Au Québec, la protection de l'enfance est une loi de police. C'est vrai aussi au niveau de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les lois de police étant rendues nécessaires dans toute organisation sociale. Cela rend les choses spécifiques. À l'ANDEF, nous sommes de vieux directeurs, de vieux inspecteurs ASE. Nous partageons des dizaines d'années d'expérience. La spécificité est liée à la contrainte et aux mauvais traitements qui ont des conséquences sur le développement des enfants et que l'on sous-estime beaucoup. On a fondu la loi de police, la loi d'exception à l'action sociale. Je me réfère à la thèse de Flore Capelier sur la protection de l'enfance. Dans les années 1970, nous avons assisté à un glissement de l'action sociale, qui a pris en compte, entre autres, les items de parentalité, mais à la base, c'est une atteinte à la liberté familiale, qu'elle soit de nature administrative ou judiciaire, quoi qu'il en soit, on va chercher la chair de la chair. Des acteurs de la protection de l'enfance supportent des charges émotionnelles lourdes, très délicates à gérer par les décideurs, notamment par les inspecteurs ASE ou même par le juge des enfants. Il ne faut pas déconsidérer la situation en la diluant dans une action sociale d'accompagnement et d'aide qui, certes, est le niveau de droit commun d'aide aux familles.
Bien sûr, l'ASE doit être saisie à titre d'exception. Le chiffre de 350 000 enfants suivis ou confiés à l'ASE est énorme ; il est quasiment équivalent à celui que connaissent certains pays européens de l'Est. Si nous comparons à l'échelon européen, notre taux d'intervention est assez élevé. L'ASE dépense beaucoup d'énergie pour arriver à des trajectoires résilientes chez ces enfants, et cela fonctionne. Preuve en est l'aspect transgénérationnel : seuls 6 % ou 8 % des enfants confiés à l'ASE devenus parents ont à faire face à une prise en charge de l'aide sociale à l'enfance de leurs enfants. La matière est donc très particulière, il faut éviter de l'abîmer par des organisations qui ne sont pas facilitantes. Nous avons besoin d'une gouvernance scientifique. Sortons du psycho-social des années 1970, entrons dans les neurosciences du xxie siècle !