Je vais répondre à la première question, à la personne qui souhaitait que la pratique du plus haut niveau soit suffisamment accompagnée pour que les athlètes puissent se déterminer et réaliser leur parcours sportif de manière privilégiée. Cela fait partie de notre analyse. L'un de vos collègues parlait du sport et de l'argent ; ce sport est celui que vous pouvez connaître si vous lisez l'Équipe ou regardez le sport à la télévision. Mais très souvent, le sport de haut niveau, celui que nous analysons tous les jours et qui se vit au sein des fédérations françaises, n'est pas du tout celui-là. Le sport dont nous parlons se fait souvent dans la difficulté.
Lorsque vous demandez si les fédérations peuvent aider leurs clubs, il faut savoir que, très souvent, ces fédérations n'ont pas le moindre sou pour engager les actions qu'elles souhaiteraient mener. Il faut bien comprendre que la situation du mouvement sportif aujourd'hui est très délicate. Plus de 80 % des fédérations ne vivent qu'avec les fonds de l'État, les moyens mis à disposition au travers des cadres de l'État et un peu d'argent récupéré sur les cotisations et les licences, ce qui représente trop peu d'argent pour engager des transformations, des investissements massifs et faire évoluer leurs pratiques.
Pour ce qui est des athlètes de très haut niveau, il faut bien avoir conscience que les athlètes, les joueurs de football ou les grands champions – il en existe aujourd'hui en France – aux revenus très conséquents, ne représentent qu'une très petite marge. La plupart d'entre eux essaient de galérer le moins possible, de mettre bout à bout quelques moyens grappillés auprès d'un club ou d'une fédération, auprès de collectivités ou d'un partenaire privé, en espérant grâce à tout cela disposer de revenus suffisants pour pouvoir se consacrer à leur pratique.
Nous essayons de cerner ce problème au plus près. Plus précisément, même si cela est compliqué, nous sommes en train d'identifier une liste d'athlètes médaillables, des athlètes qui se situent dans un périmètre de performance – soit parce qu'ils sont champions du monde de leur discipline et que nous pouvons penser qu'ils se situent dans le périmètre de la médaille, soit parce qu'ils sont capables de réaliser, de temps en temps, des performances de ce niveau et que nous pensons qu'ils sont dans le lot de ceux qui peuvent obtenir une médaille, soit parce qu'occasionnellement, ils sont capables de moments de fulgurance, et que nous pouvons espérer que cela puisse être ce jour-là. Une fois ces athlètes identifiés, nous voudrions, puisque nous nous sommes proposés de mieux les accompagner, le faire dans un environnement plus établi, plus documenté, mieux informé.
Nous étudions également le revenu de chacun. Il existe aujourd'hui de nombreux dispositifs d'aide à l'emploi ou d'accompagnement vers l'emploi pour les athlètes français de haut niveau. Des contrats passés avec certaines entreprises, voire certains ministères, permettent à ces sportifs de bénéficier d'un emploi aidé qui leur permet de s'entraîner en contrepartie de temps dédié véritablement à l'entreprise. Ces dispositifs bénéficient à bon nombre de ces athlètes. Mais là encore, ils sont mis en place et organisés de manière éclatée. Ils engagent des nombreux et divers acteurs aux niveaux territorial et national, voire au ministère, ainsi que des opérateurs comme l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP). Chacun fait ce qu'il veut dans son coin, en s'appuyant bien évidemment sur des dispositifs génériques identifiés. Nous constatons que les mieux informés en bénéficient plus, que les moins bien informés passent à côté et que, parfois, ceux qui sont très malins sont capables de capitaliser pas mal d'aides, peut-être de manière excessive puisque non prioritaires. Nous essayons donc de formaliser cela.
À cet égard, la volonté de l'agence est de prendre le pari que tous les athlètes qui participeront aux Jeux olympiques pourront avoir des revenus tirés uniquement de leur pratique sportive et ne seront plus obligés de recourir à de petits boulots pour parvenir à disposer des ressources nécessaires à leur vie quotidienne. À cette fin, et en complément des dispositifs déjà existants, nous étudions la possibilité d'un dispositif de bourse qui viendrait assurer la complémentarité d'un salaire brut, identifié à 3 000 euros par mois. Bien évidemment, le salaire versé via cette bourse ne serait à destination que des jeunes qui en ont besoin et ne disposent pas de revenus parallèles plus conséquents. Cela signifie que nos graines de champion déjà bien dotées n'auraient pas accès à cette aide.
Nous allons donc identifier dans le périmètre des personnes que nous aurons sélectionnées tous ceux qui méritent d'être aidés et faire en sorte que les athlètes olympiques et paralympiques des différentes disciplines puissent bénéficier de ces aides. Le pari est donc pris pour que, dès les Jeux de Tokyo, les athlètes participant aux Jeux olympiques ou aux Jeux paralympiques touchent un revenu minimum de 3 000 euros brut par mois. Cela peut leur permettre de partir en se concentrant sur leur pratique sans mettre, ce faisant, leur famille en péril, et sans se sentir délaissés.
C'est un dossier sur lequel nous sommes très concentrés, mais un autre dossier nous occupe parallèlement, car le premier, seul, n'aurait pas de sens ; il s'agit de celui de l'encadrement technique. Nombre d'entraîneurs et de personnes associées à la pratique de nos meilleurs athlètes sont dans des situations précaires : petits boulots, petits contrats. Inutile de rendre l'athlète plus disponible pour sa pratique si son encadrement ne l'est pas ! Cela signifie que nous sommes également en train d'identifier les personnes qui, dans le périmètre des meilleurs athlètes français, doivent être mieux accompagnées et bénéficier de statuts plus solides et de situations plus pérennes.
Cela fait partie des dossiers prioritaires que nous avons identifiés pour qu'il n'y ait plus de sportifs qui se rendent aux Jeux olympiques sans statut social.