Intervention de Cédric O

Séance en hémicycle du mercredi 3 juillet 2019 à 15h00
Haine sur internet — Article 1er

Cédric O, secrétaire d'état chargé du numérique :

Vous pouvez dire : « Je hais les agriculteurs. » Je suis en désaccord avec une telle affirmation mais la CJUE ne la considère pas comme une atteinte à la dignité humaine. Je n'y peux rien : c'est le droit européen. Nous sommes obligés de respecter un certain nombre de critères juridiques pour assurer la solidité juridique du texte.

M. Latombe a évoqué la question du seuil : l'introduction de seuils procède d'un principe de réalité et d'un principe d'innovation.

Le respect du principe de réalité nous conduit à franchir une première étape en traitant les plus grands réseaux sociaux, sur lesquels vont la plupart des Français. Théoriquement, vous avez raison : ce qui est illégal sur un grand réseau social l'est tout autant sur une petite plateforme. Nous devons toutefois nous montrer efficaces dans les semaines et les mois à venir. Or, selon le principe de réalité, le CSA ne peut pas contrôler l'ensemble des acteurs – cela concerne l'obligation de moyens. Nous choisissons – ce n'est qu'une première étape, je vous le répète – de traiter d'abord les grandes plateformes – Facebook, Twitter et YouTube. Si nous pouvons régler les problèmes posés par les contenus haineux qui apparaissent sur ces grandes plateformes, où se rendent 99 % des Français, j'en serai très heureux. Il n'aura pas été entièrement répondu à la question, mais une étape importante aura été franchie.

S'agissant du principe d'innovation, je fais le lien entre l'obligation de moyens et la supervision qui l'accompagne : les obligations des plateformes seront très lourdes. Facebook, je l'ai dit, emploie plusieurs dizaines de milliers de modérateurs. C'est nécessaire, mais le marché risque de se trouver verrouillé : en effet, avec des obligations aussi fortes, aucune nouvelle plateforme ne pourra y entrer. Le fermer revient donc à considérer qu'on doit se contenter des réseaux existants. Je pense au contraire qu'il faut autoriser la concurrence et l'émergence de nouvelles plateformes qui seront, je l'espère, plus respectueuses de la vie privée et plus attentives à la propagation de la haine sur internet. Or, si vous leur imposez ab initio une modération systémique très élevée, alors, vous les empêcherez d'émerger.

Monsieur Latombe, vous m'avez également interrogé sur la nudité sur Facebook : personne n'est obligé d'aller sur Facebook. Il s'agit d'une entreprise privée, qui a le droit de définir, au nom de la liberté d'entreprendre, ses propres conditions générales d'utilisation, dès lors qu'elles ne sont pas discriminatoires – par exemple interdire les nus de telle ou telle origine. Encore une fois, vous n'êtes pas obligé d'aller sur Facebook. Il me semble donc difficile de légiférer sur le sujet.

Je tiens à corriger un propos de M. Corbière : malheureusement, la lucidité conduit à affirmer que, si vous insultez, injuriez ou menacez de mort quelqu'un sur internet, vous bénéficierez d'une quasi-impunité. Certes, la loi vous l'interdit et vous rend passible d'une sanction ; dans les faits, le nombre des procès est infinitésimal au regard du nombre d'injures et de menaces de mort qui pullulent sur internet.

J'ai enfin noté le cri d'amour des parlementaires du Rassemblement national pour la justice : dans ce cas, Marine Le Pen ne doit pas hésiter à se rendre aux convocations judiciaires. Ce serait une première preuve d'amour.

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