Nous n'avons pas abordé la complexité de cette politique publique liée en partie au fait que nous sommes tous « les enfants de » et le plus souvent « les parents de ». Une telle question ne peut laisser personne indifférent. Cette question de la protection de l'enfance, de la violence faite aux enfants, des difficultés familiales fait écho en chacun d'entre nous. Nous avons tous une représentation du rôle de parent.
Cette politique publique s'applique à différents niveaux. Parfois il s'agit d'apporter de l'aide et du soutien à un parent qui est momentanément en difficulté, à d'autres occasions, il s'agit de disparentalité, de personnes qui ne sauront jamais être parents, qui ne sauront jamais élever un enfant ou qui ne peuvent pas le faire parce qu'elles sont elles-mêmes porteuses d'un handicap ou d'une difficulté. C'est extrêmement difficile à accepter.
J'ai travaillé, sur le plan de la recherche, avec l'association Agir tous pour la dignité (ATD Quart-Monde). J'ai été très intéressée par ce travail. Des personnes ont peu de chose, mais ils ont leurs enfants. On touche là à quelque chose d'extrêmement sensible et de profond en chacun d'entre nous. Sans doute, à certains moments, est-il assez tentant pour les organisations de gommer cette politique publique extrêmement complexe, les collectivités locales étant mises dans la situation d'appliquer, dans 80 % des cas, des mesures qui s'imposent à elles. La posture est par conséquent assez particulière. Parfois, tout cela peut paraître incompréhensible.
J'entendais hier, à l'occasion d'une réunion au niveau d'un ministère, un élu déclarer que ce n'est pas sur cette politique-là qu'un homme politique peut se faire élire, parce qu'elle est méconnue, assez peu comprise et que, au surplus, elle touche au coeur de l'affectivité de chacun d'entre nous. Dès lors, la tentation peut être forte, y compris pour les organisations, pas toujours de façon très consciente d'ailleurs, de gommer cette politique publique. Plus on la gomme, plus on est en difficulté pour la mettre en oeuvre. La loi n'est pas remise en cause, nous semble-t-il, si ce n'est sa mise en oeuvre et la difficulté à disposer de professionnels compétents pour la mettre en oeuvre. Quel que soit le niveau, la difficulté est de plus en plus grande de recruter des éducateurs ou des décideurs puisqu'une délégation est donnée pour les fonctions de direction. Certains départements peuvent mettre jusqu'à 18 mois ou deux ans avant de pourvoir à des fonctions vacantes.
La question de la représentation et de l'idéologie a été au centre de cette politique. Depuis quatre ou cinq ans, notre association tire la sonnette d'alarme pour alerter sur l'inadaptation de certaines organisations. Qui pourrait penser que le directeur des routes n'ait pas sous son autorité le personnel qui procède aux travaux de voirie ? C'est pourtant ce qui se produit parfois pour les organisations où nous travaillons, c'est-à-dire que les professionnels qui mettent en place cette politique publique ne sont pas sous la responsabilité du directeur mais sous celle d'une autre direction, voire les directions disparaissent dans les départements. Tout est territorialisé. Nous sommes, bien sûr, très favorables à la territorialisation s'agissant d'un service de proximité qui s'adresse à la population mais elle ne peut tout régir, ni tout expliquer. C'est ainsi que, à l'extrême, des territorialisations ne permettent pas de résoudre les difficultés de disparentalité que rencontrent les parents. Un autre niveau et une autre expertise sont nécessaires pour prendre en charge de telles situations.