Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à mon amendement de suppression que nous avons examiné à la fin de la séance précédente.
Il y a, me semble-t-il, une dichotomie profonde entre l'objectif affirmé de cette proposition de loi – lutter contre toute forme de haine sur internet – et le dispositif de l'article 1er, qui ne vise à lutter que contre les propos haineux proférés sur certains sites « dont l'activité sur le territoire français dépasse un seuil déterminé par décret ».
Je me pose donc une question, à laquelle Mme la rapporteure a déjà partiellement répondu tout à l'heure : quid des autres sites internet dont l'activité est moins importante que les grandes plateformes visées dans cette proposition de loi ? Faut-il comprendre que des propos haineux tenus sur une grande plateforme comme Facebook sont plus graves que des propos haineux proférés sur une petite plateforme, sous prétexte que cette dernière serait moins fréquentée ? Est-ce le nombre de visiteurs qui rend un propos plus haineux qu'un autre ? C'est clairement ce que laisse entendre l'article 1er... La situation est complètement absurde : on pourrait comprendre que la gravité du propos haineux ne dépend pas seulement de son contenu, mais également du site où il a été exprimé. Vous conviendrez que c'est le propos en lui-même qui doit être condamné : les circonstances de la publication de ce propos n'ont absolument rien à voir avec la gravité de ce dernier. Aussi l'article 1er est-il empreint d'une forme de subjectivisme qui n'est pas opportun ; il y a même là une rupture d'égalité.
Quand on a l'ambition de lutter contre la haine sur internet, partout où elle se trouve, mais qu'on se limite à quelques grandes plateformes « dont l'activité sur le territoire français dépasse un seuil déterminé par décret », on se rend bien compte qu'il y a un problème. Mon amendement vise donc à corriger cette sorte de justice à deux vitesses, pour ne pas dire cette injustice.