La fraude aux prestations sociales est pleinement répréhensible et doit être sanctionnée, mais l'application des sanctions doit rester conforme aux règles élémentaires de la justice : l'égalité et le contradictoire. Or, dans la lutte à la fraude aux prestations sociales, les organismes de sécurité sociale outrepassent ces normes, selon le rapport très documenté du Défenseur des droits. On y apprend que l'erreur est systématiquement assimilée à une fraude et que les organismes ont des objectifs chiffrés de détection des fraudes qui les poussent à une interprétation pour le moins extensive d'une fraude qui ne concerne que 0,3 % des usagers. On lit aussi dans ce rapport que « les larges pouvoirs accordés aux organismes chargés d'une mission de protection sociale ont entraîné des dérives dans les procédures de contrôle, de qualification et de sanction de la fraude. Leurs effets peuvent être dramatiques et sont susceptibles de porter atteinte au principe d'égalité devant les services publics, à celui de dignité de la personne ou encore au principe du contradictoire ».
L'article va renforcer ces dérives. Alors que les allocataires des minima sociaux sont largement stigmatisés, vous en ajoutez une couche en augmentant les pénalités pour dissuader ceux qui tenteraient de faire de fausses déclarations. Mais pensez-vous vraiment que celui qui a touché un trop perçu d'allocation « adulte handicapé » ou de RSA se sentira libre de partir deux ans en vacances, comme l'a dit le porte-parole du Gouvernement ? On est à rebours des propositions du Défenseur des droits, qui recommande une plus grande souplesse dans l'échelonnement du remboursement des sommes dues, des chartes d'information et de la prévention. Autant d'éléments dont il n'est pas question dans l'article car l'objectif cyniquement avoué est bien de renflouer les finances sociales par la détection de la fraude. Encore une fois, la lutte contre la fraude aux prestations est justifiée, mais elle sera d'autant plus ferme qu'elle sera juste. Un tel acharnement ressemble davantage à une justice de classe teintée de mépris qu'à la prévention et au contrôle qu'un service public de progrès devrait mener.