Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du lundi 8 juillet 2019 à 16h00
Accord france-luxembourg sur le renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Le projet de loi nous amène à nous interroger sur la question frontalière en Europe, question délicate puisque, malgré l'effacement des frontières, les situations au sein de l'espace Schengen sont très différentes, qu'il s'agisse de la circulation des personnes ou des échanges commerciaux ou financiers entre Européens.

Pour résoudre les problèmes de déplacement entre Luxembourgeois et Français, nos deux États ont décidé de mettre à plat diverses situations et de tenter de corriger les déséquilibres qui ne manquent pas de se créer.

C'est ainsi que quatre conventions ont été signées le 20 mars 2018 entre le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, et Édouard Philippe. Il s'agit du présent accord sur le transport transfrontalier ; d'une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale ; d'un protocole additionnel relatif à la coopération scientifique et universitaire ; et d'un accord de coopération administrative en matière de détachement des travailleurs et de la prévention du travail non déclaré ou faussement déclaré.

La signature simultanée de ces quatre accords visait à montrer que la France et le Luxembourg prenaient à bras-le-corps les problématiques transfrontalières auxquelles nos deux États sont confrontés.

Je regrette toutefois que les mêmes exigences n'aient pas prévalu pour tous les accords. Il est, en effet, des sujets sur lesquels les textes sont très ambitieux, et d'autres, sur lesquels une plus grande souplesse est admise. L'accord que nous examinons – et c'est très positif – fait partie de ceux qui ont bénéficié de moyens et de célérité parce que le Luxembourg a, semble-t-il, besoin de main-d'oeuvre et doit tout faire pour attirer des travailleurs français et allemands.

En revanche, la convention fiscale n'est pas parée de la même ambition. Elle est excessivement minimaliste et maintient de jolis trous dans la raquette du fisc français, afin de ne surtout pas fâcher le Luxembourg et sa légendaire opacité fiscale. Lors de son examen dans l'hémicycle le 14 février dernier, les députés communistes s'y sont opposés au motif que le texte ne prenait pas au sérieux le drame de l'évasion fiscale dont le Luxembourg est l'un des acteurs mondiaux.

Ces différents accords appellent une question commune : pourquoi ne pas avoir instauré une gouvernance spécifique et négocié un accord de coopération global couvrant tous ces sujets pour bénéficier d'une vision d'ensemble et résoudre toutes les difficultés en une seule fois ?

Outre le fait que tous les enjeux auraient été examinés, nous aurions disposé d'une plus grande marge de manoeuvre dans les négociations : nous aurions ainsi pu exiger plus de fermeté sur la convention fiscale en contrepartie de l'accord sur le transport transfrontalier. Peut-être la volonté politique de conclure rapidement l'accord en matière de transport a-t-elle primé sur la nécessité d'en finir avec l'évasion fiscale. Pourtant, celle-ci n'est pas sans conséquences concrètes pour nos territoires. Nous devons donc agir en faveur d'une harmonisation sociale et fiscale par le haut. L'une des conventions concerne d'ailleurs le travail détaché qui est un exemple de l'absolue nécessité de cette dernière.

Néanmoins, l'accord reste positif. Au-delà de la critique sur l'émiettement des accords, il est nécessaire d'oeuvrer à la réalisation des travaux qui faciliteront la vie de dizaines de milliers de personnes.

L'accord prévoit le financement à parité entre la France et le Luxembourg, à hauteur de 120 millions d'euros, des projets de transports sur la zone transfrontalière côté français.

Ces travaux sont destinés à favoriser la multimodalité permettant aux travailleurs de passer de leur véhicule personnel au train, au bus ou au covoiturage. Ils encourageront ainsi des mobilités plus respectueuses de l'environnement et plus confortables au quotidien pour les usagers. Nous sommes néanmoins en droit de nous interroger sur l'aménagement du territoire et la localisation des emplois.

Les flux de travailleurs transfrontaliers sont très importants et ont vocation à augmenter. Selon l'exposé des motifs, le trafic ferroviaire devrait passer d'ici à 2030 de 12 000 passagers quotidiens à 34 000, tandis que le nombre de places assises nécessaires dans les transports sera porté de 9 000 à 13 000 en 2022-2024 et de 20 000 à 22 000 en 2028-2030.

Les voies des autoroutes A31 et A31 bis seront doublées et comprendront des voies réservées aux transports en commun et au covoiturage.

Les investissements dans le transport ferroviaire seront-ils à la hauteur ? À l'instar de Clémentine Autain, je pense aux petites lignes et au maillage de notre territoire sans lequel l'efficacité des décisions que nous prenons aujourd'hui sera très limitée.

Les transports en commun seront-ils accessibles ? Nous pourrions nous inspirer de la politique de gratuité des transports publics du Luxembourg et lancer une expérimentation dans la zone transfrontalière. La gratuité est l'une des meilleures solutions pour résoudre les problèmes du déplacement de nos concitoyens et de l'écologie. Elle est en effet l'une des politiques publiques les plus novatrices et efficaces pour faciliter la vie de nos concitoyens. À Aubagne, cette expérience a été plus que concluante – il en est de même à Dunkerque et à Clermont-Ferrand.

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