Mais internet, c'est aussi le meilleur. Le meilleur, parce que la démocratie est malade : malade de ses partis, malade de cette assemblée où, je le rappelle, les ouvriers et employés ne représentent que 3 % des députés alors qu'ils forment 50 % de la population active ; malade de ses médias, verrouillés par dix magnats et où ces mêmes classes populaires – 50 % de la population active, je le répète – occupent 5 % des informations.
Où se réfugient les gens qui ne se sentent pas représentés et qui, de fait, ne le sont pas ? Ceux qui souffrent aujourd'hui d'une absence de représentation ? Où vont-ils avec leur désir d'expression ? Sur le net : c'est là que la démocratie se réfugie.
Dans notre histoire récente, le 29 mai 2005, les éditorialistes d'à peu près tous les grands médias étaient pour le oui au référendum sur la Constitution européenne. Les grands partis étaient pour le oui. Les patrons, en particulier les patrons de presse, étaient pour le oui : un bloc monolithique. Où s'est exprimée la contradiction, où a eu lieu le débat ? Sur internet.
Sur le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada – , à propos duquel nous allons nous prononcer la semaine prochaine, sans grand suspense, je le crains, où a eu lieu le débat ? Sur internet. Il y a aussi, bien sûr, les gilets jaunes, mouvement qui, comme l'a dit M. le secrétaire d'État, est né et s'est organisé sur Facebook.
Alors non, le peuple fâché, qui se sent spolié – et qui l'est – , ce peuple fâché n'est pas poli.
Quel remède apportez-vous à cette violence, à ces injures, à cette haine que je déplore ? Vous confiez la censure à Google, à Facebook, à Twitter – une censure privée, surtout. Pire : une censure technologique. La motion de rejet que nous déposons est une alerte, monsieur le secrétaire d'État. Un mot en particulier m'ennuie dans ce texte de loi. C'est le mot « technologique » : « [les plateformes] mettent en oeuvre les moyens humains ou technologiques [… ] ». Cette censure technologique – algorithmique, en vérité – me gêne.
La censure a une longue histoire dans notre pays. L'Église catholique s'en est d'abord chargée. Le roi François Ier a chassé les imprimeurs. Puis viennent les Lumières : Voltaire embastillé pour ses écrits satiriques, Diderot à la prison de Vincennes pour sa Lettre sur les aveugles ; il a refusé, de son vivant, de publier La Religieuse de peur d'y retourner. Le Comité de salut public brûle les oeuvres de Camille Desmoulins. Flaubert – la scène du carrosse massacrée de Madame Bovary – , Baudelaire et ses Fleurs du mal… Affronter cette censure est presque un gage d'entrée dans l'histoire littéraire !
C'est ensuite Le Canard enchaîné pendant la Première Guerre mondiale : ses colonnes laissées blanches, Anastasie qui se tient dans le ministère de la guerre. Plaisanterie déplacée ? On coupe. Ironie désobligeante ? On coupe. Un général allié blessé ? On coupe.
Le 12/11/2019 à 07:08, Anonyme a dit :
"Où se réfugient les gens qui ne sentent pas représentés et qui, de fait ne le sont pas?" C'est juste, ils se réfugient sur internet... Se sentir appartenir à une communauté via le web fait du bien à la personne, mais ne répond pas à la problématique de l'exclusion sociale et à ma connaissance aucun député n'a soulevé cette question.
Le 05/07/2019 à 21:04, Laïc1 a dit :
"Alors non, le peuple fâché, qui se sent spolié – et qui l'est – , ce peuple fâché n'est pas poli."
C'est sûr que si vous écrasez le pied de quelqu'un pendant un certain temps, il ne va pas vous répondre par un compliment. Ou si vous lui prenez son argent de manière excessive.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui