Intervention de Jean-François Parigi

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Parigi, président de la mission d'information :

Avec Stella Dupont, nous vous présentons aujourd'hui les conclusions de la mission d'information sur les taxes relatives aux titres de séjour, c'est-à-dire les taxes que les étrangers résidant légalement sur notre territoire doivent acquitter au moment de la délivrance du renouvellement ou de la remise d'un duplicata de leur titre de séjour.

Le produit de cette taxe représentait 193 millions d'euros en 2017, un montant conséquent, même s'il peut apparaître peu significatif au regard des grandes masses budgétaires. Pour les étrangers, en revanche, le montant de ces taxes est significatif, puisqu'il s'élève généralement à 269 euros par document dans le cas le plus fréquent et peut aller jusqu'à 609 euros par titre de séjour dans certaines situations, et ce pour une durée de validité n'excédant pas parfois douze mois.

À l'initiative de Stella Dupont, la question du niveau de ces taxes a motivé la création d'une mission d'information de la commission des finances. La présidence de cette mission m'a été confiée, et Mme Stella Dupont en a été désignée rapporteur. Je salue l'investissement de notre collègue et la remercie pour l'important travail accompli dans un esprit de coopération et de respect mutuel de nos sensibilités politiques.

D'apparence technique, le sujet des taxes appliquées aux titres de séjour mérite qu'on s'y attarde dans la mesure où certaines pratiques posent question. Si les enjeux financiers apparaissent limités, de véritables questions de fond se posent. Dans ce rapport, Stella Dupont souligne ainsi le niveau élevé de ces taxes et considère que ces contributions sont susceptibles de compromettre l'intégration de certains étrangers.

Pour ma part, j'entends surtout souligner le cercle vicieux enclenché par ces taxes. Ces contributions imposées par l'État aux ressortissants étrangers, qui souvent peinent à régler le montant demandé, conduisent certaines associations caritatives ou certains centres communaux d'action sociale (CCAS) à prendre en charge ces taxes. Ce faisant, une charge financière indue pèse sur ces structures et réduit leur capacité d'intervention au bénéfice des populations en difficulté. Le paradoxe est tel que certaines associations participent au paiement des taxes sur les titres de séjour au moyen de subventions accordées par l'État ou des collectivités territoriales. D'une certaine façon, de l'argent public est ainsi utilisé pour financer le paiement de taxes. Cette situation baroque est soulignée par la mission et m'a été confirmée au niveau local par différents acteurs associatifs.

À titre personnel, dans ma circonscription, j'ai par exemple été interpellé sur cette question par la Croix-Rouge, qui m'a alerté sur le poids croissant représenté par la prise en charge de ces dépenses dans le budget de son antenne locale. Cette situation pose question, puisque la Croix-Rouge, comme les autres associations caritatives, finance une large part de ses actions par des dons. Cela veut donc dire que lorsque la Croix-Rouge ou une autre association prend en charge des taxes sur les titres de séjour, c'est l'État qui, par le biais de la déduction fiscale, finance une partie du paiement de ses propres taxes. À l'évidence, cela n'est pas satisfaisant. Vous-même, monsieur le président, vous aviez souligné ce problème le 19 octobre 2018 dans l'hémicycle en évoquant, d'une part, le montant extrêmement élevé de ces taxes par rapport au revenu moyen des assujettis, et, d'autre part, en soulignant que le paiement partiellement public de ces taxes nous faisait tourner en rond.

Mais au-delà de la charge indue pesant sur le secteur associatif, cette mission nous a permis de découvrir que la taxation des titres de séjour pose d'autres questions : des questions relatives, par exemple, à la dématérialisation croissante des procédures administratives. Si le principe de la dématérialisation doit être soutenu, il est nécessaire de savoir accompagner cette évolution et de lutter contre certains effets pervers.

À ce titre, avec Stella Dupont, nous avons été interpellés par plusieurs acteurs associatifs et institutionnels sur le développement d'une nouvelle forme de délinquance. À plusieurs reprises, il nous a été fait part d'un phénomène de commercialisation frauduleuse de rendez-vous ouverts par les préfectures pour recevoir les étrangers. Des rendez-vous sont revendus pour 50, 100 ou 200 euros. La sous-préfecture du Raincy en Seine-Saint-Denis nous a même fait part d'un horaire d'entretien commercialisé à 1 200 euros. Si cette question ne constitue pas le thème central de la mission d'information, la conduite de nos travaux a permis d'en prendre conscience et de la dénoncer.

Concernant le déroulement de nos travaux, celui-ci a été assez classique puisqu'il a reposé sur un cycle d'auditions complété par deux déplacements en Seine-Saint-Denis et en Loire-Atlantique. Les seize auditions conduites ont permis de rencontrer quarante-sept interlocuteurs différents, que je souhaite ici remercier. À partir de ces auditions, la mission a pu formuler ses propositions que je laisserai à madame la rapporteure le soin de vous présenter.

Avant de lui laisser la parole, je souhaite souligner qu'en dépit de nos différences de conviction, nous sommes parvenus avec la rapporteure à des propositions partagées puisque guidées par le bon sens. Je pense par exemple à celle visant à simplifier le régime actuel de ces taxes, qui est aujourd'hui beaucoup trop complexe pour les étrangers comme pour les services de l'État. La mission d'information propose également d'abaisser le montant de certaines taxes, mais il ne s'agit ici que de les ramener dans la moyenne européenne, ni plus ni moins. La volonté de Stella Dupont a été de proposer une grille tarifaire réaliste au regard du revenu moyen des personnes concernées.

Enfin, je terminerai par la remarque suivante : l'exercice du pouvoir de contrôle de la commission des finances permet, comme ce fut le cas avec cette mission d'information, de se saisir d'un sujet et, à la faveur de l'examen d'une politique publique, de soulever d'autres interrogations. Ce pouvoir de contrôle rencontre néanmoins certaines difficultés pratiques. À regret, la mission d'information a dû se résoudre à ne pouvoir évaluer précisément le montant de ces recommandations dans la mesure où elle n'a pu disposer d'un niveau d'information suffisamment détaillé pour la décomposition du produit de ces taxes.

Néanmoins, en dépit de cette réserve, j'émets le voeu que le diagnostic et les propositions partagées formulés par la mission de la formation reçoivent l'appui de notre commission.

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