Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation et transformation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Ce projet de loi, qui devait conduire à une transformation totale de notre système de santé par une vaste opération d'urgence visant à en guérir les maladies chroniques, ne relève finalement que de la petite chirurgie – certains diront même esthétique. Car face à la situation de crise monumentale que connaissent nos hôpitaux, nos urgences et nos maternités, et face à la désertification médicale qui ne cesse de s'accentuer, le Gouvernement et la majorité nous proposent la politique des petits pas : un petit pas vers la réduction de la tarification à l'activité, un petit pas vers l'organisation territoriale des soins, un autre vers de nouveaux hôpitaux dits de proximité.

Certaines mesures sont intéressantes, mais largement insuffisantes. Ainsi, le développement de la télémédecine et la réforme du numerus clausus vont dans le bon sens, mais si la première peut être utile dans certains cas, notamment pour faciliter les échanges entre professionnels et les consultations avec certains spécialistes, ne remplacera jamais la présence du médecin généraliste, et la fin du numerus clausus ne portera ses fruits que dans une bonne dizaine d'années et restera inutile si rien n'est fait concernant la répartition territoriale des médecins. Nous, le groupe Socialistes et apparentés, avions présenté en janvier dernier une proposition de loi contre la désertification médicale, mais votre majorité a rejeté les mesures de régulation de l'installation des médecins, malgré le soutien de nombreux autres groupes. Or il y a urgence à agir face à la désertification médicale, car un territoire sans accès à une offre de soins convenable est un territoire mourant. Le texte issu de la CMP prévoit certes un stage obligatoire en pratique ambulatoire, prioritairement dans les zones déficitaires : nous serons particulièrement vigilants quant à la mise en oeuvre de cette mesure, car pour être efficace, elle devra s'accompagner d'un développement massif des formations de maître de stage des universités dans les zones sous-denses.

Le projet de loi prévoit désormais que la convention nationale entre l'ordre des médecins et l'assurance maladie implique une négociation sur la contribution des médecins à la réduction des inégalités territoriales en matière d'accès aux soins. Nous espérons que l'inclusion de la notion d'inégalités territoriales dans le cadre d'une convention nationale constituera une première étape vers un conventionnement sélectif, sur le modèle de ce que nous avions préconisé dans notre proposition de loi.

Nous estimons que la labellisation des hôpitaux de proximité est une opération de communication, car un dispositif dédié aux hôpitaux de proximité et ouvrant droit à des modalités de financement adaptées existe déjà depuis 2016. Où se trouve donc la vraie nouveauté ? Nos concitoyens ne veulent pas un nouveau label : ils veulent mettre un coup d'arrêt aux fermetures de services hospitaliers. Quand l'ARS décide unilatéralement de la fermeture d'une maternité, on entend toujours l'argument de l'insuffisance de la qualité des soins, mais la fermeture d'un service hospitalier serait-elle en soi synonyme de l'amélioration des soins ? À Die, dans la Drôme, c'est le troisième bébé qui naît au bord de la route depuis la fermeture de la maternité ! Ne vaudrait-il pas mieux améliorer la qualité des soins de proximité en mobilisant des moyens supplémentaires plutôt que d'obliger des femmes à faire une dizaine de kilomètres de plus, quitte à ce qu'elles accouchent dans leur voiture ? En vingt ans, nous avons déjà perdu la moitié de nos maternités. Il faut arrêter cette hémorragie dans nos territoires. Une grande partie de la réponse face à l'inquiétude grandissante de nos concitoyens, tant en matière de santé que pour l'ensemble des services publics, c'est de la proximité et de l'humain. Oui, la réponse viendra des territoires… à condition que les moyens suivent, ce qui n'est pas le cas.

Au bout de deux ans et demi, nous ne pouvons plus faire confiance au regard du décalage grandissant entre la communication et la réalité des actions du Gouvernement. Et sur cette question de la proximité, comme sur beaucoup d'autres, nous n'avions pas trouvé de réponse dans le projet de loi initial du Gouvernement. Le texte continue finalement à souffrir d'un manque de politique globale, celle-ci constituant la seule réponse à des difficultés d'accès aux soins qui sont liées entre elles. Malgré de longues discussions au sein de cet hémicycle et au Sénat, l'examen parlementaire de ce texte et l'accord trouvé entre votre majorité et la droite sénatoriale n'auront pas permis d'apporter des réponses à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Pour cette raison, les députés socialistes et apparentés voteront contre ce projet de loi.

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