À écouter certains, nous pourrions croire qu'il est possible, sur internet, via Facebook par exemple, de faire l'apologie du terrorisme ou des crimes. Ce n'est pas vrai : c'est impossible. Des sanctions existent et les auteurs de ces agissements seront poursuivis en justice. De même, il n'est pas vrai que l'on puisse impunément publier sur internet des propos antisémites ou racistes.
Vous voulez donner l'impression que ce texte nous fera passer de la nuit au jour, mais le sujet est autre : vous prévoyez, dans cet article 1er, d'accorder un pouvoir de régulation aux plateformes. Reprenons le débat, si vous le voulez bien, car des zones d'ombre demeurent.
Mme Pau-Langevin a évoqué les textes de Voltaire. Une plateforme, basée à l'étranger, décidera peut-être, en fonction de mots-clés et d'algorithmes, qu'on ne peut plus publier un texte de Voltaire. Ce serait regrettable, ce texte fût-il terrible.
Songez au code noir, ce document historique ! Allons même plus loin en rappelant ce débat parlementaire qui se tint ici, en 1885, et au cours duquel Jules Ferry, évoquant les débuts de la colonisation, déclara qu'appartenant à une race supérieure, nous avions des devoirs à l'égard des races inférieures.
Ce fut, au demeurant, un débat parlementaire passionnant qui donna lieu à une réponse magnifique de Clemenceau, mais les propos tenus furent bel et bien haineux. Or qui décidera, demain, du caractère d'un tel discours ? Les algorithmes et les mots-clés ? Ces décisions doivent relever de l'humain. C'est à la justice de se prononcer au sujet de textes qui, hors contexte, peuvent revêtir une terrible signification.
Je me sens d'autant plus à l'aise pour raisonner ainsi que je me suis opposé à la réédition des textes antisémites de Louis-Ferdinand Céline par une grande maison. Certains textes doivent conserver leur confidentialité. Que l'on puisse encore les dénicher chez les bouquinistes, soit, car il n'est pas question de les interdire, mais de là à faire de la réédition de Mein Kampf ou de certaines oeuvres de Céline des coups éditoriaux, il y a un pas à ne pas franchir, car nous ne devons pas accepter que des éditeurs gagnent de l'argent avec des textes ignobles.
Pour autant, ces documents sont historiques. Je comprends les arguments des uns et des autres et il est délicat de se forger une opinion. Une fois de plus, il n'appartient qu'au juge de rendre une décision motivée.
Nous en revenons aux propos préliminaires, madame la rapporteure : nous sommes dans une zone floue et nous aurons bien du mal à évaluer les conséquences de ce dispositif, surtout si les décisions sont prises par des opérateurs basés à l'étranger, des personnes qui ne maîtrisent pas parfaitement notre langue et devront s'appuyer sur des algorithmes, mais sur lesquelles nous ne savons pas encore quel contrôle nous pourrons exercer.