Des cris d'alerte, de colère et de souffrance résonnent dans tout le pays. Les établissements de santé vont mal, les personnels sont épuisés, éreintés, à bout de souffle. Aujourd'hui, 183 services d'urgences sont en grève, depuis plusieurs mois pour certains d'entre eux. Les urgences sont un miroir grossissant du dysfonctionnement du système de santé. L'été risque d'être catastrophique, avec plusieurs pics caniculaires annoncés. Ce que réclament les syndicats et les personnels, ce sont des moyens humains et matériels supplémentaires, mais aussi la valorisation des métiers et la revalorisation des salaires.
Voilà résumée, en quelques mots, la réalité vécue au quotidien par un personnel professionnel qui tient encore debout – mais pour combien de temps ? Vos réponses, madame la ministre, consistent à renvoyer le problème à plus tard, avec un rapport sur les urgences annoncé pour l'automne : un rapport de plus, qui rejoindra ceux, couverts de poussière, que l'on empile dans les placards. Le meilleur rapport qui puisse exister, c'est l'expression même des personnels soignants. Je crois à l'intelligence syndicale, citoyenne et collective.
Vous avez confié une mission à M. le député Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi « ma santé 2022 » – et, fidèle à ses convictions, il ne pourra pas démentir ce qu'il a écrit ou co-écrit – et au professeur Carli, qui a déjà rendu des conclusions en 2013, dans un rapport dont voici un extrait : « Le problème de l'aval des urgences dépasse largement la difficulté exprimée par les urgentistes de "trouver des lits". Ce n'est pas un problème d'organisation ou une défaillance des équipes médicales d'urgence. La saturation des urgences est avant tout un problème de l'établissement de santé. Elle est le plus souvent la conséquence et non la cause d'un défaut d'organisation de l'établissement. »
En 2013, il est donc écrit noir sur blanc que le problème ne tient pas à un défaut d'organisation ; en 2019, le projet de loi que vous présentez s'intitule : « Organisation et transformation du système de santé ». Cherchez l'erreur !
Pour en revenir aux urgences, vous allez certainement me dire que vous avez débloqué 70 millions d'euros, dont 15 millions pour renforcer les effectifs là où les services sont sous tension et 55 millions pour la prime de 100 euros versée aux personnels, médecins exceptés. C'est véritablement une goutte d'eau dans l'océan, quand on sait que, pour les années 2018 et 2019, vous demandez aux établissements de santé de se serrer la ceinture en consentant un effort de 2,5 milliards, alors que la population et l'espérance de vie continuent de progresser en France. Plus d'humains, plus de vies à soigner, mais moins d'argent de l'État : nul besoin d'être mathématicien pour connaître les résultats d'avance. Cela ne peut pas fonctionner.
Vous avez dit et répété, madame la ministre, que vous connaissiez la situation. Le 12 janvier 2018, sur Europe 1, vous avez même déclaré : « Stop à l'hôpital entreprise, à la pression administrative, aux pressions budgétaires. » Vous avez raison : l'hôpital ne doit pas être géré comme une entreprise. Il faut redonner la priorité aux humains.
Quand on parle de vies humaines, on ne devrait pas parler de rapports, de plans, de chiffres, de pourcentages et de théories à long terme. Aujourd'hui, dans les hôpitaux, on entend résonner la souffrance et la colère face à l'absence de réponse. Ce qu'il faut, c'est « ma santé 2019 », non « ma santé 2022 » ! C'est tout de suite qu'il faut agir !
Depuis plusieurs mois, les parlementaires communistes ont déposé une proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur toutes les fermetures de services et de lits dans les hôpitaux. Nous vous suggérons de sortir ce texte des tiroirs pour l'inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée.
Vous l'avez compris, madame la ministre, et je l'ai d'ailleurs répété assez souvent dans les médias dernièrement, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre le projet de loi.