Intervention de Fabienne Colboc

Séance en hémicycle du mercredi 3 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabienne Colboc, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Les propos racistes, xénophobes, antisémites, anti-LGBTI – lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes – , liés au handicap, et autres messages haineux prolifèrent dans l'espace numérique. Selon une étude conduite en 2019 par la société de modération Netino, la proportion de propos agressifs ou haineux tenus sur les réseaux a augmenté de quatre points depuis 2018, atteignant 14,3 % du total des commentaires. Cela témoigne d'une progression inquiétante, dont le législateur doit prendre la juste mesure.

Liberté totale d'expression, absence de règles et de barrières, anonymat : ces paramètres permettent un déferlement de propos discriminatoires et d'injures dans un monde virtuel qui se révèle hostile à un grand nombre de citoyens et où les auteurs de contenus haineux évoluent dans une impunité quasi-totale.

Les groupes d'incitation à la haine l'ont bien compris, et se servent des plateformes en ligne pour diffuser massivement leurs idées. Pourtant, ces propos ne sont pas plus autorisés dans l'espace numérique que dans l'espace public ; il n'est donc pas acceptable qu'ils y soient tolérés plus longtemps.

Les opérateurs de plateformes sont au coeur du développement du phénomène. Leurs algorithmes donnent aux contenus haineux leur viralité et leur puissance, que subissent les victimes. Il est donc essentiel que les opérateurs s'impliquent dans la régulation des espaces de dialogue qu'ils proposent et dans la responsabilisation des internautes malveillants.

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi inclut plusieurs mesures tendant à renforcer les obligations incombant aux opérateurs de plateformes. Parmi celles-ci figurent le retrait sous vingt-quatre heures des contenus manifestement illicites, la création d'un bouton unique de signalement et la désignation d'un représentant légal en France.

Les opérateurs auront également à répondre au CSA, dont les missions sont complétées pour lui permettre d'exercer un contrôle fin de l'action des plateformes en matière de lutte contre la haine en ligne. Par ailleurs, le CSA travaille déjà en collaboration avec les opérateurs dans le cadre de la lutte contre la manipulation de l'information, depuis la loi que nous avons adoptée en novembre 2018.

J'ai souhaité déposer au nom de la commission des affaires culturelles plusieurs amendements précisant les contours des nouvelles missions confiées au CSA. Il s'agit notamment de spécifier que celui-ci dressera un bilan annuel de l'application de la loi, et qu'il pourra s'aider de l'expertise des associations spécialisées dans la lutte contre les discours de haine et les discriminations.

C'est par ailleurs, bien sûr, la compétence de la commission dans le domaine de l'éducation et de la jeunesse qui justifie sa saisine. Très actifs sur internet et sur les réseaux sociaux, les jeunes sont une cible privilégiée des contenus haineux. Selon une étude conjointe du think tank Renaissance numérique et de l'association Génération numérique, 52 % des jeunes sont exposés à des propos haineux sur internet. La citoyenneté numérique du jeune public reste à construire afin d'éviter que cet outil de cohésion ne devienne un outil de persécution.

Aussi avons-nous souhaité introduire dans le code de l'éducation deux mesures. La première consiste à intégrer au programme scolaire la lutte contre la diffusion de messages haineux en ligne. La seconde tend à former les enseignants en la matière. Il s'agit de prévenir la survenue de tels comportements chez les mineurs et de les protéger des contenus haineux auxquels ils sont involontairement mais de plus en plus fréquemment exposés, du fait du temps qu'ils passent sur le net et de leur vulnérabilité.

Nous avons renforcé les obligations des plateformes qui acceptent l'inscription de mineurs de moins de 15 ans – âge de la majorité numérique. Elles devront sensibiliser les enfants et les préadolescents, ainsi que leurs parents ou responsables légaux, aux dangers liés à la diffusion de la haine en ligne et les informer des risques judiciaires qu'ils encourent, comme cela se pratique dans tout autre domaine. Cet aspect de la prévention est essentiel : bien souvent, les parents n'ont qu'une conscience très limitée, si ce n'est trop tardive, des risques encourus par leurs enfants dans l'environnement numérique et de leur propre responsabilité juridique en cas d'infraction.

Par ces trois axes – la prévention, la responsabilisation, la sanction – , la proposition de loi nous donnera les moyens nécessaires pour lutter contre le phénomène de la haine sur internet et pour permettre à toute personne d'y naviguer sereinement. Grâce au travail remarquable de Laetitia Avia, mais aussi à l'engagement de Caroline Abadie et du Gouvernement, le texte ménage un juste équilibre entre liberté d'expression et protection. Unir les citoyens, voilà ce que permet ainsi la proposition de loi.

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