Je veux apporter quelques précisions, car c'est aussi le but de notre débat, au-delà de ses grandes orientations, que l'on n'est au demeurant pas tenu de partager. Je répondrai notamment à M. Peu, car le logement est, je le sais, un sujet qu'il connaît bien.
S'agissant de la transformation du crédit d'impôt en prime, notre objectif est bien entendu de maintenir le niveau des moyens alloués. Les arbitrages budgétaires ne sont pas encore arrêtés, c'est normal : nous sommes dans la période où l'on en délibère ; suivra, en septembre, la présentation du projet de loi de finances pour 2020. C'est dans ce cadre que sera présentée la transformation dont nous parlons.
Cette transformation en prime rendra le dispositif plus lisible et facilitera le déclenchement des travaux d'isolation : souvent, avec le crédit d'impôt, les gens récupèrent l'argent un an et demi – au minimum un an, en tout cas – après la dépense ; si bien que je ne puis vous dire, à l'heure où nous parlons, quel a été le montant total des dépenses engagées en 2018, puisque ce montant est lié aux déclarations d'impôt. Nous aurons donc un barème clair et transparent, et chacun y aura accès. Il sera dès lors possible de connaître, avant d'engager des travaux, et même dès le stade du devis, le montant de l'aide correspondant au geste de rénovation. Aujourd'hui, la chose, souvent exprimée en pourcentages, est complexe : ce n'est pas le système le plus clair, ni le plus simple, même s'il ne faut pas minimiser le nombre de rénovations, près de 1 million par an, réalisées avec les aides actuelles – pas forcément des rénovations globales, mais au moins des gestes.
D'autre part, M. Mattei a évoqué l'expérience que nous avons des mises aux normes dans l'assainissement non collectif. Certains députés, peut-être, connaissent moins ce sujet car, en milieu urbain dense, les réseaux d'assainissement sont par définition collectifs ; mais, en milieu périurbain ou rural, le modèle dominant est plutôt l'absence d'un tel réseau, y compris parce que le traitement individuel s'avère plus rationnel.
Il y a de nombreuses années fut décidée une mise aux normes pour empêcher une pollution diffuse dans l'environnement. Lorsque l'acheteur d'une maison demande si le bien est aux normes, le vendeur doit lui répondre. Si le bien ne l'est pas, cela devient aussitôt, évidemment, un élément de négociation. Cela peut d'ailleurs aller, je l'ai dit en commission, jusqu'à la consignation d'une somme. Le propriétaire peut aussi réaliser la mise aux normes avant la vente. Si d'ailleurs, sans vendre le logement, il l'occupe, il doit tout autant le mettre aux normes, et dispose d'un délai pour ce faire. Il existe, dans les communautés de communes comme dans les communautés d'agglomération, un service public de l'assainissement non collectif, qui peut être amené à faire des contrôles.
Je pense aussi, sujet que M. Peu connaît bien, aux normes électriques, qui évoluent régulièrement. J'y insiste, car on fait comme si la rénovation énergétique était un thème complètement nouveau ; mais, en fait, il n'est rien d'autre que l'amélioration de l'habitat. Si l'on recourt à l'ANAH – Agence nationale de l'habitat – pour aider les ménages modestes, d'ailleurs, c'est bien parce qu'elle dispose d'un savoir-faire et d'une expérience de l'amélioration de l'habitat. Je le dis à nos concitoyens qui suivent nos débats, comme je le dis souvent à l'extérieur de cet hémicycle : au-delà d'un geste pour réduire l'effet de serre ou la consommation d'énergie – objectifs dont je conçois qu'ils ne soient pas forcément la première préoccupation des propriétaires, des bailleurs ou des locataires – , il y va du confort du logement et du montant de la facture, notamment de chauffage. Et du montant des factures, Dieu sait si l'on a parlé ces derniers mois, qu'il s'agisse du chauffage au fioul, au gaz ou à l'électricité. À un moment, toutes les factures étaient orientées à la hausse. Un logement mieux isolé est un logement plus confortable, plus agréable à vivre. Beaucoup de gens engagent donc des travaux pour des motifs d'agrément, dans le prolongement des objectifs de rénovation énergétique.
Au-delà de cet aspect, la réglementation sur l'électricité, par exemple, est montée en exigence pour de simples raisons de sécurité. Ce mouvement de rehaussement permanent du niveau d'exigence n'empêche évidemment pas l'existence de logements qui ne sont pas aux normes. Vous connaissez bien le secteur du logement, monsieur Peu, et avez évoqué, à son sujet, l'économie de la pénurie. C'est vrai dans ce qu'il est convenu d'appeler les « zones tendues », à Paris, en région parisienne et dans les autres grandes villes. Mais, dans d'autres endroits, on a affaire à une économie de l'abondance, avec des logements de peu de valeur. Certains de nos compatriotes voient même leur logement atteindre une valeur négative, compte tenu de l'emprunt qu'ils ont souscrit pour l'acheter, emprunt qu'ils doivent continuer à rembourser alors qu'ils peuvent avoir besoin de déménager. Les situations sont donc très diverses selon les territoires.
Vous avez parlé, vous, des marchands de sommeil, en d'autres termes d'une économie que l'on peut en effet dire noire, et même, disons-le, criminelle ou frauduleuse. Ce gouvernement a d'ailleurs pris des mesures supplémentaires pour la combattre ; et vous avez vous-même, si je ne m'abuse, fait adopter et travaillé des amendements avec le ministre du logement. Nous sommes allés, entre autres, jusqu'à la création d'un permis de louer.
Tout cela contribue à l'amélioration de l'habitat et à la montée en gamme que je décrivais ; mais, comme vous le savez, cela ne se fait pas en un jour. Nous nous sommes rendus ensemble à Aubervilliers, où s'était produit un incendie qui avait fait plusieurs victimes ; il succédait d'ailleurs à un autre survenu quelques mois plus tôt. De tout cela, nous avions parlé ensemble.
Nous ne sommes pas à célébrer les vertus du marché, à dire qu'il suffirait de lui laisser libre cours pour que tout s'arrange. Il est bon, à notre sens, qu'un marché du logement existe ; et je ne crois pas, d'ailleurs, que vous le remettiez en cause : vous n'entendez pas nationaliser tous les logements, j'imagine. N'allons pas nous faire des procès d'intention idiots. De notre côté, nous ne sommes pas non plus pour la privatisation de tout le secteur du logement, vous le savez. Ce marché, en revanche, nous croyons utile de l'orienter, de peser sur lui : c'est à quoi tendent les dispositifs que je viens d'évoquer.
Enfin, la mesure dont nous parlons ne consiste pas en une simple mention, nonobstant l'utilité que celle-ci peut avoir, celle d'informer les gens. C'est, là encore, un progrès. J'ai vécu les débats sur le diagnostic de performance énergétique. On voyait deux postures. « On n'y arrivera jamais, c'est impossible, vous allez compliquer les ventes et les mises en location, vous ne vous rendez pas compte de l'épaisseur des futurs dossiers des agents immobiliers, cela va être une dépense supplémentaire et inutile », disaient les uns, qui ne voulaient pas de cette mesure. Et selon les autres, de toute façon, elle ne servirait à rien. Eh bien si : elle fut un progrès. Sans le diagnostic de performance énergétique, nous ne parlerions même pas des passoires thermiques, des logements classés F et G ! La loi ELAN est allée plus loin encore, pour ce diagnostic, avec les normes de sécurité et la hausse du niveau d'exigence. Nous voulons, nous, aller encore au-delà, jusqu'à l'audit énergétique.
À chaque fois nous franchissons un cap et nous devons persister dans cette démarche avec volontarisme. Les mesures que j'ai présentées tout à l'heure vont dans ce sens. Je tiens à remercier les députés de la majorité – et d'autres, de l'opposition – pour leur engagement à trouver des solutions toujours plus efficaces en la matière.