Intervention de Hervé Laud

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 9h20
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Hervé Laud, directeur de la prospective et du plaidoyer de SOS Villages d'enfants :

Les motifs de placement sont variables dans les villages et dépassent largement la question du logement.

Avoir des modèles tels que SOS Villages d'enfants ou Action Enfance est important. Aucune magie ne préside à leur fonctionnement. L'intention n'est pas le seul moteur, se pose aussi la question de la vacance possible. Si quatre enfants s'en vont, légitimement, tout favorable que je sois aux familles d'accueil, je vais reprendre un enfant puis un autre, qui ne sont pas forcément frères et soeurs. Dans les maisons d'enfants qui travaillent sur la fratrie, cette question de la vacance se pose. Disposer de quatre ou six places libres autorise l'accueil. C'est un élément clé qui permet de faire ce que nous avons à faire.

Élément complémentaire : dans des situations à la marge, à la limite de nos projets, nous sommes confrontés à des échecs, mais nous connaissons aussi souvent des réussites. Tout le monde est alors ravi. Dans notre jargon, on dit que l'on a « bricolé un truc génial » pour ce gamin. La solution est trouvée, en explosant les budgets, en faisant des exceptions à la règle ; la solution est trouvée en étant dans ce bricolage.

Au moment où nous négocions les tarifications de 50 places, pourquoi ne pas décider de ce que l'on fait des quarante-six premières et de réserver quatre places supplémentaires qui nous donneraient la possibilité d'agir ? Au cours d'une année, avec 50 gamins, nous serons confrontés immanquablement à quatre situations exceptionnelles qui nécessiteront de renforcer l'équipe, de proposer un maillage avec une association collègue, de créer un lien très singulier et d'accueillir à titre exceptionnel, et tout cela dans un cadre préétabli.

L'arsenal juridique de la protection de l'enfance se présente de façon diffuse dans différents textes : le code pénal, le code de l'action sociale et des familles, etc. En France, on a eu du mal, collectivement, à légiférer sur la protection de l'enfance. Un juge des enfants n'est souvent affecté dans ses fonctions que pour trois ou quatre ans, pas davantage, en raison du système de mobilité. À quel code se référer pour fonder ses positions ? Je pense qu'il serait utile de se pencher sur ces questions juridiques.

Sur les modes de financement, la loi de 2007 a incité à innover et à hybrider. Concrètement, on peut prévoir un service d'accueil familial immédiat, trois places en espace de transition dans telle maison l'accueil, des expérimentations restant possibles. Tout le monde est d'accord sur le projet. Mais quand il s'agit de passer au financement, on reste encore très bloqués. Hybrider des ressources est complexe. Il est difficile d'être porteur d'une garantie jeune alors même que cette politique est celle de la protection de l'enfance. À la maison Claire Monrandat à Valenciennes, qui accueille des enfants de 16 à 21 ans, la conseillère en économie sociale et familiale est une championne de la question du relogement. Elle travaille avec plusieurs bailleurs. Son poste pourrait être construit au niveau du département, pourquoi pas à partir de financements du Fonds solidarité logement (FSL) ? L'accompagnement « vers et dans » le logement peut être pensé au sein de la protection de l'enfance. La conseillère accueille, sous l'angle de la protection de l'enfance, la demande du jeune qui, au-delà d'être un jeune, a suivi un parcours singulier.

Sur la question de la pauvreté et des carences, précisons que les crimes et les violences sexuelles sont un phénomène très partagé. Les enfants n'en sont pas du tout à l'abri, quel que soit le revenu socio-économique de leurs parents. C'est une vraie question. L'an dernier, nous étions partenaires avec Bayard et d'autres dans la production d'un livret relatif à la lutte contre les maltraitances et violences sexuelles faites aux enfants. Sur ce sujet crucial, il convient de progresser ; il dépasse la question de la pauvreté, même si la pauvreté est sans doute un facteur aggravant – et pas uniquement sur cette question.

J'en viens aux jeunes de plus de 18 ans. L'entrée à l'ASE aux termes de l'article 375 devrait pouvoir se faire encore après 18 ans. J'ai travaillé pendant des années dans le cadre de dispositifs 16-21 ans.

Un jeune qui se fait mettre à la rue le jour où il annonce son homosexualité le lendemain de ses 18 ans, une grossesse précoce, des violences, un beau-père passant à l'acte transgressif sur sa belle-fille de 17 ans et demi : ces cas représentent au moins 30 % des enfants de cette catégorie d'âge. Nous pourrions solliciter la protection de l'enfance pour promouvoir une plus grande inconditionnalité et ne pas poser d'âge couperet. Ce sont les objectifs qui doivent être les couperets : créer un réseau social, réaliser un parcours d'études et de formation. À 19 ans, certains jeunes sont prêts à être autonomes, d'autres ne le sont pas encore totalement à 24 ans. Ce sont ces facteurs qui doivent être l'arbitre plutôt que l'âge.

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