Intervention de Claude Onesta

Réunion du mardi 25 juin 2019 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Claude Onesta, manager général de la haute performance de l'Agence nationale du sport :

Je vais essayer d'aller un peu plus loin, ou un peu à côté, des réponses portées par Frédéric Sanaur. Je suis presque étonné du questionnement que vous avez à propos de l'agence, dans la mesure où ce sont des questions que j'aurais pu moi-même vous poser. J'ai parfois le sentiment que vous attendez de nous quelque chose que nous sommes loin de pouvoir donner. Même si une certaine impulsion est donnée, il semble clair, et tous l'ont dit, que sport égale cohésion sociale et lutte contre les discriminations. Mais, de temps en temps, il faut aussi s'occuper de pratiques sportives ! On voudrait, tout à coup, qu'avec 352 millions d'euros – que tous s'accordent à considérer comme étant nettement insuffisants –, toutes les problématiques puissent être résolues.

Pour ma part, je suis un vieux routier du sport. Même si j'ai moi aussi le sentiment que le sport se transforme et que la société change, qu'est-ce un club sportif ? C'est une cellule où des personnes se réunissent pour faire ensemble du sport, des activités sociales, passer des moments de plaisir, des moments festifs. Il me semble que la fonction du club n'a rien de plus particulier que l'association de théâtre ou n'importe quel autre lieu associatif où l'on va créer du lien. Quelle est la place de ces personnes dans la vie de la commune, dans la vie d'un département ou d'une région ? Aujourd'hui, le monde qui est le nôtre, qui nous a beaucoup éclatés, beaucoup isolés, a tendance à vouloir remettre tout cela en scène pour que les personnes recommencent à se parler, à faire mieux ensemble.

L'agence n'est pas l'État. J'ai parfois l'impression que l'on nous interroge comme si nous étions porteurs de la politique de l'État. Nous sommes sensibles à cette politique, mais il nous arrive aussi de la subir autant que les autres. Quand il est question du futur budget de l'agence, nous espérons bien évidemment le voir amélioré pour pouvoir engager encore plus d'actions. Mais j'ai aussi le sentiment que le budget ne fait pas tout, que pendant très longtemps le sport a été sous assistanat de la puissance publique, quel que soit le niveau de cet assistanat, et qu'aujourd'hui, on voudrait que chacun se débrouille seul. Donc, c'est compliqué, car il y a un véritable chemin à parcourir.

Il s'agit de la modernisation des pratiques sportives, de la capacité à mieux vivre cette pratique et à mieux l'associer à un territoire et de la présence de plus en plus active du monde économique. Mais le monde sportif doit s'habituer à ne plus considérer ce monde économique comme un sponsor, comme c'est le cas depuis des années, ou comme celui qui paie pour installer un panneau dans votre gymnase ou sur votre terrain car cela n'a plus de sens. Cela garde peut-être du sens à la télévision, pour des sociétés qui veulent payer de la visibilité, mais ce n'est plus le cas sur le plan local. Si nous voulons que, demain, le sport grandisse, qu'il devienne plus responsable et se prennent mieux en charge, il faut lui en donner les moyens, et pas par le biais de subventions. C'est là que je me tourne vers vous car je pense au déplafonnement des taxes. Plus vous permettrez au sport de se gérer par lui-même et de mieux s'investir dans son organisation, plus il sera capable de répondre à vos interrogations. Aujourd'hui, on demande à des personnes en assistanat ce qu'elles font pour nous. Elles ne font rien, car elles ont déjà du mal à faire pour elles-mêmes et à survivre.

Je pense que nous sommes réellement dans une phase de changement. Sur le périmètre du haut niveau qui est le mien, je constate que l'État faisait de l'éparpillement des moyens, donnant un peu à tout le monde. De plus, il n'est pas demandé grand-chose en contrepartie, aucune véritable évaluation n'est faite de ce qui a été réalisé, et celui qui fait bien reçoit autant que celui qui fait mal. Nous verrons bien ce qu'il en sera demain. Nous allons simplement essayer d'être un peu plus efficaces, non pas en privant les uns de ressources et en donnant tout aux autres, mais en essayant de responsabiliser les personnes sur les moyens qui leur sont affectés, sur l'engagement qu'elles prennent et, cela a aussi été évoqué, sur l'exemplarité de leur action.

Le sport de haut niveau n'a d'intérêt pour moi que s'il est porteur de cette exemplarité, si le message transmis à notre jeunesse est un message de qualité et qu'au travers des pratiques sportives, s'exprime la volonté de s'engager, la volonté des plus jeunes de passer à l'action. Ce que l'on voit actuellement dans la pratique du football féminin et au travers de la Coupe du monde donne l'envie de continuer à pratiquer dans une association ou un club, d'aller faire plus parce qu'au-delà de l'aspect technique ou stratégique, les images que l'on voit sont celles d'un sport fait avec le sourire, celles de personnes qui cohabitent et collaborent de manière intelligente, des images qui donnent envie de faire. La charge de l'agence est aussi de témoigner de ces grands messages. Mais si vous attendez que nous puissions résoudre tous les problèmes sociétaux à crédit et sans grand engagement, cela va être compliqué. Nous ne sommes pas des magiciens ! Si vous êtes prêts à le faire avec nous, nous y parviendrons sûrement mieux.

Je voudrais simplement dire à Régis Juanico qui a porté la discussion sur les cadres techniques, que c'est une affaire dont il est question depuis quelques semaines ou quelques mois. Je suis cadre technique depuis trente-trois ans. Je connais donc bien le système et cette organisation qui met à la disposition des fédérations des personnes capables d'améliorer, que ce soit la pratique du très haut niveau, mais aussi la structuration dans les territoires et la capacité de créer de l'encadrement et de la formation.

À mon avis, la manière dont a été abordée cette réforme est une erreur. Je le dis, je l'ai déjà dit et le répète. C'est une erreur, car le mobile qui motivait cette réforme n'a pas de sens dans le périmètre de ce que nous venons de décrire ; cette réforme ne visait pas à améliorer le fonctionnement sportif, mais à réaliser des économies. Nous devons désormais entrer dans une nouvelle période car, à l'inverse, certains se sont arc-boutées contre cette réforme pour finir par dire rien ne devait changer. Moi qui suis présent depuis trente-trois ans, qui voit le fonctionnement autour des cadres techniques, le fonctionnement de l'administration et de l'État, je peux dire aujourd'hui très officiellement que tout ce qui se passe n'est ni très élaboré ni très pertinent. Je pense, en effet, qu'il faut se battre pour que ce statut ne soit pas attaqué et chercher ensuite, ensemble, à mieux le transformer, le réformer pour le rendre encore plus utile au sport moderne.

M. le président Bruno Studer remplace Mme Sylvie Charrière à la présidence.

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