Tout d'abord, quand les enfants sont adolescents, le placement ne pourra remédier à l'aliénation parentale, qui aura pris une forme sévère ; le lien sera difficilement récupérable s'il n'est pas travaillé avec un personnel adapté. En revanche, quand l'enfant est jeune, le placement peut être efficace, comme le montre le cas dont je vais faire état. Je vous dirai aussi comment la prévention, telle qu'elle a lieu dans d'autres pays, évite d'aller jusqu'au placement.
Je vais vous parler d'un enfant de huit ans. Il a été placé après l'échec des prises en charge judiciaires – médiation familiale et mesures éducatives – menées au long de la procédure de séparation des parents, car on ne place pas un enfant en premier recours. Mais, le droit de visite et d'hébergement étant systématiquement bafoué, le juge s'est finalement résolu à signer une ordonnance de placement, à la suite d'une expertise démontrant une aliénation parentale.
Cet enfant a donc été placé dans une famille d'accueil et, à ce stade, nos constatations rejoignent celles de mes collègues. Le référent de l'ASE refuse de prendre connaissance de l'historique des procédures, en particulier de l'expertise qui a justifié le placement de l'enfant. Alors que l'expert avait préconisé de renouer le lien de façon progressive, les deux parents, qui auraient du avoir un droit de visite différencié, disposent strictement des mêmes droits de visites médiatisées. Le parent rejeté, ici le père, est considéré par l'ASE comme le parent dangereux, au prétexte qu'« il n'y a pas de fumée sans feu », qu'« il y a toujours du vrai dans le discours d'un enfant » et que « l'aliénation parentale, ça n'existe pas » ; autrement dit, l'ASE ne tient pas compte de l'expertise sur laquelle le juge a appuyé son ordonnance de placement. Le placement, prévu pour durer six mois avec l'accord du père, va durer quatre ans avant que celui-ci parvienne à retrouver la garde résidentielle que le juge aux affaires familiales lui avait attribuée d'emblée. Pour finir, la mère de cet enfant n'a plus jamais cherché à revoir son fils une fois que ce dernier est allé vivre chez son père.
On voit donc que le traitement d'une difficulté par le juge aux affaires familiales a échoué parce qu'il a pris trop de temps. Il en est résulté un déchirement pour l'enfant qui est resté placé longtemps et qui, après avoir été conduit à rejeter son père, a été abandonné par sa mère.
En Belgique, on différencie le traitement des séparations parentales selon la gravité des difficultés éprouvées. Les familles dans lesquelles la gestion de l'autorité parentale est compliquée reçoivent un appui du type action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou médiation. Quand on sent qu'un parent va faire obstruction au lien parental, la famille est prise en charge avec célérité – dans un délai de trois mois. La Belgique applique le modèle allemand de prévention dit « pratique de Cochem », avec un recours à des expertises collaboratives qui permettent de constater instantanément les cas de rupture du lien avec un parent. En Belgique, l'expert peut être mandaté pour travailler pendant six mois avec les parents, sa mission étant d'amener un parent à accepter l'exercice de l'autorité parentale par l'autre parent. Cette pratique de l'expertise est tout à fait acceptable et acceptée dans les textes européens en vigueur. La Belgique et l'Allemagne sont sans conteste en avance sur nous.