Intervention de Catherine de Salins

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 17h00
Commission des affaires sociales

Catherine de Salins, présidente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) :

Pour répondre à la question de M. Borowczyk sur l'Androcur, l'Agence a mis en place, face au risque accru, une procédure pour que patients, professionnels et médecins échangent sur la mise en oeuvre de ce protocole récent. À ce jour, je n'ai pas de retour. Si vous le souhaitez, je demanderai au directeur général de vous répondre. En revanche, je confirme que c'est un sujet d'attention, qui relève largement d'une question de pratiques.

Vous m'avez demandé si l'Agence disposait de moyens humains et financiers suffisants. Ma conclusion en forme d'interrogation n'était pas destinée à vous alerter sur un manque criant de moyens… Il s'agit plutôt, lorsque vous voterez les crédits de l'Agence, de veiller à ce qu'ils ne baissent pas trop. L'Agence s'est engagée dans une politique de modernisation, de performance, d'amélioration de son efficience, et elle ne va pas y renoncer. Ce qui est clair, c'est que, sur la question des vigilances notamment, sur laquelle vous m'avez à plusieurs fois reprise, elle doit mettre beaucoup plus de moyens dans l'articulation de ses réseaux. Il ne s'agit pas là des moyens directs de l'Agence, car même si elle les subventionne, elle n'a pas directement en charge les réseaux de vigilance, de pharmacovigilance, de matériovigilance. Il faut cependant veiller à ce que ces réseaux aient les moyens d'intervenir. C'est une question de lisibilité et de prévisibilité.

Avec un budget annuel dont on ignore ce qu'il sera demain, l'Agence prendrait presque un risque en s'engageant, notamment si la subvention qui lui est accordée l'année prochaine n'est pas en rapport avec sa politique. C'est une demande de lisibilité, de prévisions pluriannuelles. Je regrette que le contrat d'objectifs et de performance ne soit pas un contrat d'objectifs et de moyens. Il serait préférable, au regard des engagements que l'Agence prend sur l'amélioration de sa performance et sur les objectifs, que l'État s'engage sur les moyens qui seront alloués pour la réalisation de ces objectifs. C'est sur ce point que l'Agence est en attente, ainsi que sur sa capacité à bien rémunérer ses agents. Avec les règles de déontologie, la sortie de l'Agence n'est pas toujours facile. Un agent qui a travaillé ne serait-ce que trois ans à l'Agence, ne peut aller travailler dans une entreprise pour le compte de laquelle il aurait contribué à prendre des décisions. Tout cela a un prix si l'on veut que l'Agence puisse continuer à recruter des personnes compétentes.

Sur les rapports avec les autres structures qui interviennent dans le champ de la santé : le gouvernement français a fait le choix de confier le champ de la santé publique à différentes entités telles que l'ANSM, France santé publique, la HAS, la Commission de la transparence, le CEPS, la direction générale de la santé (DGS), l'Institut national du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM). À chaque fois que l'Agence est saisie d'une question qui est en rapport avec les compétences d'une autre structure, elle s'efforce de travailler avec elle, d'emblée. Le ministère de la santé porte le projet d'un campus réunissant ces différentes autorités en matière de santé. Ce sera une bonne réponse, car il n'y a rien de mieux que d'être réunis dans un même lieu pour bien travailler ensemble. Nous collaborons par exemple avec la HAS qui traite de questions voisines de celles dont l'Agence a la charge et pour lesquelles une coordination est essentielle. Le cas du CEPS est différent, car il intervient en aval et il peut arriver que la fixation du prix d'un médicament prenne du temps et retarde la mise à disposition de médicaments, y compris de médicaments innovants.

Vous avez parlé des retards de l'Agence pour la délivrance des AMM. Je ne le conteste pas, mais les produits les plus innovants ne relèvent pas de la compétence des agences nationales mais de celle de l'Agence européenne. La plupart des AMM non centralisées que délivre l'Agence concernent des génériques. Les pertes ne concernent donc pas l'innovation mais plutôt le budget, avec des génériques proposés à un prix moindre. Je m'inscris donc en faux contre la critique que vous avez formulée tout à l'heure. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une volonté ferme de l'Agence de progresser. Elle l'a fait par le biais des procédures. Elle avait un retard en matière d'essais cliniques, de modification des AMM, qu'elle a résorbé. Il n'y a pas de raison qu'elle n'y arrive pas pour les AMM initiales.

Sur la Dépakine, je répondrai brièvement car une procédure judiciaire est en cours, avec laquelle nous ne devons pas interférer. Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation selon laquelle l'Agence aurait attendu janvier 2018 pour interdire ce produit. La Dépakine n'est pas interdite. C'est un produit essentiel dans le traitement de l'épilepsie. En revanche, l'Agence – lorsqu'elle a estimé être en mesure de le faire – a adressé des recommandations ou des mises en garde sur l'utilisation de la Dépakine pour les personnes qui avaient un projet de grossesse. C'est là que se situe le problème. Ensuite, depuis 2006, 2008, 2009, l'Agence a renforcé les prescriptions en la matière. Mais là aussi tout ne relève pas de la responsabilité de l'Agence ! L'Agence a pris des décisions pour que la Dépakine ne puisse plus être prescrite que par certains professionnels de santé. Or, des enquêtes ont prouvé que cette instruction n'était pas respectée par les professionnels de santé. C'est peut-être ce qui a conduit finalement à cette interdiction, mais uniquement pour les femmes ayant des projets de grossesse.

L'Agence est consciente qu'elle doit améliorer le suivi des dispositifs médicaux au travers notamment la matériovigilance. L'Agence va mettre en oeuvre les recommandations de l'IGAS diffusées dans son rapport d'octobre 2018 de manière à sécuriser et accélérer les processus d'analyse des incidents mais aussi hiérarchiser les incidents sérieux tout en gardant une trace des autres. C'est la démarche dans laquelle l'Agence est engagée dès cette année, dans le cadre de son COP.

Concernant le travail de pédagogie auprès de nos concitoyens, la direction de la communication de l'Agence s'efforce, au travers du suivi des réseaux sociaux tels que Twitter, de voir les messages qui s'échangent. Lorsqu'elle voit que de fausses informations circulent, l'Agence intervient pour redresser les choses en veillant à être un partenaire crédible ce qui n'est pas toujours facile.

Vous avez de nouveau posé beaucoup de questions sur les ruptures de stock. C'est une vraie difficulté et l'Agence fait vraiment tout ce qu'elle peut. On se trouve dans un pays dans lequel la production, la fabrication de médicaments, leur commercialisation relèvent de la liberté – certes encadrée – du commerce et de l'industrie. Les grossistes répartiteurs, par exemple, ont une obligation de disposer de quinze jours de stock dans chacun des produits au regard des besoins et des commandes qui leur ont été passées dans les mois qui ont précédé. Ils ont l'obligation de ne pas exporter si cela risque de mettre en danger l'approvisionnement du marché national. Il y a vraiment des règles très strictes qui sont mises en place. L'Agence va continuer de réfléchir à ce sujet parce qu'une préoccupation pour elle. Garantir la sécurité d'approvisionnement est essentiel à la sécurité sanitaire de nos concitoyens et la gestion de pénurie ou de rupture d'approvisionnement représente une surcharge de travail considérable pour l'Agence. L'Agence fait tout ce qu'elle peut pour éviter ces situations et elle ne manquera pas – si ça devait passer par des mesures réglementaires ou législatives – de soutenir toute initiative qui permettrait d'améliorer les choses.

Concernant la nouvelle formule du Levothyrox, l'Agence a pris en compte les signalements d'effets indésirables, mais tous ne doivent pas revenir vers elle. Certaines questions relèvent du dialogue entre le patient et son médecin afin d'essayer de trouver, selon le cas, soit un bon dosage soit un produit de substitution.

L'Agence est de plus en plus présente au plan européen. Elle a revendiqué des dossiers, en avait obtenu quatorze en 2017 et seize en 2018. Elle compte progresser encore dans l'attribution de ces nouveaux dossiers de délivrances d'AMM centralisé, que ce soit seule ou en co-rapporteur avec d'autres États, mais aussi dans la délivrance d'avis scientifiques. La présence au plan européen représente un axe de la stratégie de l'Agence.

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