Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 3 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Dès que l'on touche de près ou de loin à la liberté d'expression, un auteur s'impose : Philippe Muray. Je ne résiste donc pas au plaisir de le citer une nouvelle fois ici : « Notre temps est si rongé de bonnes intentions, si désireux de faire le bien qu'il voit le mal partout. » Quel meilleur résumé peut-on faire de votre proposition de loi ? La censure drapée dans l'inévitable principe de précaution : sauver ce qu'il reste de notre cohésion sociale en combattant la haine sur internet, ce fléau qui « connaît des relents rappelant les heures les plus sombres de notre histoire », comme vous le formulez dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi, madame la rapporteure.

La menace est là. Il y a bien un ennemi à abattre ou, à défaut, à museler, et, pour cela, le camp des bons sentiments, le camp du bien – grand maître de la bien-pensance – va s'ériger en gardien de ce qui doit être dit ou non. C'est habile : vous nous prenez par les sentiments. Le constat initial ne souffre en effet aucune critique : personne, de nos jours, ne saurait contester la nécessité de lutter contre la propagation de propos haineux ou d'injures fondées sur les origines, la religion ou l'orientation sexuelle – personne.

Mais votre réponse, à vous, députés de la majorité, est assez déconcertante, je dois le dire. En effet, vous substituez au contrôle par un juge judiciaire un contrôle opéré par des opérateurs privés qui, s'ils ne vont pas assez vite, seront, de plus, lourdement sanctionnés. Et vous le faites dès l'article 1er en leur donnant, de fait, tout pouvoir pour se transformer en véritables censeurs ! Est-ce parce que nous ne sommes plus capables d'argumenter contre les idées qui nous déplaisent que nous cherchons à les faire disparaître ? Pour dire les choses clairement, vous voulez, sous couvert de responsabilité, que Facebook et Twitter, notamment, traquent et sanctionnent eux-mêmes, en les censurant, ceux qui auraient tenu des propos haineux. Il est vrai qu'aujourd'hui l'on peut être évincé d'un parti parce que l'on pense différemment...

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