J'aimerais revenir sur les annonces qui ont été faites hier par Mme Agnès Buzyn. Quelle forme va prendre l'accompagnement de la parentalité ? Cela fait partie de la prévention et c'est une chose que nous défendons mordicus, car nous savons que beaucoup de solutions en découleront. En matière de prévention, un autre élément important est la refonte des missions de la protection maternelle et infantile (PMI). Concrètement, l'idée est qu'elle ne se concentre pas seulement sur les agréments, mais qu'elle travaille profondément sur la petite enfance. Pouvez-vous nous donner des éléments précis à ce sujet ?
Vous avez dit que vous ne vouliez pas de big-bang mais, concrètement, comment va-t-on s'y prendre pour réaliser une chose qui, même si elle paraît assez basique, n'a jamais été faite jusqu'à présent ? Je veux parler du fait de mettre tous les acteurs autour d'une table. Concrètement, quel outil imaginez-vous pour arriver à la définition d'une pratique commune à l'État et aux départements, que tout le monde appelle de ses voeux ? Au cours de nos travaux, nous avons constaté que chacun restait enfermé dans sa culture sociologique et professionnelle. Ce n'est pourtant pas la mer à boire… Il faut que nous soyons capables de donner un coup de poing sur la table pour faire avancer les choses ! A Toulouse, après les assassinats par Mohammed Merah de jeunes enfants devant une école juive, tous les acteurs se sont mis autour de la table à la préfecture. On a enfin vu un éducateur parler à un policier, qui a parlé à un enseignant, qui a parlé à un psychiatre, le tout sous l'égide de la préfecture. C'est la peur qui nous a poussés à agir. Ne peut-on pas être aussi offensif et vindicatif pour l'enfance ? Ce n'est pas une question de moyens, mais de culture et de postures. Voilà un domaine où nous pouvons nous montrer plus féroces !
J'aimerais aussi évoquer la question financière. On ne parle jamais de gros sous, mais si les gens n'ont plus envie d'être éducateurs, si les assistantes sociales sont au bord du burn-out, c'est parce que les éducateurs de l'ASE doivent s'occuper de quarante enfants, alors qu'un parent serait incapable d'habiller ne serait-ce que cinq enfants le matin, avant de les emmener à l'école avec le sourire, comme dans les publicités. Tous les départements ont signalé qu'ils avaient des difficultés à recruter des éducateurs formés, et les jeunes ne sont pas attirés par ces professions. Cela se comprend quand on connaît leur salaire. En entrée de carrière, ils gagnent 1 300 euros, dans la Nièvre comme en Seine-Saint-Denis, où le coût de la vie est trois fois plus élevé, et ils terminent leur carrière à 2 600 euros. Et nous, nous ne parlons pas d'argent ! La voilà, la raison du désamour pour ces métiers. Quelles actions allez-vous entreprendre pour recréer de l'attractivité ? Je ne parle pas de formation, mais d'argent. Or personne n'a abordé cette question hier, quand il a été question de l'attractivité de ces métiers.
J'aime votre manière de poser les questions, monsieur le secrétaire d'État, parce que vous avez souvent une approche philosophique des choses. Vous avez justement fait remarquer que l'engagement ne paye pas : les métiers engagés sont généralement mal payés. C'est vrai aussi des aides-soignantes, qui sont les troisièmes filles de la maison, bien plus importantes que les enfants eux-mêmes, et qui sont toujours sous-payées. Vous avez parlé des médecins libéraux, que l'on va attirer par l'argent. Pourquoi ne fait-on pas la même chose pour les assistantes sociales et les éducateurs ? Il faut mettre les pieds dans le plat.
L'articulation entre l'ASE, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et l'agence régionale de santé (ARS) est primordiale : toutes les personnes que nous avons auditionnées nous l'ont dit. Mme Nicole Belloubet, à qui nous en avons parlé directement, est tout à fait d'accord là-dessus. Comment agir pour que cela fonctionne enfin et que les gens se parlent ?
Enfin, pouvez-vous nous dire qui travaille sur la question des mineurs non accompagnés et comment nous pouvons les aider ? À Toulouse, certains employeurs forment des mineurs non accompagnés, parce que ce sont les seuls jeunes qui ont envie de travailler : leur demande est très forte. La question de l'accès à l'école est elle aussi essentielle : les jeunes qui sont brutalement arrachés de l'école pendant six mois ou un an risquent de tomber dans la délinquance. À Toulouse, nous avons le dispositif départemental d'accueil, d'évaluation et d'orientation des mineurs isolés (DDAEOMI). Il existe aussi l'Association nationale de recherche et d'action solidaire (ANRAS), que vous allez rencontrer. Comment peut-on vous alimenter sur cette question, sur laquelle nous avons déjà beaucoup de réponses, et qui pourrait répondre à votre questionnement plus large sur ce que sont l'enfance et l'atout de l'enfance.