Deux mois et demi, c'est le temps écoulé depuis le catastrophique incendie de Notre-Dame de Paris. C'est très court : à ce jour, le risque d'effondrement de la voûte n'est pas totalement écarté, comme l'architecte en chef de la cathédrale l'a précisé hier devant le groupe d'études « Patrimoine ». Mais c'est également un temps suffisamment long pour permettre un travail législatif approfondi même si, à l'examen de vos amendements, madame la rapporteure, c'est comme si la discussion repartait de zéro…
Pourtant, dans le droit fil des propositions des députés Les Républicains, nos collègues sénateurs ont préservé l'essentiel : encadrer la souscription nationale et encourager la générosité des Français. Cet encouragement mériterait d'être davantage soutenu par le Gouvernement, si l'on en croit la faible concrétisation des promesses en dons.
Il faut préserver l'essentiel, tout en nous prémunissant des excès dangereux du texte initial. À juste titre, le Sénat a supprimé les dispositions les plus controversées, à commencer par l'article 9 qui concentre depuis l'origine l'essentiel des critiques. Des critiques à l'égard desquelles le Gouvernement et la majorité ont manifestement choisi de demeurer sourds. Cette attitude de rejet est d'autant plus inquiétante que les appels à la raison n'émanent pas uniquement de l'opposition, mais aussi des personnalités les plus compétentes en matière d'architecture et de patrimoine. Tous disent en substance la même chose, et continuent de le dire : Notre-Dame est un joyau patrimonial dont le formidable travail de restauration doit être guidé par des choix concertés et longuement mûris. L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique, selon un vieil adage de circonstance ! Cette persévérance est d'autant moins compréhensible que, par petites touches, le ministre de la culture a semblé relativiser l'objectif de reconstruction de la cathédrale en cinq ans. Il serait désormais question d'y célébrer des messes, et non plus d'accueillir le grand public. Une fois le corset des promesses présidentielles desserré, pourquoi ne pas acter la fin des dérogations et confirmer la suppression de l'article 9 votée par le Sénat ? Pourquoi s'obstiner à vouloir adopter cette loi d'exception ? Au lendemain du dramatique incendie, le chef de l'État lui-même en appelait à l'unité et à la concorde nationales. Mais l'unité ne se décrète pas, elle implique de la bonne volonté et, surtout, de l'écoute – écoute de son opposition, mais aussi des centaines de spécialistes qui le conjurent de renoncer aux dérogations et au concours d'architecte concernant la flèche. Pourtant, rien n'y fait, Gouvernement comme majorité sont persuadés qu'il est possible d'avoir raison seuls contre tous.
La discussion parlementaire a permis d'éclairer la notion problématique de « reconstruction à l'identique » : aucun édifice de cette nature ne peut être reconstruit formellement à l'identique et le terrible incendie interroge sur l'usage des matériaux et des techniques appropriés pour éviter qu'un tel désastre ne se reproduise. L'expression « à l'identique » est percutante et populaire. Elle a été reprise et défendue par de nombreux spécialistes et responsables politiques de tous bords. La notion doit désormais être précisée, afin de traduire en droit ce qu'elle exprime en intention – la volonté partagée par tous de rétablir Notre-Dame dans sa splendeur originale.
Pour ce faire, le Sénat a introduit des garanties supplémentaires, comme la nécessité de motiver le choix de recourir à des matériaux différents ou encore d'informer la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture de l'avancement des travaux. Mais sans doute faut-il aller plus loin dans la définition de l'esprit qui doit animer cette restauration et les opérations de conservation.
La France a la chance de pouvoir compter sur des professionnels nombreux et compétents pour entretenir et conserver ses monuments historiques. Les députés Les Républicains n'entendent nullement se substituer à eux. Il est essentiel que l'esprit de la restauration de Notre-Dame soit inspiré par l'âme et l'histoire des lieux et que cette restauration s'inscrive pleinement dans le cadre juridique qui protège ce type de maîtrise d'ouvrage. Nous voulons qu'au terme du chantier, Notre-Dame redevienne la cathédrale que nous avons toujours connue et que sa flèche redevienne le repère qu'elle a été si longtemps pour des générations de Parisiens. Même si le projet de loi n'en fait pas état, nous affirmons notre hostilité au concours d'architectes que le Gouvernement envisage : il traduit une forme d'orgueil, sans rapport avec les impératifs d'un chantier de restauration et de conservation.