Sur l'impact de la pauvreté, il est invraisemblable que l'on soit encore en train de se poser la question et de chercher des arguments. Ceux qui sont au contact des enfants et de leur famille ne peuvent que constater qu'il s'agit d'un phénomène massif, qui crève les yeux. Mais nous-mêmes, à ATD, cherchons encore des chiffres pour étayer ce que nous constatons au quotidien, pour être crédibles et apporter les éléments qui nous permettront d'engager un travail.
Dans le cadre du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), nous avons interpellé les représentants de l'INSEE. Nous leur avons demandé s'ils disposaient d'éléments prouvant la corrélation entre le placement des enfants et les catégories socioprofessionnelles des familles biologiques. Ils nous ont répondu tout savoir sur les familles d'accueil, mais ne disposer d'aucun chiffre. Lorsqu'un enfant est placé, les données ne sont pas corrélées, elles ne figurent pas dans un même tiroir, un même bureau, une même instance. À ce jour, nous ne sommes pas en mesure de vous fournir des chiffres. Il y a là quelque chose à faire !
Concernant l'euphémisation des situations, j'ignorais ce concept qui s'inscrit à l'encontre de ce que nous disions précédemment sur la nécessité de lever les malentendus entre les familles et l'ASE afin de travailler efficacement ensemble. Dire aux parents que leurs enfants sont placés pour telle ou telle mauvaise raison revient à faire fausse route. C'est, encore une fois, au détriment de tout le monde, à commencer par l'enfant. ATD ne cautionne absolument pas ce genre de choses.
Vous avez parlé de créer les conditions de la créativité. Bien sûr, il y a des catégories. Quand on est travailleur social et que l'on rédige des synthèses plusieurs fois par semaine, des situations se répètent, mais une famille reste une famille. Quand je parviens à avoir un lien de proximité et de confiance avec les familles, je me félicite du filet de sécurité ainsi tissé. C'est extraordinaire. Malheureusement, parfois, cela ressemble davantage à une toile d'araignée dans laquelle elles sont engluées. L'image est à peu près la même, mais la posture de la famille au milieu de tout cela est très différente.
Vous demandez ce qu'il faudrait améliorer dans la relation entre les familles et les travailleurs sociaux. La formation est la clé, mais pas une formation qui passe par les livres. Les généralités ont, certes, une valeur et permettent de réfléchir, mais quand on rencontre une famille, on ne peut se dire qu'elle correspond à ce que l'on a appris au chapitre 3 et, si on le fait, on sort de la réalité et de la finesse nécessaire. On en revient à l'idée de créativité.
L'institut régional de travail social (IRTS) de Perpignan est moteur, qui a inventé une façon innovante de former les travailleurs sociaux en lien avec les familles. Par ailleurs, à Lille, dans l'une des écoles sociales, les parents sont parfois conviés sous la forme de témoignages, ce qui ne nous convient pas entièrement parce que le concept d'égale dignité n'est pas respecté. Mais quand les parents qui ont croisé le chemin de l'ASE participent à l'élaboration du programme de formation, on retrouve une équité en termes de partenaires de réflexion, de reconnaissance du savoir. Il existe des initiatives intéressantes. Allez voir !