Intervention de Adrien Taquet

Réunion du jeudi 27 juin 2019 à 11h00
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Cette mission rendra ses premières conclusions très prochainement. J'ai cru comprendre qu'elle proposait de créer une plateforme qui permette aux magistrats de connaître le nombre de places disponibles, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il y a en effet des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui notifient à des parents des décisions pour une place dans un établissement sans savoir si une place est disponible. Nous attendons la remise de ce rapport.

Comme vous l'avez indiqué, il est important que les enfants connaissent leurs droits pour pouvoir y accéder. Nous formulerons des propositions pour s'assurer que tous les enfants ont connaissance de leurs droits dans les établissements et faciliter leur accès à ces droits en cas de problème. C'est un des axes sur lesquels nous travaillons.

S'agissant des éducateurs, vous avez raison des souffrances s'expriment. Nous devons faire des efforts en matière de formation, les accompagner davantage. Peut-être faut-il instaurer une obligation de formation continue, ce qui constituerait aussi un gage pour les enfants. Cela permettrait d'éviter des dérapages d'éducateurs qui font montre de violences vis-à-vis des enfants, ce qui est inadmissible dans un lieu censé les protéger. De tels agissements doivent être dénoncés et il convient d'empêcher que cela se reproduise. Bien sûr, il y aura toujours des brebis galeuses. Aussi faut-il être vigilant et prévoir des mécanismes de contrôle. Il faut également mieux accompagner les professionnels, les former probablement davantage, et s'assurer des formations qu'ils ont reçues. Il faut éviter que des gens peu expérimentés soient confrontés aux enfants dont les comportements sont les plus difficiles.

Il existe deux conventions collectives, datant de 1951 et de 1966. Par ailleurs, un groupement d'employeurs s'est constitué – jusqu'à présent, il était difficile de nouer un dialogue – et j'ai cru comprendre que des négociations pourraient être ouvertes à la rentrée prochaine. La question du statut et de la rémunération pourrait peut-être faire l'objet de discussions. Mais je ne veux pas m'avancer.

J'en viens aux mineurs non accompagnés. Tout d'abord, je rappelle qu'il y a une unicité de la protection de l'enfance. Il n'y a aucune ambiguïté : avant d'être Guinéens, Ivoiriens ou Maliens, les jeunes mineurs sont avant tout mineurs. Lors de la concertation que nous avons menée, j'ai demandé aux départements, avec lesquels j'ai eu de nombreuses discussions, d'essayer de faire en sorte que ce sujet ne paralyse pas nos réflexions et nos décisions. Pour autant, il y a évidemment une imbrication des sujets dans certains territoires. Je leur ai indiqué que j'aborderai le sujet de façon volontariste, mais aussi humblement car c'est un sujet éminemment complexe, que je serai un interlocuteur avec lequel ils pourront travailler, et que j'aurai une approche globale c'est-à-dire à la fois en amont et en aval.

On m'a beaucoup parlé de la reprise par les services de l'État de l'évaluation. Je pense que le sujet est plus global. Quand bien même l'État reprendrait l'évaluation au motif que cette question est une compétence régalienne puisqu'elle relève de la politique migratoire et non de la protection de l'enfance, le problème entre les départements et l'État ne serait pas totalement épuisé dans six mois. J'ai indiqué aux départements que tous les sujets étaient sur la table, mais que j'avais l'impression que la question était plus large. C'est pour cela que j'ai une approche globale. Il faut savoir que plus de 60 % des enfants viennent de trois pays : la Guinée, la Côte-d'Ivoire et le Mali. Faut-il tout faire avec ces pays pour éviter que des gamins de quinze ans ne se jettent sur la route et traversent la Méditerranée ? En tout cas, il faut faire preuve d'une grande humilité parce que cela fait trente ans qu'on répète qu'en matière d'immigration il faut travailler avec les pays d'origine. Nous soutenons financièrement les enfants et nous sommes en train de bâtir un guide d'évaluation nationale afin que l'évaluation soit plus harmonisée qu'aujourd'hui sur l'ensemble du territoire. Nous avons un devoir d'équité envers ces enfants-là.

Comme vous le savez, l'évaluation est soit assurée par les départements, soit déléguée par eux. J'ai assisté à un certain nombre d'évaluations. Elles se passent bien lorsque les travailleurs sociaux sont assez formés, comme c'est le cas de nombre d'entre eux. J'ai rencontré des travailleurs sociaux qui, à côté d'une formation sociale, avaient aussi une formation à différentes cultures, ce qui constitue vraiment un apport supplémentaire. Comme vous le savez, il n'y a aucune méthode scientifique d'évaluation qui permette de connaître l'âge des enfants. Les tests osseux ne garantissent pas l'âge et lorsqu'ils sont utilisés ils ne constituent qu'un élément parmi un faisceau d'indices.

Il existe un fichier qui permet d'éviter le nomadisme administratif et de protéger les enfants. Cela évite par exemple de demander à des enfants, reconnus mineurs dans un département, de prouver à nouveau qu'ils sont bien mineurs lorsqu'ils sont envoyés dans un autre département. Nous travaillons aussi sur la clé de répartition et sur l'insertion de ces jeunes après l'âge de dix-huit ans.

Dans certains départements, le conseil départemental et la préfecture ont signé une convention qui prévoit qu'un bilan soit fait sur la situation du jeune et sur son degré d'intégration l'année de ses dix-sept ans. C'est une mesure de bon sens, et c'est le point de vue que j'ai défendu lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Brigitte Bourguignon. Anticiper permet de mieux préparer l'avenir. Il me semble utile de se mettre autour de la table pour voir où en est le jeune et évaluer son degré d'acquisition du français et d'insertion professionnelle : cela permet de construire une trajectoire. De cette manière, le jeune a moins le sentiment d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Cela permet aussi d'éviter une rupture au moment de sa majorité : si on décide de lui donner des papiers, il n'est pas obligé d'attendre trois à six mois pour les obtenir. On les lui donne le jour de ses dix-huit ans.

Il faut prêter attention aussi à ce qui se passe en aval. Certaines entreprises n'osent pas prendre ces jeunes en apprentissage, parce qu'elles ont peur qu'ils n'aient pas leurs papiers à dix-huit ans et qu'ils soient obligés de partir. Nous réfléchissons à la manière de lever ce frein.

D'aucuns proposent de confier l'évaluation à l'État, mais qui est l'État ? Ce sont nos services, mais lesquels ? Ceux du ministère des solidarités et de la santé ? Ceux du ministère de l'intérieur ? Est-ce qu'on délègue aux associations, comme le font les départements ? Est-ce qu'on délègue à une association nationale ou à des associations locales ? Il faut bien réfléchir à toutes ces questions, car elles auront beaucoup d'implications opérationnelles.

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