Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation et transformation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Il nous a en effet semblé que ce texte était à des années-lumière de résoudre la situation catastrophique de l'accès aux soins et des hôpitaux, tout particulièrement celle des services d'urgences. C'est d'ailleurs cette situation qui nous a été rappelée par les revendications des gilets jaunes. Elles restent d'actualité. Les performances de notre système de santé sont inégales et une remise en question s'impose.

Madame la ministre, notre système de santé a besoin d'une véritable réanimation. Il peine à répondre aux défis toujours plus nombreux de la qualité inégale, du désenchantement des professionnels et de l'hôpital, de l'érosion de la place de la France dans le classement international de l'innovation biomédicale, de la démographie médicale territoriale en panne… Cela dit, je le sais : vous n'avez pas de baguette magique qui vous permettrait de régler l'ensemble des problèmes du jour au lendemain. Rien n'explique en revanche pourquoi deux années auront été nécessaires pour rédiger un texte dont les principales mesures seront finalement prises par ordonnance ou par décret.

Légiférer par ordonnances pour une transformation du système de santé peut sembler précipité. Si l'on s'en tient à la période récente, c'est bien la première fois que de telles habilitations sont introduites dans un projet de loi de réforme du système de santé. Je pense aux textes dont nous avons débattu lors des trois précédentes législatures, soit quatre réformes de la santé depuis une quinzaine d'années. Cette méthode prive le Parlement d'un débat global.

C'est cette méthode que nous contestons, car ces habilitations s'appliquent à des sujets d'importance, qu'il s'agisse des hôpitaux de proximité, des PTS – projets de santé territoriaux – ou des commissions médicales d'établissement dans les groupements hospitaliers de territoire. Une fois de plus, nous assistons à une belle démonstration de la vision technocratique issue du ministère, et à une contraction de la concertation ainsi que du contenu et de la durée des débats.

Plutôt que de respecter une gouvernance claire qui inclurait le corps médical et les citoyens et s'appuierait sur un cadre selon les besoins des territoires, vous plaquez des modèles administratifs dignes de l'inefficacité des méthodes employées depuis des années.

Toutefois, on peut noter que certains points qui faisaient jusqu'alors objet d'un blocage ont fini par évoluer dans le bon sens. Je pense aux précisions apportées sur les missions des hôpitaux de proximité, aux projets de santé territoriaux, ou à l'organisation des communautés professionnelles territoriales de santé, à l'égard desquelles le rôle des agences régionales de santé a été revu.

Nous avons été favorables, sous certaines conditions, à l'augmentation du numerus clausus, qui a déjà été largement augmenté depuis quinze ans, ainsi qu'à la suppression des épreuves classantes nationales, que nous aurions voulu régionaliser. Le Sénat a surtout clairement mis l'accent sur les besoins des territoires, ce qui nous agrée, avec une boîte à outils qui comporte la pratique des délégations de tâches pour les professionnels de santé : médecins, pharmaciens et infirmières.

Si le renforcement du rôle des élus locaux dans le pilotage territorial de la santé était bien notre ambition, il est regrettable, comme l'a souligné notre collègue Gilles Lurton, que l'idée que nous soutenions du renforcement de la présence des parlementaires au sein du conseil de surveillance des agences régionales de santé n'ait pas été soutenue. De fait, en raison des effets de la loi prohibant le cumul des mandats, les parlementaires sont aujourd'hui totalement isolés.

L'ambition de la lutte contre les déserts médicaux s'est finalement réduite à généraliser la possibilité pour les étudiants en dernière année de troisième cycle d'internat d'exercer de façon autonome dans les territoires pour six mois sous tutorat d'un médecin référent.

La création d'une plateforme de données de santé, en remplacement de l'ancien Institut national des données de santé, et la création de l'espace numérique de santé de chaque citoyen ainsi que le DMP sont bienvenus, à condition de se prémunir des risques de piratage et de marchandisation. La télémédecine, à laquelle je suis très attaché, qui permet de résoudre certaines difficultés d'accès à un praticien, se trouve renforcée.

Il reste encore quelques points négatifs ou totalement absents de ce projet de loi. Je pense à l'absence de vision stratégique de la prévention et de l'innovation, ou au manque de propositions sur le statut des centres hospitaliers universitaires. Une réflexion doit aussi être menée à son terme pour l'intégration des PADHUE, qui se trouvent être les oubliés de ce texte. Ils nous contactent chaque jour pour nous rappeler que leur situation n'est pas régularisée.

En conclusion, ce projet de loi ne peut à lui seul répondre à la crise que traverse notre système de soins. Néanmoins, les modifications apportées par les sénateurs, après le compromis auquel est parvenue la commission mixte paritaire, apportent certaines réponses aux demandes des territoires. Aussi, malgré nos critiques et les insuffisances de votre projet de loi, madame la ministre, je propose à mes collègues du groupe Les Républicains de voter en faveur du texte adopté par la commission mixte paritaire.

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