J'insiste encore une fois sur ce point de fait et de droit : seule la justice pourra accéder à ces informations. Affirmer cette exigence, c'est rappeler une fois de plus que seule la justice pourra s'assurer de l'équilibre entre protection et liberté d'expression.
Au-delà de la responsabilité des auteurs, nous devons responsabiliser les grands réseaux sociaux. Facebook rassemble aujourd'hui 2,4 milliards d'utilisateurs, dont 40 millions de Français : une telle taille implique des responsabilités.
Par la viralité qu'ils permettent et organisent, les grands réseaux sociaux détiennent ainsi une responsabilité particulière à l'égard de la société et des citoyens. Voilà pourquoi la proposition de loi et ses mesures d'application tendent à soumettre les grands acteurs du numérique à une supervision inédite : les réseaux sociaux devront se donner les moyens, techniques et humains, de retirer efficacement en vingt-quatre heures les contenus de haine manifestement illicites qui leur auront été signalés.
Nous instaurons ainsi une sorte d'obligation de réussite en laissant aux plateformes l'initiative d'en mettre en oeuvre les modalités. Cette forme de régulation des grands acteurs s'inspire de l'approche en vigueur dans d'autres secteurs où évoluent des acteurs dits systémiques, notamment le secteur bancaire.
Le parallèle est clair : une banque ne peut être tenue pour responsable de tous les virements frauduleux réalisés par son intermédiaire ; à l'inverse, elle a l'ardente obligation de créer des systèmes de détection et de régulation interne extrêmement efficaces, faute de quoi la sanction du régulateur peut être très sévère. De même, les principaux réseaux sociaux devront instaurer des mécanismes de modération à la hauteur de l'enjeu. À défaut, le régulateur pourra les mettre en demeure de le faire. S'ils ne s'exécutent pas, la sanction pourra atteindre 4 % de leur chiffre d'affaires mondial – un montant particulièrement dissuasif. Nous voulons ainsi concilier innovation des acteurs économiques et étroite vigilance des pouvoirs publics.
Cette approche ne vaut, bien sûr, que si le régulateur chargé de s'assurer de la bonne conduite des acteurs privés a les moyens de sa mission ; c'est un élément essentiel. Le CSA – visé par la proposition de loi, mais à propos duquel, vous le savez, des réflexions sont en cours qui trouveront leur aboutissement dans le projet de loi de réforme de l'audiovisuel public que présentera prochainement Franck Riester – devra accroître ses compétences, humaines et techniques.
Arrêtons-nous un instant sur la responsabilité des grands réseaux sociaux, tenus à l'obligation que je viens de définir.
À cette maille se noue la question de la liberté d'expression, qui concentre les craintes légitimes de nombreux acteurs, notamment celles de représentants de la société civile qui nous écrivaient hier encore à ce sujet. Je veux prendre le temps de leur répondre.
L'équilibre entre la protection des Français et le respect des libertés fondamentales n'est jamais aisé à tenir, surtout à une époque où, j'en ai conscience, l'opinion publique accorde d'instinct ses faveurs à la protection. Il appartient alors aux libéraux, au sens démocratique du terme, de prendre leurs responsabilités devant l'histoire, y compris, quand il le faut, en limitant l'intervention de l'État au strict nécessaire.