Pour commencer, tous les enfants ne sont pas également influençables par suggestion. Il en va pour eux comme pour les adultes approchés par des sectes : tout le monde n'y entre pas, et cela n'a rien à voir avec le niveau socio-professionnel. Cependant, l'enfant est particulièrement vulnérable à la suggestion. Je vous renvoie à ce sujet à l'ouvrage Séparations conflictuelles et aliénation parentale que nous avons publié en 2005. Les chapitres en ont été rédigés par différents experts, dont Marie-France Hirigoyen qui explique comment le processus d'emprise peut s'installer. Plus jeune est l'enfant, plus il est dépendant du parent, plus il est vulnérable, et mieux la suggestibilité marche – Gérard Poussin le montre aussi. Le basculement dangereux a lieu quand l'enfant n'a plus de discours personnel.
Au début se produit un conflit de loyauté : l'enfant, qui aime ses deux parents et qui est obligé de choisir l'un de deux, se trouve successivement dans l'ambivalence puis dans le clivage. Cette situation est trop difficile à tenir, et il choisira non par confort mais par nécessité d'économie psychique. Alors se fait le basculement qui correspond au stade 3 de l'aliénation parentale décrite par les Américains. En Europe, on a des réponses judiciaires opérantes – AEMO, médiation pénale… – pour traiter le conflit de loyauté, mais quand il s'agit d'aliénation parentale, on a comme seule mesure le placement. Si l'enfant est un adolescent, cela ne fonctionnera pas : il fuguera, se mettra en danger et mettra en danger son foyer – il peut l'incendier… En revanche, pour un petit enfant, le placement provisoire est un sas de décompression, mais il faut une formation spéciale.
Le docteur Richard Ades Warshak, auteur américain du livre Le Poison du divorce a mis au point une méthode de « ponts familiaux » : après qu'une expertise a montré une aliénation parentale, l'enfant n'est placé ni dans un foyer ni dans une famille d'accueil mais dans un centre dépendant du tribunal sous la responsabilité de psychologues qui vont travailler avec lui pendant trois jours non pas sur son histoire familiale mais sur les distorsions cognitives que chacun peut avoir par rapport à la réalité en lui démontrant par des exemples classiques en psychologie de l'enfant que l'on peut être incité à quelque chose par un discours récurrent. Ensuite, il y aura un changement de résidence. Aussi, le parent qui récupère la résidence de l'enfant sera présent et réintroduit auprès de lui ; en revanche, le parent manipulateur ou aliénant, ou qui a mis en échec toutes les décisions judiciaires a interdiction de voir son enfant pendant trois mois au minimum. Il devra faire un stage parental et se prononcer lui-même sur ses capacités, ses compétences, son niveau de compréhension des phénomènes qu'il a suscités. Si les maltraitances psychologiques de l'enfant étaient intentionnelles, on va au pénal. Il y a déjà eu des jugements de ce type, notamment à Lyon : un père qui a dit avoir agi pour « pourrir la vie » de la mère et qui, de plus, s'était dit prêt à recommencer, a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et injonction lui a été faite d'un suivi psycho-judiciaire. Mais quand un parent dit « mon enfant est en danger, je veux le protéger », le phénomène relève dans la plupart des cas de l'inconscient, d'une difficulté personnelle du parent qui s'accroche à l'enfant, l'« adultise » et en fait en quelque sorte son compagnon. Le danger tient à ce que la relation est tellement fusionnelle qu'elle peut devenir non pas incestueuse mais incestuelle – c'est ce que les psychiatres appellent « la folie à deux ».