Nous vous remercions de nous avoir conviés à cette audition.
Nous allons vous exposer ce qui, selon nous, devrait être une vraie concertation dans la durée pour un travail en profondeur et en partenariat direct avec les parents concernés par l'aide sociale à l'enfance. Car il faut nous intéresser aux parents. Il est nécessaire pour l'intérêt supérieur de l'enfant que leurs parents puissent assumer leurs responsabilités, que nous portons au nom du mouvement ATD Quart Monde. Notre analyse ne peut être que très partielle au vu du temps qui nous est imparti, et donc très insatisfaisante quant aux résultats qui seraient de provoquer une véritable prise de conscience des enjeux pour la société tout entière.
Il est urgent d'allouer à la protection de l'enfance des moyens qui ne soient pas seulement financiers, mais également humains dans le cadre des formations des professionnels afin de soutenir véritablement les parents dans leur rôle de premiers éducateurs de leurs enfants, et les travailleurs sociaux dans leur travail pour que les mesures éducatives soient mises en oeuvre dans des conditions telles qu'elles se traduisent par un véritable soutien aux parents dans la construction d'un projet à partir de l'enfant.
Sur cette question de l'aide sociale à l'enfance, les années de travaux menés par notre mouvement avec les parents en situation de grande pauvreté et les nombreux partenaires professionnels avec lesquels nous sommes en lien dans notre réseau Enfance-Famille, que Céline Truong coordonne, ont été menés avec le monde du travail social et le monde de la justice. Ces travaux nous apprennent des choses essentielles. Quand de véritables relations de confiance ont pu être nouées entre les parents et les professionnels, un véritable partenariat est créé entre les différents acteurs, la vie de famille peut être préservée et, quand celle-ci n'est pas possible, les relations entre les parents et les enfants peuvent l'être.
Après ce petit préambule, je voudrais vous présenter le mouvement « Agir tous pour la dignité Quart Monde ».
Ce mouvement, qui a soixante ans aujourd'hui, agit avec tous les citoyens, en priorité avec ceux qui sont en situation de grande pauvreté et qui s'engagent à nos côtés afin d'éradiquer la misère pour permettre l'accès aux droits à tous, la participation et l'égale dignité.
ATD Quart Monde est un mouvement international des droits de l'homme qui est implanté significativement en France et dans une trentaine de pays dans le monde. Notre mouvement est un espace politique, commun aux personnes en situation de pauvreté et aux personnes qui ne vivent pas ces situations, mais qui font alliance avec elles dans ce combat pour l'éradication de la misère.
Nous affirmons un triple refus : le refus de la fatalité de la misère, le refus de la culpabilité qui pèse sur ceux qui la subissent, et le refus du gâchis humain que constitue la misère.
De nombreuses familles sont rencontrées à l'occasion d'actions culturelles collectives. Nous comptons une cinquantaine de bibliothèques de rue en France et une dizaine d'universités populaires Quart Monde où de nombreux sujets, dont l'aide sociale à l'enfance, sont étudiés. Nous organisons des groupes d'accès aux droits fondamentaux et menons des accompagnements de familles de façon individuelle. Ces relations avec les familles s'inscrivent dans la durée, dans une proximité qui permet la relation de confiance réciproque. Nous faisons donc mouvement ensemble.
Avant d'aborder la question qui nous occupe aujourd'hui relative à l'aide sociale à l'enfance, je vous présenterai les différentes actions que nous menons, qui couvrent tous les aspects de la vie des personnes.
À travers différents projets pilotes, nous démontrons qu'une autre société est possible. Certains projets concernent la promotion familiale. Nous avons ouvert un centre de promotion familiale à Noisy-le-Grand et, pendant dix ans, nous avons mené dans le quartier Fives à Lille le projet « École-Famille-Quartier », en lien avec l'Éducation nationale. Les partenaires du quartier continuent de travailler aujourd'hui avec les parents et les familles. Nous menons également des projets autour de l'emploi et de la formation avec une entreprise solidaire, Travailler et apprendre ensemble, à Noisy-le-Grand. Cette expérience a ensuite été déclinée sur les Territoires zéro chômeur de longue durée. Nous avons pu démontrer que personne n'est inemployable.
Dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, nous avons lancé un projet qui tourne autour du développement du tout-petit enfant et des parents.
La dernière expérimentation est un projet de l'Éducation nationale, qui débutera en septembre avec une dizaine de collèges volontaires en France, afin que plus aucune décision d'orientation ne soit prise pour cause de pauvreté. Après trois ans de recherche, cette expérimentation sera menée avec des chercheurs et des professionnels de l'Éducation nationale.
Parler de l'ASE nécessite avant tout de mettre en avant l'impact négatif que représente pour l'enfant, dès sa naissance, le cumul des handicaps qui pèsent sur lui, en raison de la pauvreté de ses parents. Penser la protection de l'enfant dissociée des conditions de vie de sa famille revient à construire des projets sur des fondations instables.
Vouloir protéger un enfant, c'est d'abord permettre que ses droits et ceux de ses parents soient respectés en référence à la Convention internationale des droits de l'enfant, avec en premier lieu l'exigence de vivre des conditions de vie et de santé décentes.
Mme Céline Truong va approfondir le propos en évoquant les travaux que nous avons menés autour de l'aide sociale à l'enfance.