Dans votre présentation, madame la présidente, vous avez fait mention du fait que je suis délégué interministériel aux jeux olympiques et para-olympiques et aux grands événements sportifs. J'avais d'ailleurs été entendu à ce titre par votre commission. Cette charge est suffisamment lourde pour vous rappeler que je suis président non exécutif de l'Agence nationale du sport ; l'essentiel des prérogatives, comme le prévoit sa convention constitutive, est exercé par le directeur général et le manager général pour la haute performance, qui m'accompagnent. Je désirais d'emblée faire cette mise au point pour bien préciser le cadre dans lequel nous nous inscrivons.
La naissance de cette agence, décidée par le Gouvernement, s'est faite dans des conditions sinon difficiles, tout au moins particulières. Je souhaitais rappeler, par rapport à la chronologie que vous avez indiquée, que c'est dans la loi de finances pour 2019 qu'apparaît pour la première fois cette agence, puisqu'elle s'y trouve mentionnée pour être bénéficiaire, au jour de sa création, des taxes affectées en lieu et place du CNDS. Il est nul besoin de vous rappeler l'exclusivité la compétence de la loi de finance pour ces sujets.
Le Gouvernement a fait le choix de créer cette agence sous forme de groupement d'intérêt public. Ce choix a entraîné une série de conséquences. Il importe de souligner combien ce choix est original, même si sa finalité est claire puisqu'il s'agit de prendre acte que, depuis plusieurs années, le sport dans notre pays n'est plus la seule prérogative de l'État et que de très nombreux acteurs concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques sportives. Ce groupement d'intérêt public est très majoritairement composé d'autorités ayant, à un titre ou un autre, la responsabilité de la mise en oeuvre du service public, notamment les fédérations sportives délégataires de service public. Pour le dire sommairement, même si ces dernières recouvrent un monde d'une extrême diversité, non seulement en termes de disciplines mais aussi de structures ou de taille, les fédérations sportives ont pris, au fil des ans, une importance croissante et, au travers de cette réforme, s'exprime aussi la volonté du Gouvernement d'accentuer le mouvement de responsabilisation, et tout au moins de prolonger les délégations qui sont consenties de manière progressive à celles qui sont le plus en mesure d'exercer des responsabilités accrues.
Aux côtés du mouvement sportif – fédérations, Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Comité paralympique et sportif français (CPSF) et autres –, figure le collège des collectivités territoriales dont, mesdames, messieurs les députés, vous savez bien qu'elles sont depuis fort longtemps, en termes d'équipements et de pratiques sportives, les premiers financeurs du sport en France, loin devant l'État. Puis, comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, en introduction, l'originalité, et, à mon avis, la force de ce GIP, est d'avoir associé un troisième acteur, plus émergent, dont la place dans le monde sportif est moins ancrée et ancienne que celle des trois premiers que sont l'État, les fédérations et les collectivités territoriales : le monde économique, mais aussi social puisque les partenaires sociaux y ont également leur place.
Pour le monde économique, la création de l'agence, même récente, a été l'occasion, si ce n'est de structurer le champ du sport – puisqu'il existe déjà une filière économique du sport, du moins de donner à certains acteurs du sport une représentativité – au sens où l'entendrait, par exemple, le droit du travail. Jusqu'à présent, celle-ci n'est pas totalement définie et la création de l'agence a été l'occasion de réfléchir, en étroit partenariat avec ces acteurs, à leur représentativité parce que l'économie du sport et les entreprises ont un rôle essentiel à jouer. Le sport, c'est de l'emploi et du développement économique dans les territoires, c'est aussi une grande créativité et des innovations techniques et technologiques. Il est apparu opportun, judicieux sans doute, d'associer et de créer un collège de ce monde économique au sein de l'agence.
Ayant fait le choix du groupement d'intérêt public, nous nous sommes efforcés d'entrer dans le cadre des lois et règlements qui régissent les GIP. Il faut le reconnaître, à ce stade, nous n'y sommes pas totalement parvenus. C'est la raison pour laquelle le Parlement est saisi de dispositions en ce sens, que votre commission examinera le 10 juillet prochain. En effet, vous le savez et c'est une observation qui avait été faite par le Conseil d'État, un groupement d'intérêt public est normalement caractérisé par une relative homogénéité dans l'apport des parties qui le composent. Or, et au moins en phase de démarrage, l'Agence nationale du sport bénéficie pour l'essentiel de moyens de l'État. Le Conseil d'État a fait observer qu'il fallait sans doute adapter la législation à cette construction originale, sans doute innovante, en veillant à préserver les intérêts de l'État, les moyens que le Parlement voudra bien consentir à l'agence et cet esprit, cette volonté de collégialité dans la définition des politiques sportives, en associant davantage et mieux ceux qui, dans les faits, y concourent de manière massive. C'est la raison pour laquelle l'agence sous forme de GIP a été créée par arrêté ministériel, conformément à la loi de 2011, et que, pour lui donner toute l'assise nécessaire, une disposition législative a été préparée, conformément à la suggestion du Conseil d'État.
Sur la base du droit actuel, l'agence s'est mise au travail. Elle a tenu son assemblée générale constitutive, a désigné ses instances de gouvernance, a voté ses premiers budgets et a réuni deux conseils d'administration, dont le dernier voilà très précisément une semaine.
Je souhaiterais apporter un témoignage personnel puisque le président non exécutif est garant de l'équilibre du fonctionnement de cette agence qui, au-delà des organes statutaires, a constitué une série de groupes de travail et de commissions. Je tiens à témoigner de la grande richesse et du fort intérêt que représentent ces regards croisés sur les sujets qui relèvent de sa compétence, portés par l'ensemble des acteurs qui concourent aux politiques publiques sportives. Une étape supplémentaire a été franchie par rapport au CNDS dont l'agence a repris l'ensemble des attributions, augmentées de nouvelles.
Pour en terminer avec mon propos introductif, l'Agence nationale du sport est un objet original, au point d'ailleurs qu'elle suscite des inquiétudes. Notre rôle n'est pas de les nier, mais d'essayer de montrer qu'elle représente une plus-value. Je considère pour ma part qu'avoir laissé cohabiter au sein d'une instance unique, à la fois la dimension de la haute performance et du très haut niveau, pour mieux l'organiser et la structurer, comme Claude Onesta vous l'expliquera cent fois mieux que je ne saurais le faire – et qui, sans doute, prend une dimension supplémentaire dans la perspective de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 – et la dimension des pratiques sportives et du « sport pour tous », dans laquelle l'État était déjà minoritaire, ne peut qu'être fécond. Le délégué aux Jeux olympiques et paralympiques ne peut que se réjouir qu'il n'y ait pas, d'un côté, la compétition et la haute performance et, de l'autre, au sein d'instances différentes ou traité par d'autres collectivités ou institutions, le développement de la pratique du sport. Nous avions déjà eu ce débat lors de mon audition ici même dans le cadre de la préparation de la loi relative à l'organisation des Jeux olympiques, votée par le Parlement en avril 2018. Nous le savons, en règle générale, plus on gagne de médailles dans une discipline, plus le nombre de licenciés amateurs dans cette discipline augmente. Les Jeux olympiques et paralympiques modernes, ceux des années 2020, sont tournés vers l'héritage autant que vers la réussite de la manifestation elle-même. Il faut à tout prix qu'ils soient l'occasion d'un accroissement de la pratique sportive dans notre pays, pas dans ce simple objectif, mais parce que nous avons la conviction que le sport est un atout pour la santé, pour la cohésion sociale et territoriale et pour l'ensemble du pays. C'est le défi que nous avons à relever.
Il s'agit incontestablement d'une organisation originale. Nous devons répondre, et j'en suis le garant, de ce que ce nouveau mode d'exercice du service public ne soit pas un recul du service public, ni de l'État. Il s'agit de prendre acte d'une situation existante, qui a sans doute besoin d'être mieux organisée, mieux coordonnée, et de faire davantage sens pour les athlètes de haut niveau comme pour les pratiquants, les bénévoles dans les clubs et l'ensemble de ceux qui concourent à l'exercice des pratiques sportives dans notre pays.