Alors que nous entamons le débat sur la rénovation énergétique des logements, je voudrais prendre quelques minutes pour présenter notre volonté, nos moyens d'action, et expliquer pourquoi nous écarterons certaines propositions et pourquoi je demanderai le retrait de certains amendements ou émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Tout d'abord, nous partageons, je crois, avec peut-être des nuances, le diagnostic : le logement et le bâtiment constituent des sources extrêmement importantes – de l'ordre de 25 % – de nos émissions de gaz à effet de serre. Ils sont, en outre, à l'origine de 45 % de notre consommation d'énergie. Il s'agit donc d'un élément extrêmement important lorsque l'on parle d'énergie et de climat.
Le budget carbone de ce secteur est, malheureusement, dépassé. Nous ne sommes pas encore sur la bonne trajectoire. Au sein même de ce secteur, la question particulière des passoires thermiques aggrave les difficultés et se double souvent, comme cela a été dit par plusieurs députés, d'un problème social. En effet, lorsque l'on habite une passoire thermique, que l'on soit propriétaire occupant ou locataire, et que l'on ne dispose que de revenus modestes ou très modestes, les factures sont très lourdes à supporter.
Depuis le début de la législature, en plus de ce qui a pu être fait par le passé mais qui n'a pas suffi, nous avons mobilisé un certain nombre de moyens et pris des engagements qui sont ou seront tenus.
Nous avions notamment pris l'engagement de transformer le crédit d'impôt de transition énergétique en prime. Cette mesure sera proposée à l'automne prochain, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Elle permettra à celles et ceux qui en bénéficieront de pouvoir effectuer les travaux sans avancer d'argent – c'est là le principal intérêt de cette transformation.
Cette mesure s'appliquera en deux vagues : la première concernera, avec l'aide de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat – ANAH – , les ménages modestes ; la seconde, en 2021, visera l'ensemble des ménages.
Ce dispositif s'ajoutera, bien sûr, aux certificats d'économie d'énergie, à l'éco-prêt à taux zéro ainsi qu'à des aides locales qui peuvent être accordées dans les territoires.
Je rappelle que les certificats d'économie d'énergie ont permis de financer des aides à la rénovation comme l'isolation des combles à 1 euro pour les ménages très modestes, ou encore la chaudière à 1 euro. Remplacer une chaudière, c'est à la fois une action pour le climat, puisqu'on supprime des chaudières au fioul, et une action pour l'efficacité énergétique, puisqu'on acquiert des appareils plus efficaces, comme des chaudières à gaz à haute performance, des pompes à chaleur électriques ou des chaudières à bois. Nous en avons déjà financé plus de 60 000 au cours des cinq premiers mois de l'année 2019.
Le volet d'aide à la rénovation énergétique du plan d'investissement volontaire signé entre l'État et Action Logement prévoit quant à lui 1 milliard d'euros d'ici à 2022 pour la rénovation de logements occupés par des salariés modestes – puisque tel est le rôle d'Action Logement. Cela concernera pour la moitié des propriétaires occupants et pour l'autre moitié des propriétaires bailleurs, ce qui signifie que cela bénéficiera aux locataires.
À cela s'ajoute le « pacte constructif » signé fin avril entre l'État et l'Union sociale pour l'habitat, donc l'ensemble du mouvement HLM, aux termes duquel les bailleurs sociaux se sont engagés à rénover 120 000 logements par an au cours des trois prochaines années. C'est un chiffre important. Si l'on renouvelait ce contrat en maintenant le même rythme, nous pourrions résorber les passoires énergétiques présentes dans le logement social. Cela représente une augmentation de 20 % du rythme de rénovation par rapport à l'ambition initiale du quinquennat. Nous fournissons donc un effort supplémentaire. En l'occurrence, il s'agit d'1 milliard d'euros d'éco-prêt logement social supplémentaire pour les bailleurs sociaux, soit 4 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat en faveur de la rénovation des logements sociaux.
Le décret d'application de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, qui a été adoptée par la majorité à l'Assemblée nationale et qui prévoit des obligations d'économie d'énergie pour tous les bâtiments du parc tertiaire, notamment les bureaux et commerces, sera prochainement publié. Il fixe pour tous les locaux tertiaires de plus de 1 000 mètres carrés l'objectif de réduire la consommation d'énergie finale de 40 % d'ici à 2030. Ce sera un outil supplémentaire.
Comme je l'ai dit lors de la présentation du projet de loi, je sais que les députés de la majorité – et d'autres aussi – souhaitent qu'il y ait dans ce texte des mesures pour la rénovation énergétique des logements. Nous avons commencé à y travailler en commission. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a émis des propositions et la commission des affaires économiques a adopté plusieurs mesures qui ont permis d'enrichir le texte.
En premier lieu, il y a la définition, dans le décret relatif aux caractéristiques du logement décent – dit « décret décence » – , d'un critère de performance énergétique minimale. Cela permettra, dès 2023, que les logements qui sont fortement consommateurs d'énergie – ce qu'on pourrait appeler les hyperpassoires thermiques – soient considérés comme des logements indécents, ce qui obligera les propriétaires à les rénover sous peine de ne plus pouvoir les louer, au même titre que les logements insalubres ou les logements de trop petite surface. La disposition a été adoptée en commission.
C'est une grande avancée. Il faut savoir qu'on parle là de logements dans lesquels la consommation d'énergie peut atteindre les 700 kilowattheures par mètre carré et par an, soit un chiffre extrêmement élevé. La disposition pourrait concerner 200 000 logements d'ici à 2023. Il s'agit d'un effort extrêmement important et ciblé.
D'autre part, nous vous proposerons à l'article 3 septies un amendement du Gouvernement, appuyé par des amendements du rapporteur et des députés de la majorité, prévoyant un dispositif supplémentaire – il ne se substituera donc pas aux autres. Ce dispositif se déploiera en trois temps.
La première phase sera incitative, afin d'informer les futurs locataires ou propriétaires et d'orienter le marché dans la bonne direction. En commission, il a été décidé d'imposer la réalisation d'un audit énergétique en cas de mise en vente ou de location d'une passoire thermique. Cela permettra d'évaluer les travaux qu'il y a à faire, ainsi que leur coût. La mesure entrera en vigueur à partir de 2022.
Il y a aussi obligation d'informer un acquéreur ou un locataire sur ses futures dépenses d'énergie : cela répond au souci d'une plus grande transparence lors de la vente ou de la location d'un logement, et que l'on mentionne non seulement la classe énergétique du diagnostic de performance énergétique – A, B, C, D, E, F, G – , mais aussi l'évaluation précise des dépenses en chauffage et en eau chaude sur l'ensemble d'une année. Ce sera un outil extrêmement intéressant pour les futurs acquéreurs ou les futurs locataires d'un logement.
En outre, le propriétaire d'une passoire thermique aura interdiction d'augmenter librement le loyer d'un locataire à l'autre s'il n'a pas réalisé des travaux de rénovation.
Enfin, on peut considérer que tout cela donnera aux locataires ou aux propriétaires une meilleure visibilité pour l'usage de leur logement. Par exemple, il faut savoir que dans un logement classé G, la facture de chauffage peut très facilement grimper jusqu'à 3 000 euros ou 4 000 euros par an, ce qui grève considérablement le budget des ménages.
Cette phase incitative ira jusqu'en 2023. Lui succédera une phase d'obligation de travaux. L'amendement tend à ce que tous les propriétaires de logements dont la consommation énergétique relève des classes F et G du diagnostic de performance énergétique aient réalisé des travaux d'amélioration de celle-ci permettant d'atteindre au moins la classe E – ils peuvent bien entendu aller plus loin, mais, dans un premier temps, l'objectif est de sortir de la catégorie des passoires thermiques. Cette obligation sera signifiée dans les contrats de location et les annonces immobilières dès 2023 et devra être satisfaite en 2028. Les logements qui sortiront des classes F et G durant cette période de cinq ans seront considérés comme conformes alors que les autres seront considérés comme non conformes.
Enfin, la troisième phase sera l'application contraignante de cette mesure. À partir de 2028, le propriétaire devra avoir réalisé tous les travaux nécessaires, à défaut de quoi il sera obligé de mentionner le non-respect de cette obligation dans les publicités relatives à la vente ou à la location. Les autres conséquences du non-respect de cette obligation devront être définies par le Parlement en 2023. Nous avons en effet considéré que ces dispositions trouveront en toute logique leur place dans la loi de programmation quinquennale dont le principe a été adopté tout à l'heure par voie d'amendement, à l'initiative de la majorité.
Nous aboutirons ainsi à quelque chose de cohérent dans le temps. Il n'est pas simple en effet de définir des modalités d'application concrètes, voire, le cas échéant, contraignantes. D'ailleurs, la Convention citoyenne sur la transition écologique sera saisie de cette question et pourra faire des propositions en ce sens.
Voilà, je crois, un dispositif bien plus complet que ce dont nous disposions jusqu'à présent. Il sera bien évidemment appelé à évoluer dans le temps et à monter en intensité. Il vise à traiter le problème dans sa globalité et de manière étalée dans le temps, tout le monde étant bien conscient que, vu l'ampleur du sujet, il est impossible de traiter le cas des 7 millions de passoires thermiques en quelques années. La montée en puissance du dispositif sera donc progressive mais réelle, afin que nous obtenions des résultats bien plus nets que ce que nous avons obtenu jusqu'à présent.
C'est pourquoi je souhaite que les autres amendements relatifs à la rénovation énergétique soient retirés, qu'ils proposent une interdiction, un système de consignation ou d'autres dispositifs encore. À défaut, j'y émettrais un avis défavorable.