Merci pour votre intérêt sur ce sujet. Je vais essayer d'embrasser la globalité des questions en allant à l'essentiel.
Pour vous répondre, monsieur le président, tout d'abord, l'une des difficultés de la mission d'information, comme cela a été indiqué par le président et moi-même, est que nous n'avons pu disposer de données fines sur les catégories de titres. Nous savons qu'il y a eu 986 000 titres délivrés en 2017, mais ce nombre intègre tout, c'est-à-dire les renouvellements mais aussi les duplicatas et les premiers titres. Il est donc difficile ensuite d'analyser finement les choses. Ce que nous savons en revanche, c'est que les personnes en situation irrégulière qui doivent donc payer le visa de régularisation étaient au nombre de 30 000 en 2017.
Les 609 euros, ce sont ceux qui paient le titre plus le visa de régularisation de 340 euros. Ce sont les personnes qui, au moment où elles déposent leur demande, sont en situation irrégulière, parce que leur visa de séjour, de tourisme ou autre, est dépassé, parce qu'elles sont arrivées de façon irrégulière dans notre pays. Cela représente 30 000 personnes.
Pour en venir à la question qui revient souvent sur le constat de trafic de rendez-vous en préfecture, l'une des préfectures que nous avons auditionnées avait déposé plainte sur ce sujet, et l'autre, bien que ce soit récent, était dans une logique identique d'action sur ce plan également.
Pour votre première question, monsieur le rapporteur général : la situation des demandeurs de titres est souvent précaire, et les données de l'INSEE de 2014, que j'ai rappelées brièvement, ont observé que le taux de pauvreté des personnes vivant dans des ménages immigrés est supérieur de plus de 27 points à celui de la population des ménages de non-immigrés.
L'évolution du produit des taxes et du droit de timbre sur les titres de séjour au cours des dernières années se caractérise par un accroissement rapide. De 157 millions d'euros en 2013, nous sommes passés à 168 millions en 2015 et à 193 millions en 2017. Le produit des taxes et du droit de timbre croît d'ailleurs proportionnellement plus vite que le nombre de titres de séjour délivrés, de fait de l'augmentation de 2016 du niveau de taxe. Ce décret de 2016, je vous l'ai dit, l'a fait passer, pour certains cas de renouvellement, de 87 à 250 euros.
S'agissant de votre deuxième question, des comparaisons européennes ont été établies sur la base des données transmises par le ministère de l'intérieur et également des données recueillies par le service des affaires européennes de l'Assemblée nationale, que nous avons aussi sollicité. Ces données doivent être analysées avec prudence en raison des différences qui existent en matière de durée de validité des titres de séjour entre États : tout le monde n'a pas un titre d'un an ou un titre de quatre ans. On ne compare pas toujours des choses comparables, l'exercice n'est donc pas simple.
D'après les données du ministère de l'intérieur, sur vingt-et-un pays européens analysés, la France propose la deuxième tarification la plus élevée en matière de taxation des titres de séjour délivrés aux résidents de longue durée, c'est-à-dire ceux qui paient 269 euros, et la troisième tarification la plus élevée en matière de taxes appliquées sur le titre de séjour d'un conjoint faisant l'objet d'un regroupement familial.
Les données recueillies par le service des affaires européennes mettent en avant une autre singularité concernant la régularisation des étrangers, parce que sur les neuf pays étudiés, aucun n'applique aux étrangers régularisés une surtaxe comparable au droit de visa de régularisation de 340 euros pratiqué par la France.
Les comparaisons européennes soulignent également la complexité de la taxation française. En Belgique, par exemple, il n'y a que trois tarifs et un droit de timbre ; en France, il y a treize montants différents.
Sur votre troisième question, qui concerne la recommandation 14, selon les cas, la loi définit une fourchette de taxes ou une taxe précise. Dans la plupart des cas, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit une fourchette comportant une limite haute et une limite basse, et, comme je vous l'indiquais tout à l'heure, l'amplitude peut aller de 1 à 4,5. En matière de renouvellement des titres, la taxe peut varier de 55 euros à 250 euros selon les cas de figure. C'est comme cela qu'en 2016, la hausse a pu être décidée sans passage par le Parlement. Le code ne détermine pas non plus uniquement des fourchettes. Sur le droit de visa de régularisation de 340 euros, on a fixé précisément le montant de la taxe sans passer par une fourchette. Un autre visa de régularisation de 180 euros est également fixé précisément. Je crois que nous avons bien une possibilité d'action soit en restreignant les fourchettes existantes – en resserrant de 1 à 4,5 à 1 à 2, à nous de le définir – soit en généralisant la détermination d'un montant précis, et c'est plutôt cette solution que nous préconisons.
En réponse à Jacques Savatier, les 38 millions d'euros que nous avons estimés sont effectivement une moindre recette. Sur la dématérialisation dans les préfectures – à l'image des Français, d'ailleurs, nombre d'étrangers ne sont pas à l'aise avec l'outil informatique et la dématérialisation – nous ne préconisons pas d'aller jusqu'à remettre des guichets et des versements numéraires dans les préfectures, mais des bornes permettant justement de retirer de façon dématérialisée les timbres fiscaux servant à payer ces taxes nous semblent adaptées. Les personnes étrangères, comme les Français d'ailleurs, peuvent donc acheter leur timbre soit en préfecture dans ces bornes, soit à domicile ou dans une association, soit chez le buraliste, où un paiement en espèces peut être possible. Nous sommes cependant dans la phase de changement et nous avons senti dans les différentes auditions que cette dématérialisation était compliquée pour certaines associations plus que pour d'autres, qui s'étaient adaptées assez facilement.
Pour le reste de nos recommandations, pour l'essentiel, cela peut passer par un amendement au PLF. C'est donc assez simple.
Madame Louwagie, sur le coût de la gestion de la procédure, le nombre d'agents qui travaillent sur ce sujet est en définitive assez limité, et les éléments qui nous ont été transmis nous amènent à la conclusion qu'effectivement, le coût de gestion du recouvrement de ces droits de timbre et de ces taxes est assez faible. Je n'ai pas le chiffre exact, mais ce n'est pas un gros poste de dépenses de notre administration.
Sur les tarifs dans les pays voisins et l'harmonisation, à ma connaissance, il n'y a pas de travaux d'harmonisation engagés. Ce serait intéressant et certainement à faire, mais on part de loin, c'est-à-dire qu'entre la France qui a une multiplicité de titres, de taxes, de dérogations et un pays où les choses sont extrêmement simples comme la Belgique, où il y a trois tarifs, cela mériterait beaucoup de travail. Vous avez dans les annexes du rapport un certain nombre de détails, avec des choses qui peuvent apparaître surprenantes puisqu'il me semble que la Hongrie, par exemple, a un niveau de taxes assez faible, alors qu'intuitivement je me serais plutôt attendue à un niveau de taxes élevé, et que les pays du nord de l'Europe ont des tarifications qui sont en revanche élevées. Chaque cas est particulier : il est difficile d'en tirer une conclusion unique.
Concernant votre questionnement ou votre désaccord possible quand je vous parle de frein à l'intégration, c'est le niveau de la taxe qui, pour moi, constitue un frein à l'intégration surtout lorsqu'il s'agit de faire payer 609 euros à des gens qui peuvent être seuls, mais qui peuvent aussi être en couple et qui ne peuvent pas travailler dans notre pays au moment où ils déposent leur demande. Cela signifie qu'ils doivent se débrouiller pour réunir cette somme, parfois emprunter à des taux d'intérêt divers et variés. Je pense que c'est un véritable parcours du combattant que doivent accomplir les personnes concernées. C'est en ce sens qu'il me semble que le niveau de 609 euros, qui peut être renouvelé l'année suivante par 269 euros, etc., met en difficulté les personnes dont nous considérons qu'elles sont légitimes, que nous autorisons à rester dans notre pays et dont nous souhaitons bien entendu qu'elles s'intègrent. C'est un frein parce que le niveau est élevé.
Pour répondre à Sarah El Haïry sur la file d'attente des rendez-vous, bien entendu, dans le cadre de nos auditions, c'est un point que nous avons abordé. Nous avons bien pu mesurer que les préfectures s'efforcent vraiment d'agir pour de temps à autre augmenter le nombre de créneaux et trouver une organisation optimale. Nous n'avons pas creusé ce point spécifique, mais c'est une difficulté réelle. Il y a de la bonne volonté et bien entendu le souci d'apporter un service de qualité. Lorsque l'on est en juin et que l'on ne peut obtenir un rendez-vous qu'en octobre, cela pose naturellement question. Cela alourdit aussi le travail des préfectures puisqu'elles peuvent être amenées à renouveler des récépissés temporaires, en définitive. Cela alourdit tout de même là aussi la charge de travail de notre administration.
Monsieur Bricout, bien sûr, le Parlement dispose aujourd'hui d'informations insuffisantes de notre point de vue. Nous avons consulté la grille tarifaire, par exemple, de toutes ces taxes sur le site du Groupe d'information et de soutien des immigrés, mais nous ne l'avons pas trouvée sur le site d'une administration. Je crois qu'il y a matière à ce que le Parlement, et les citoyens d'ailleurs, soient mieux informés à l'avenir.