Intervention de Hervé Saulignac

Séance en hémicycle du mercredi 3 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Je partage le vif plaidoyer de Marc Le Fur, même si je ne suis pas certain qu'il relève totalement du sujet qui nous occupe.

L'article 1er fixe un cadre ; tout est là. C'est l'occasion de rappeler combien il est important de veiller aux mots que nous employons. Ainsi, on ne lutte pas contre la haine. La haine est un sentiment intime, personnel. Je pense ce que je veux à l'égard de qui je veux. Cependant, je n'ai pas le droit de l'exprimer. De fait, c'est contre l'expression de la haine et non contre la haine elle-même que l'on peut lutter. C'est l'acte, et lui seul, que nous devons condamner. Prenons garde à ne pas laisser croire que le législateur s'immisce dans les consciences pour y réglementer d'autres passions, comme la colère ou l'amour. Il était important de le rappeler.

Par ailleurs, l'article 1er vise à appliquer les dispositions du présent texte aux opérateurs dépassant un seuil qui pourrait atteindre 2 millions de connexions mensuelles. Nous pouvons nous interroger sur ce seuil d'activité appliqué aux plateformes. C'est celui par lequel l'autorégulation par les plateformes est édictée. Surtout, il soulève une question importante quant à la capacité matérielle à traiter les contenus signalés. Avant même le vote d'un texte, les plateformes se sont emparées de cette question. Elles recourent pour cela à des sous-traitants qui travaillent dans des conditions sociales extrêmement préoccupantes. Nous ne pouvons pas nous désintéresser de cet aspect.

Surtout, cet article 1er est celui par lequel nous pourrions, les uns et les autres, être tentés de sanctionner tous les propos et d'aller bien au-delà de ceux qui relèvent des injures à caractère racial, sexiste ou autres. J'appelle votre attention, mes chers collègues, sur ce risque de dérive. Ce qui est manifestement illicite est extrêmement complexe à définir ; et ce qui est manifestement illicite ne saurait être tout ce qui nous dérange. Si nous glissions sur cette pente savonneuse, nous aurions de fortes chances de heurter la liberté d'expression. Or, pour citer Montesquieu, « le mieux est le mortel ennemi du bien ». Cet adage ne s'est jamais aussi bien appliqué qu'à ce texte.

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