main ce qu'ils donnent de l'autre.

C'est sur cette base que les plus gros contributeurs nets, à commencer par le Royaume-Uni, ont négocié, dans la plus grande opacité, de très nombreux « rabais » ou corrections sur leur contribution, ce qui rend le système aussi inéquitable qu'illisible.

La France ne fait pas exception à la règle en tant que troisième contributeur net. Alors qu'elle défend traditionnellement, par principe et par intérêt, la suppression de toute forme de ristourne et de rabais, je note qu'elle a cependant discrètement demandé un rabais en 2012, ce qui fragilise un peu notre position de principe sur ce sujet…

La contribution française pour 2018 est estimée à 20,2 milliards, contre 19 milliards en 2017. Cette augmentation importante s'explique par la montée en charge, très tardive, de la politique de cohésion. C'est un poste particulièrement difficile à gérer en exécution puisque la prévision sur laquelle nous nous prononçons est fondée sur des données qui peuvent varier dans des proportions importantes en cours d'année.

Comme vous le savez, le Brexit constitue un défi majeur pour le budget de l'Union européenne. Mais il offre aussi l'opportunité historique de réviser de manière ambitieuse le mode financement de ce budget. En effet, le rabais accordé aux Britanniques va devenir caduc de même que les rabais accordés sur ce même rabais. Il faut donc impérativement profiter de l'occasion historique qui nous est ainsi offerte de supprimer, une bonne fois pour toutes, l'ensemble de ces ristournes et de rendre les ressources européennes équitables et lisibles.

Mais ce n'est pas tout, une réflexion ambitieuse est lancée sur la création de nouvelles véritables ressources propres, des recettes qui iraient automatiquement dans le budget de l'Union. Je souhaite que cette réflexion puisse enfin aboutir. C'est le seul moyen de sortir enfin du piège du juste retour.

En ce qui concerne le volet dépenses, une remise à plat ambitieuse s'impose aussi et les deux volets doivent être liés.

Premier constat : le cadre budgétaire est trop rigide. Il a montré toutes ses limites en termes d'adaptation à des besoins imprévus. Il faut en tirer les conséquences.

On notera aussi que dans la myopie politique la plus totale, les crédits consacrés aux migrations ont été réduits par rapport à ceux inscrits dans le précédent cadre financier pluriannuel.

Autre facteur de rigidité très important, le budget de l'Union est pré-affecté, à hauteur de 70 %, vers les États membres, à travers les fonds de cohésion et la politique agricole commune. Ces crédits sont sanctuarisés.

Heureusement, des mesures de flexibilité ont été introduites à la demande du Parlement européen. Pour financer de nouveaux besoins résultant de crises graves (crise des migrants et des réfugiés, lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, situations d'urgence externe), il a fallu mobiliser, jusqu'à leurs limites, ces mécanismes de flexibilité et instruments spéciaux. Par ailleurs, la création du fonds européen pour les investissements stratégiques, nouvelle priorité politique du plan Juncker, a en partie pesé sur les programmes « supranationaux » en matière de recherche et de soutien aux infrastructures de communication.

La préparation du prochain cadre financier pluriannuel doit donc conduire à poser un certain nombre de questions fondamentales.

Il faudra tout d'abord rechercher un meilleur équilibre entre stabilité et flexibilité des financements. Se pose à cet égard la question de la durée du cadre financier qui pourrait être alignée sur les mandats du Parlement et de la Commission. Il pourrait aussi s'avérer utile de renforcer les mécanismes de flexibilité et de rechercher des synergies plus importantes entre les différentes rubriques de dépenses. Surtout, la rigidité du budget résulte, comme je l'ai indiqué, de la pré-affectation de l'essentiel de son montant à la PAC et aux fonds de cohésion. La volonté du Président de la République de poser sans tabou la question de la réforme de la PAC offre sans doute une possibilité de réexaminer en profondeur l'ensemble de ces politiques.

Par ailleurs, les propositions visant à établir un lien entre le versement des fonds et le respect de l'Etat de droit doivent être approfondies.

Il est par ailleurs urgent de simplifier les règles et de réduire les formalités administratives dans de nombreux domaines de dépenses, la difficulté de s'y conformer étant cause d'importants retards dans l'exécution des projets, comme l'illustre l'accumulation des factures impayées de la politique de cohésion.

Le budget de l'Union doit aussi progresser vers plus de cohérence interne en supprimant les doublons et les chevauchements et en s'assurant que les instruments se complètent mutuellement.

La réflexion sur l'avenir du budget de l'Union devrait s'accompagner d'une clarification de ses objectifs. La question de la valeur ajoutée européenne doit être au coeur de cet exercice.

En conclusion, je souhaite insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un débat technique. La réflexion sur l'avenir du budget européen intervient dans un contexte unique marqué par un scepticisme sans précédent à l'égard de l'Union. Rendre les dépenses et le mode de financement de l'Union européenne plus efficaces, plus lisibles, plus responsables sur le plan démocratique est une composante essentielle du rétablissement de la confiance dans l'Union européenne et de la légitimité de son action.

C'est sous réserve de ces remarques et parfois critiques très claires que je donne un avis favorable à l'article 27 du projet de loi de finances pour 2018.

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