Je compléterai simplement les propos de la rapporteure, qui a bien résumé le sujet. Il existe en effet une complémentarité entre l'article 1er et l'obligation de moyens. L'article 1er porte sur le cadre judiciaire.
Sur ce point, je tiens à répondre à Emmanuelle Ménard : la sanction de 4 % du chiffre d'affaires est sans aucun lien avec les dispositions de l'article 1er. Vous avez peut-être mal lu la loi : cette sanction s'applique, non pas aux contenus, mais au non-respect de l'obligation de mettre en place une modération appropriée. Le niveau de cette modération devra être vérifié par le régulateur. Il est hors de question que le CSA contrôle individuellement les contenus publiés.
Je prendrai un autre exemple que celui de mon propos liminaire. L'obligation de couverture universelle du territoire par certains opérateurs est vérifiée par l'ARCEP – l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – , vers laquelle les signalements remontent. Si le nombre de ces signalements est anormal, l'ARCEP procède à une vérification sur place et met en demeure l'opérateur ; si celui-ci ne se met pas en conformité avec la loi, la sanction peut être sévère. Néanmoins l'ARCEP ne vérifie pas que l'obligation de couverture est respectée dans chaque maison de France ! Il s'agit d'une obligation systémique. C'est sur cette obligation que porte la sanction de 4 % – l'épée de Damoclès dont vous parlez – , et non sur les contenus au cas par cas.
Mon deuxième point répondra également à certaines des interventions de la discussion générale, en particulier celles d'Alexis Corbière et de Frédérique Dumas.
Quelle est la situation actuelle ? Aujourd'hui, comme l'a dit Laetitia Avia, les plateformes retirent des contenus – à leur convenance. Nous n'allons donc pas brusquement imposer aux plateformes de retirer des contenus : elles le font déjà. Nous les obligerons simplement à exercer cette surveillance au bon niveau en vérifiant leur action. Cette obligation vaut dans les deux sens : nous vérifierons que ce retrait est efficace, mais aussi qu'il n'est pas excessif.
Il s'agit donc de contrôler ce qui existe déjà. Si nous ne faisons rien, nous resterons dans le cadre des conditions générales d'utilisation.
Quand je parle de contrôle, j'inclus celui des algorithmes, qui ont été évoqués par certains députés, Philippe Latombe entre autres. Le CSA devra en effet se doter d'un instrument technique, voire technologique, capable de tester et de certifier certains algorithmes. C'est un travail compliqué qui nécessitera un changement de culture et un surcroît de moyens, mais il s'agit d'une question de survie pour l'État.
Ce contrôle ne vaut pas seulement pour le traitement de contenus : si, demain, le recrutement de certaines entreprises repose sur des algorithmes, ce qui sera le cas, il faudra que l'État soit capable de garantir au citoyen l'absence de biais de genre et de discrimination raciale. L'État devra donc monter en compétences, pour la haine en ligne comme pour d'autres sujets. Tel est l'objet de la proposition de loi : donner des obligations de résultat et les contrôler.
La question du périmètre des sanctions a été abordée, de manière différente, par M. Meyer Habib et par le président Le Fur. La garde des sceaux y reviendra sans doute ce soir. Le Gouvernement tient à ce que soit établie une définition précise et juridiquement sécurisée des infractions, qui cible avant tout les incitations à la haine et les injures publiques aggravées.
Nous souhaitons rester dans le cadre juridique existant en renvoyant aux délits ciblés par la LCEN. La liste des délits fera l'objet d'une discussion ultérieure ; pour notre part, nous n'y voyons pas d'obstacle tant qu'elle reste dans le cadre des délits ciblés par la LCEN. Je crains que, s'agissant des atteintes aux agriculteurs ou aux bouchers, comme de l'antisionisme, nous outrepassions cette liste.
Je tiens par ailleurs à préciser que, si nous voulons rester en accord avec le droit de l'Union européenne, il nous faut reprendre la définition des atteintes à la dignité humaine que donne la CJUE. Les deux cas que j'ai évoqués n'en font pas partie ; certaines des propositions qui seront faites au cours de la discussion des articles dépassent également ce cadre. Dans bien des cas, l'adoption de ces amendements fragiliserait la valeur juridique du texte, ce qui n'est pas souhaitable.