C'est très variable. Cela se passe très bien dans le département où je travaille – c'est ce que disent aussi nos collègues. La collaboration avec les juges des enfants peut être très bonne. Et puis il peut y avoir des situations un peu plus figées.
Dans la mesure où nous mettons en oeuvre des décisions que les juges des enfants sont amenés à prendre individuellement, il nous paraît indispensable de partager avec eux la vision globale de l'évolution de la politique publique et des publics accueillis sur le département. Le plus souvent, les tribunaux pour enfants ou le parquet des mineurs sont extrêmement démunis sur le plan des statistiques et de la vision globale. Ils ne disposent pas des outils dont nous disposons, notamment des logiciels métiers qui nous permettent d'avoir une vision et une appréhension des évolutions de la population que nous accueillons et des problématiques que nous avons à traiter dans le département. La qualité de dialogue qui doit présider à nos relations nous paraît indispensable afin qu'elles ne reposent pas uniquement sur le principe « je décide et vous faites. » C'est la pire des postures, mais il arrive parfois que nous y soyons confrontés.
Votre question me permet d'aborder l'institution judiciaire et la complexité de la situation. D'un côté nous avons une institution judiciaire indépendante, de l'autre, une collectivité décentralisée à laquelle la loi confie une certaine autonomie, mais à qui s'impose la mise en oeuvre des décisions de justice. On voit bien la complexité du système. La collectivité doit travailler avec toutes les autres institutions, entre autres, du domaine de la santé qui regroupe le secteur hospitalier, les centres médico-pédagogiques (CMP), l'institution scolaire. La protection de l'enfance est une politique de travail en réseau.
Nous ne pouvons pas mettre en oeuvre les décisions sans nous appuyer sur différents partenaires, y compris le secteur associatif avec lequel nous avons développé une qualité de travail pour rendre les choses possibles au-delà du contrôle et de la tarification. On voit bien que la place du département est compliquée et que les bonnes relations entre les institutions sont nécessaires. Une analyse géostratégique et systémique de la protection de l'enfance mettrait en avant sa complexité de fonctionnement.
Nous avons tout intérêt à développer avec les magistrats des relations de bonne qualité et à partager la vision de l'évolution de la protection de l'enfance sur le département, ce dans le cadre de l'Observatoire ou en dehors, y compris à l'examen des situations individuelles. Quant à prendre une décision et à s'assurer de l'effectivité de sa mise en oeuvre, c'est autre chose. Nous sommes, pour ce qui nous concerne, plutôt dans la mise en oeuvre. Parfois, des décisions tout à fait compréhensibles au tribunal s'avèrent bien plus compliquées à mettre en oeuvre. En effet, il arrive que les familles n'adhèrent qu'en façade à une décision, dont l'application rend indispensable un travail de grande proximité ; il nécessite que chacun, nous y compris, accepte de faire un pas vers l'autre, faute de quoi les problèmes restent irrésolus.