Intervention de Adrien Taquet

Réunion du jeudi 27 juin 2019 à 11h00
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Je suis évidemment très heureux d'être avec vous ce matin et d'intervenir devant votre mission d'information : merci pour votre invitation. Ce sera l'occasion pour moi de vous présenter la réflexion et l'action que mène le Gouvernement en matière de protection de l'enfance. Une étape importante a été franchie hier – un certain nombre d'entre vous y a assisté – avec la restitution des conclusions des six groupes de travail organisés dans le cadre de la grande concertation nationale sur la protection de l'enfance que j'avais lancée. Cela occupera une partie de mon propos.

Je me réjouis évidemment – je le dis depuis le début de vos travaux – que l'Assemblée nationale se soit emparée de la question de l'aide sociale à l'enfance, au travers de cette mission d'information, mais pas seulement : je pense aussi à la proposition de loi de Brigitte Bourguignon sur l'accès à l'autonomie, à laquelle vous avez fait référence, monsieur le président. J'ai toujours considéré que, dans notre pays, la question de l'enfance en général – et pas seulement de l'aide sociale à l'enfance –, au regard de la situation, devrait être à la une de l'actualité médiatique et en tête des priorités politiques. Tel n'est pas le cas. Je ne peux donc que me réjouir de toute initiative tendant à s'emparer de la question pour la mettre sur le devant de l'actualité.

En effet, pour les enfants en général, et ceux de l'aide sociale à l'enfance en particulier, qui vont occuper l'essentiel de nos discussions ce matin, nous devons faire plus et mieux : c'est le sens du mandat que m'ont confié le Président de la République et le Premier ministre en créant le secrétariat d'État à la protection de l'enfance il y a maintenant cinq mois – ce qui était d'ailleurs une première sous la Ve République. Depuis ma nomination, j'ai beaucoup écouté les enfants, évidemment, où qu'ils se trouvent. J'ai effectué environ vingt-cinq déplacements pour rencontrer, dans les différents lieux d'accueil, non seulement des enfants, mais aussi, bien entendu, les professionnels de la protection de l'enfance, à commencer par les travailleurs sociaux, et le secteur associatif. Je profite de l'occasion pour vous dire aussi que j'ai été impressionné par le nombre et la qualité des auditions que vous avez menées au sein de cette mission d'information.

De tous ces échanges, j'ai tiré une conviction forte, que j'ai eu l'occasion de rappeler hier : il est inutile d'aller chercher dans une supposée imprécision de la loi la source des maux qui frappent le secteur de la protection de l'enfance. Je pense que nous bénéficions, grâce à l'avancée décisive que constitue la loi du 14 mars 2016, née du travail acharné de deux parlementaires – les sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini –, d'un cadre légal solide, fiable et qui va assez loin, car – ce n'est pas à des parlementaires que je vais l'apprendre – la loi n'a pas vocation à entrer dans le détail : elle est générale. La loi n'est pas non plus en mesure de faire évoluer à elle seule les esprits et la société, même si elle y contribue fortement. Le code de l'action sociale et des familles a même tendance à être un peu bavard. Il ne faudrait pas que nous passions collectivement plus de temps à élaborer le cadre normatif qu'à nous soucier de la manière dont nous pouvons faire la différence dans la vie des enfants.

Je tire de ces réflexions la conclusion suivante : changer la vie de ces enfants relève pour une grande part, j'en suis convaincu, de l'art de l'exécution – c'est ce dernier kilomètre dont parle souvent le Président de la République, de façon à toucher dans leur quotidien les gens, les Français et, en l'espèce, les enfants. Cet art de l'exécution est ingrat, en réalité, car il requiert davantage l'humilité que la flamboyance et il s'impose dans un combat trop important pour supporter les effets de manche ou les effets d'annonce.

Le cap est ainsi fixé : dans les années qui viennent, ce sont les pratiques, davantage que la loi elle-même, qu'il faudra changer, ainsi que le regard que porte la société sur la condition infantile. Je souhaite que l'intérêt supérieur de l'enfant devienne le principe cardinal de toute politique publique en matière de protection de l'enfance. Pour cela, évidemment, une mobilisation de tous les acteurs est de mise – les départements, qui assurent localement la position de chef de file en matière de protection de l'enfance, mais aussi les communes, qui mènent une action sociale importante, les associations qui accompagnent continuellement les enfants et leur famille, mais aussi les parlementaires – pour que nous changions de paradigme.

Vous le savez, la refondation de l'aide sociale à l'enfance constitue le troisième pilier du pacte pour l'enfance que j'ai annoncé il y a quelques mois. Le premier pilier a trait à la prévention : il englobe tout ce qui concerne l'accompagnement à la parentalité, autour du concept des « mille premiers jours » de l'enfant, sur lequel nous sommes en train de travailler et qui donnera lieu à des annonces à la rentrée. Le deuxième pilier consiste dans la lutte contre les violences, en tout lieu et à tout moment, qu'il s'agisse de violences psychiques, physiques ou sexuelles. Le troisième pilier du pacte, celui qui nous occupe plus particulièrement ce matin, est donc la refondation de l'aide sociale à l'enfance.

Peu de temps après à ma nomination, j'ai décidé de lancer une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes, articulée autour de six groupes de travail. Le premier avait trait à la sécurisation des parcours de l'enfant. Comme vous le savez, la vie des enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance est marquée, la plupart du temps, par une rupture souvent dramatique, et une fois qu'ils sont dans le système, six à sept autres ruptures interviennent. Le premier groupe de travail avait donc pour objectif de réfléchir sur la manière de sécuriser le parcours de ces enfants.

Le deuxième groupe de travail était centré sur le mode d'accueil de type familial, autrement dit les familles d'accueil, dans chacun des départements. Tous les déplacements que j'ai effectués, et je pense que vous avez eu le même son de cloche, m'ont amené à constater que la démographie était plutôt défavorable et qu'il y avait un problème d'attractivité de cette profession.

Le troisième groupe de travail portait sur une question dont vous savez peut-être qu'elle m'est particulièrement chère : celle des enfants en situation de handicap. En effet, 20 % à 25 % des enfants de l'aide sociale à l'enfance ont une reconnaissance de la part des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les causes de cette situation sont variées. Le Gouvernement s'y attelle par ailleurs – je pense notamment au forfait d'intervention précoce, dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme, qui permettra de repérer les enfants plus tôt et, ce faisant, d'atténuer les symptômes et les troubles du comportement qui font parfois exploser les familles et peuvent conduire à des placements. Les enfants en situation de handicap sont au croisement du social et du médico-social. Or, dans un pays comme le nôtre, qui a parfois tendance à fonctionner en silos, quand on est au croisement de deux institutions, on n'est en réalité nulle part. Nous devons donc inventer de nouvelles façons d'accompagner ces enfants.

Le quatrième groupe de travail avait trait à l'ambition scolaire : comment promouvoir l'ambition scolaire des enfants relevant de la protection de l'enfance ? Leur niveau global de scolarisation est moindre par rapport au reste des enfants de leur âge. Cela est dû aux multiples ruptures qu'ils ont subies dans leur parcours de vie. La déscolarisation est une rupture supplémentaire : il nous faut la faire disparaître.

Le cinquième groupe de travail était consacré à la qualité et à la transparence des lieux d'accueil : comment, d'une part, garantir la sécurité des enfants et, d'autre part, s'assurer que l'on est protégé à peu près de la même façon aux quatre coins de la France ?

Enfin, le dernier groupe de travail portait sur la question du pilotage de cette politique publique, dont vous savez qu'elle est décentralisée depuis 1983. Le département est donc chef de file, mais la compétence reste partagée. En effet, la justice intervient beaucoup dans le processus, même si celui-ci a été conçu pour être plutôt administratif que judiciaire. Force est ainsi de constater que 70 % des mesures d'aide à domicile sont prononcées par la justice, de même que 80 % des mesures de placement. La déjudiciarisation, que vous avez évoquée, monsieur le président, est donc certes importante, mais aussi complexe à réaliser, puisqu'elle repose notamment sur l'adhésion des parents aux mesures proposées. L'État est donc de facto partie prenante. Par ailleurs, même dans le cadre d'une politique décentralisée, l'État peut continuer – il doit même le faire, selon moi – à jouer un rôle, il est vrai différent de celui qu'il aurait si cette politique était menée de façon exclusive.

La question de la gouvernance inclut également une autre dimension qui m'est très chère et dont je parle dès que j'en ai l'occasion : la pleine participation des enfants, non seulement aux décisions qui les concernent, mais aussi à l'élaboration des politiques publiques, que ce soit au niveau local ou au niveau national. Je crois à la démocratie sociale et contributive, qui ne remet en rien en cause la démocratie représentative, que vous incarnez ici, mesdames et messieurs les députés : je trouve que ces deux approches sont complémentaires. La participation des usagers aux politiques publiques qui les concernent doit être développée ; cela se fait beaucoup dans le secteur sanitaire, cela se développe dans le médico-social et la pratique a toute sa place dans le social.

Chaque groupe de travail était coprésidé par un président de conseil départemental et un spécialiste de la question – un recteur s'agissant du groupe sur l'éducation, le directeur général de la cohésion sociale (DGCS) s'agissant du groupe de travail sur la gouvernance, mais aussi un magistrat et des responsables d'associations. Chacun des groupes réunissait l'ensemble des parties prenantes, notamment les associations – y compris celles qui regroupent d'anciens enfants protégés, ou des enfants qui le sont encore – et les administrations.

Les groupes de travail m'ont donc remis leurs conclusions hier. Je n'entrerai pas dans le détail des propositions : j'y reviendrai plus tard si vous le souhaitez, et en réponse aux questions que vous me poserez. Tout le monde, me semble-t-il, a salué la méthode et la dynamique qui sont à l'oeuvre, c'est-à-dire le fait d'avoir mené cette concertation, l'importance de se mettre autour de la table et d'élaborer ensemble les politiques publiques. Nous avons en effet invité des gens qui n'étaient pas forcément habitués à participer aux discussions et aux concertations, qu'elles soient institutionnelles ou plus informelles, au niveau national ou au niveau local. Ces personnes, qui ne sont pas toutes membres du Conseil national de la protection de l'enfance, ont apporté un regard différent, un point de vue neuf. Nous avions, comme toujours, l'ambition de croiser les approches, car c'est particulièrement important.

Tout le monde a également noté et salué la présence, hier, de quatre ministres – sachant que deux autres étaient également représentés. J'y tenais beaucoup et, en réalité, c'est une dynamique assez naturelle, mais je ne suis pas sûr que, sous la Ve République, la restitution d'une concertation ait jamais mobilisé de la sorte six ministres. Il convient de le souligner. Mon poste, je l'ai toujours dit, est par nature très interministériel. Je suis un assembleur, un catalyseur mais, avec moi, c'est bien l'ensemble du Gouvernement qui est mobilisé. Agnès Buzyn a prononcé le discours d'ouverture. Étaient représentés, et c'est particulièrement important étant donné le rôle qu'ils jouent dans le système, Nicole Belloubet – j'évoquais tout à l'heure l'importance de la justice – et Jean-Michel Blanquer. Sophie Cluzel était présente, en raison du lien avec la question du handicap, qu'elle suit évidemment de près, vu son importance. Roxana Maracineanu assistait elle aussi à la réunion : l'accès au sport et aux loisirs est, sinon un angle mort, tout au moins un aspect qu'on évoque assez peu concernant les enfants de l'ASE, peut-être parce que d'autres aspects sont plus importants, ou sont considérés comme tels. J'ai toujours estimé, pour ma part, y compris quand je travaillais sur la question du handicap, que l'accès au sport, à la culture et aux loisirs, de même que le fait d'avoir une vie affective et sexuelle, étaient en réalité des composantes de l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière. Les enfants de l'ASE doivent accès à tout cela. Or on en parle assez peu. Je voulais donc insister sur ce point.

À cet égard, en ouverture de la restitution, hier, nous avons partagé une initiative que nous avons prise et dont on avait peu parlé, ce qui fait que de nombreuses personnes l'ont découverte à cette occasion : nous avons mené une consultation avec OpinionWay auprès des enfants protégés, qu'ils se trouvent en famille d'accueil, dans un foyer ou dans une maison d'enfant à caractère social (MECS). L'objectif était de les interroger, d'une part, sur leur perception du bonheur et leurs perspectives d'avenir et, d'autre part, sur ce que leur apportent les sports et les loisirs. On constate d'ailleurs, en général, que ceux qui ont des activités sont aussi plus heureux, ont davantage confiance en l'avenir. Le sport et la culture sont de véritables vecteurs d'émancipation, à la fois individuelle – cela permet de retrouver l'estime de soi, ce qui est souvent difficile, on le sait, pour les enfants protégés en raison des violences qu'ils ont subies – et collective : ce sont des instuments de sociabilisation importants. J'étais assez inquiet à ce sujet : je me demandais si les enfants faisant du sport ou ayant d'autres activités restaient au sein du foyer ou bien pratiquaient dans un cadre ouvert sur l'environnement extérieur, sur l'écosystème associatif. En l'occurrence, l'étude que j'évoquais, conduite auprès de 1 500 enfants – elle est donc relativement représentative –, nous a montré que plus de 75 % des enfants pratiquent bien dans un club : l'activité est donc assez ouverte et intégrée dans le tissu local, et c'est une très bonne chose.

Avant de vous laisser la parole, mesdames, messieurs les députés, je souhaiterais, si vous me le permettez, préciser les autres actions que nous menons par ailleurs – car il n'y a pas seulement la concertation dont j'ai parlé. Nous avons ouvert un certain nombre d'autres chantiers, dont il me semble important que vous ayez connaissance.

Dans le cadre de la concertation, mais sur un tempo un peu différent, parce qu'il s'agit d'une démarche scientifique, qui nécessite donc un peu plus de temps que les trois mois de la concertation, nous avons lancé une démarche de consensus. Comme vous le savez probablement, une première démarche de consensus avait été engagée en 2017 par le docteur Martin-Blachais, relative aux besoins fondamentaux de l'enfant dans le cadre de la protection de l'enfance. C'est alors qu'avait été formalisée, notamment, l'idée du « méta-besoin » que constitue pour les enfants la sécurité, à la fois matérielle et affective. Si ce méta-besoin n'est pas satisfait, rien d'autre n'est possible, rien d'autre ne peut être construit : c'est un socle qui est donné à ces enfants. La sécurité matérielle, physique et affective est le préalable à toute autre action qui pourrait être menée en leur faveur. Nous avons prolongé cette démarche et l'avons centrée sur l'adaptation des modes d'intervention et de prise en charge à domicile. Il faut en effet s'interroger collectivement sur la pertinence du placement et réfléchir au développement d'un certain nombre de solutions alternatives. Vous avez peut-être observé, lors de vos déplacements, des dispositifs innovants qui existent dans un certain nombre de départements.

Cette démarche scientifique sera clôturée – probablement fin septembre – par un débat public. Les conclusions seront rendues en novembre et viendront compléter notre réflexion et les mesures que je vais annoncer.

Vous le savez, même si ce n'est pas dans le périmètre de votre mission, il y a trois mois, le Premier ministre et moi-même avons confié une mission à Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales, sur l'accès à l'autonomie des jeunes. Cette mission fait suite à la proposition de loi qu'elle avait déposée l'an passé et qui avait été débattue à l'Assemblée nationale. Elle lui a permis d'approfondir son travail, de se déplacer sur le terrain au contact des différents services de l'État – logement, missions locales, etc. – afin d'évaluer comment mobiliser les dispositifs de droit commun en faveur de l'accès à l'autonomie des jeunes et d'analyser les dispositifs innovants. Elle rendra ses conclusions au cours du mois de juillet. Ces dernières viendront alimenter notre réflexion, ainsi que les débats sur sa proposition de loi.

Concernant la santé des enfants protégés, je suis plutôt bien placé pour vous en parler. C'est vraiment le domaine du régalien. Que constate-t-on ? La santé – tant psychique que somatique – des enfants protégés est généralement moins bonne que celle des autres enfants de leur âge. En outre, ils sont moins bien suivis que les enfants de leur âge. Enfin, les dispositions de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant ne sont pas toujours appliquées… C'est toute la difficulté de l'exécution que j'évoquais précédemment.

Au cours de chacun de mes déplacements, on m'a parlé de la pédopsychiatrie et de ses manques – le terme est faible. Vous parlez de pénurie ; je pourrai reprendre l'expression… Nous manquons cruellement de pédopsychiatres : selon les territoires, les délais d'attente vont de six mois à un an dans les centres médico-psychologiques.

Certaines évolutions structurelles, par définition, vont prendre du temps. La ministre, Agnès Buzyn, l'a dit dès l'année dernière : la psychiatrie en général – et donc la pédopsychiatrie – a été le parent pauvre de notre système de santé pendant une vingtaine d'années. Nous en payons les conséquences… Il faut donc constituer une filière en psychiatrie. Avant même ma nomination, en 2018, Agnès Buzyn a annoncé la création de vingt postes de chefs de clinique en pédopsychiatrie. Elle a annoncé la nomination de six praticiens hospitalo-universitaires en pédopsychiatrie cette année. Nous avons augmenté les capacités d'accueil en hôpital de jour pédopsychiatrique – tant en termes de lits que de places – et 100 millions d'euros ont été débloqués en début d'année en faveur de la psychiatrie.

Le professeur Frank Bellivier a été nommé délégué interministériel à la psychiatrie. Il sera chargé d'animer ces politiques – psychiatrie de l'adulte et de l'enfant, santé mentale en prison, etc. Les enjeux et les défis sont nombreux. Ces mesures étaient nécessaires, mais il va falloir du temps pour qu'elles portent leurs fruits.

En parallèle, pour faire face aux besoins somatiques et psychiques de ces enfants, nous avons mis en place deux expérimentations dans le cadre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018. La première a été mise en place par le docteur Nathalie Vabres, pédiatre au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, conjointement avec l'Agence régionale de santé des Pays de la Loire et vise à structurer un parcours de soins coordonné et gratuit au bénéfice des enfants protégés. Un bilan de santé somatique et psychique va être systématiquement effectué à l'entrée dans le dispositif de l'aide sociale à l'enfance, puis réactualisé chaque année ou autant que nécessaire. Comment peut-on le garantir ? Par la mobilisation de tous les professionnels de santé sur le territoire et en « embarquant » les praticiens libéraux – ils seront remboursés à 100 % sur la base d'actes complexes ou très complexes, afin que le complément de rémunération soit suffisamment incitatif.

L'expérimentation est menée dans trois départements : Loire-Atlantique, Haute-Vienne et Pyrénées-Atlantiques. Nous souhaitons que dix départements supplémentaires les rejoignent l'an prochain. Si l'expérimentation est pertinente, le plan de déploiement s'étalera jusqu'en 2022 ou 2023 – j'aimerais l'accélérer.

Nous avons évoqué la question du handicap et de l'autisme. Avec Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles neuro-développementaux, et avec Sophie Cluzel, nous avons mis sur pied un groupe de travail sur l'autisme et l'aide sociale à l'enfance. Nous avons eu connaissance de placements d'enfants qui pourraient s'avérer non justifiés. J'emploie le conditionnel car il s'agit malgré tout de décisions judiciaires. Ceux qui connaissent les troubles du spectre autistique le savent, certains symptômes peuvent s'apparenter à ce que les travailleurs sociaux identifient comme des symptômes de délaissement parental – enfant replié sur lui-même, isolé, problèmes relationnels avec ses deux parents, etc. Cela a conduit à des placements d'enfants, alors qu'il s'agissait en réalité de troubles du spectre de l'autisme non diagnostiqués…

En France, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, nous diagnostiquons très tardivement l'autisme, autour de cinq à six ans – quand d'autres pays le font vers deux ans. C'est pourquoi ce Gouvernement et Sophie Cluzel se sont mobilisés pour le forfait « interventions précoces, autisme – troubles neuro-développementaux (TND) ». Ce groupe de travail s'assurera de la mise en oeuvre des mesures prévues dans la Stratégie nationale pour l'autisme et de la formation croisée des travailleurs sociaux qui connaissent mal l'autisme, afin de développer des mécanismes permettant d'éviter les placements inappropriés. Les associations participent au groupe de travail ; Danièle Langlois, d'Autisme France – que vous avez dû auditionner – est très active, mais également Marie Rabatel, de l'Association francophone de femmes autistes (AFFA). Nous devons y porter la plus grande attention pour que la confiance revienne.

J'ai confié une mission sur l'adoption à deux parlementaires – Monique Limon, députée, et Corinne Imbert, sénatrice et ancienne vice-présidente du conseil départemental de Charente-Maritime. Depuis la loi de 2016 précitée, l'adoption est une composante à part entière de la protection de l'enfance. D'ailleurs, les associations siègent au Conseil national de la protection de l'enfance. La proportion d'enfants protégés adoptés est infinitésimale en France, alors que l'adoption concerne jusqu'à 5 % des enfants protégés aux États-Unis. L'adoption y est considérée comme une véritable proposition dans le parcours de l'enfant – si tant est que ce soit positif pour lui.

En théorie, la loi de 2016 avait simplifié l'adoption – grâce à l'adoption simple. Mais, en pratique, ce n'est pas le cas : 13 000 parents ont un agrément ; les adoptions internationales sont en baisse depuis l'entrée en vigueur de la convention de La Haye et ne concernent plus que 600 enfants par an ; 2 500 enfants sont en attente d'adoption mais seule la moitié est adoptable. Il faut donc rendre l'adoption plus simple. Il faut également opérer un changement culturel concernant l'adoption des enfants à besoins spécifiques – enfants en situation de handicap ou enfants plus âgés, auxquels on ne pourra donc pas donner le biberon ou changer les couches – stéréotypes, fort légitimes, de l'adoption.

Si vous en avez l'occasion, allez rendre visite à la psychologue du service « adoption » du Pas-de-Calais. Elle y travaille depuis quelques années et a réussi à convaincre le département de concentrer ses efforts sur les enfants à besoins spécifiques. Elle a développé une méthode et une pédagogie d'accompagnement des parents afin de faciliter l'adoption d'enfants plus âgés ou handicapés. Cela fonctionne ! Les parents que j'ai rencontrés étaient les plus heureux des parents.

Cette mission sur l'adoption fera des propositions à la rentrée, incluant également des propositions relatives à la non-discrimination ou la gouvernance.

L'outre-mer n'est pas incluse dans les concertations, à dessein. Le sujet y est pourtant majeur, mais je l'assume une fois encore publiquement : je fais preuve d'une très grande humilité face aux situations éminemment complexes et spécifiques auxquelles doivent faire face ces territoires. Mayotte doit ainsi gérer des mineurs abandonnés puisque les parents comoriens traversent en « kwassa-kwassa » – la barque locale –, accostent sur le rivage, laissent leurs enfants et repartent. La démographie y est galopante… La Guyane rencontre des violences particulières, notamment sexuelles, et nous devons travailler de concert avec les élus locaux sur le système d'aide sociale à l'enfance. Vous avez probablement également entendu parler des phénomènes de mules, dont certains enfants sont victimes, ou du suicide des jeunes Amérindiens.

Je devais aller en Guyane la semaine dernière, mais j'ai malheureusement dû reporter mon déplacement et je m'en excuse auprès des élus qui nous écoutent – je leur ai aussi dit de vive voix. J'irai en septembre mais je travaille déjà avec Annie Girardin et tous les parlementaires des outre-mer.

Enfin, vous aurez peut-être des questions sur les mineurs non accompagnés. J'y répondrai volontiers.

En parallèle de toutes les actions que je viens de vous présenter, nous avons également réalisé un important travail de prévention des violences : accompagnement à la parentalité et plan de lutte contre les violences – il sera annoncé au dernier trimestre 2019.

La semaine prochaine se tiendra une plénière du Conseil national de la protection de l'enfance et les 4 et 5 juillet, les Assises de la protection de l'enfance à Marseille. J'ouvrirai ces Assises : ce sera l'occasion d'annoncer des décisions qui devraient nous permettre de rebâtir ensemble un système de protection de l'enfance à hauteur d'enfants, qui remette l'enfant au centre et offre à ces enfants une enfance comme les autres.

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