Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation des communes nouvelles — Présentation

Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales :

Entrons à présent dans le détail de ce texte. Tout d'abord, plusieurs de ses dispositions auront des effets très concrets dès les prochaines élections municipales. Je pense à l'article 1er, qui porte sur la composition du conseil municipal. L'objectif est simple : permettre aux communes nouvelles qui regroupent beaucoup de communes mais dont la population est relativement faible d'être mieux représentées.

Actuellement, au cours de la période transitoire, c'est-à-dire entre le premier et le second renouvellement, le conseil municipal est composé d'un nombre d'élus correspondant à celui de la strate démographique supérieure.

Or, dans certains cas, ce calcul a pour conséquence une chute considérable du nombre de conseillers municipaux. Prenons, pour nous en convaincre, l'exemple de Livarot-Pays d'Auge, dans le Calvados : 22 communes fusionnées, une population totale de 6 552 habitants, 234 conseillers municipaux au début du processus contre 33 seulement après le premier renouvellement du conseil.

Le Sénat a proposé que le nombre de conseillers municipaux puisse, lorsque c'est plus avantageux, être équivalent au tiers des élus du conseil municipal de la commune nouvelle. Dans l'exemple de Livarot-Pays-d'Auge, on compterait ainsi 78 élus au lieu de 33.

En commission des lois de l'Assemblée, vous avez utilement enrichi ces dispositions en prévoyant que cette règle du tiers ne s'applique pas au conseil municipal sortant, mais à l'ensemble des conseillers municipaux initiaux. Vous avez également instauré un plafond global de 69 élus, afin d'éviter les assemblées pléthoriques.

Grâce à cette nouvelle règle, le nombre de conseillers municipaux dans la commune nouvelle de Vexin-sur-Epte, par exemple, connaîtrait une augmentation, passant de 49 élus à 57, soit le tiers de l'effectif de 2014. Cette demande, issue du terrain, a été formulée par de nombreux élus.

Je le rappelle : si nous acceptons ces dispositions, c'est précisément parce qu'elles sont transitoires, pour faciliter par la suite l'application du droit commun. Elles doivent donc demeurer transitoires au nom d'une nécessaire souplesse.

Je pense ensuite à l'article 2 relatif à la création d'un collège de maires. Cet article a beaucoup évolué au gré des débats parlementaires. Le texte initial prévoyait l'instauration d'une commission permanente, ce qui a suscité des débats juridiques longs mais justifiés. Le Sénat avait choisi de remplacer cette commission par un collège de maires doté de pouvoirs pouvant lui être délégués par le conseil municipal. Au Sénat, j'avais affirmé que la navette parlementaire nous laisserait du temps pour réfléchir à un autre dispositif.

Vous présenterez tout à l'heure, madame la rapporteure et monsieur le député Rebeyrotte, un amendement réécrivant l'article 2 afin de s'appuyer sur les conférences de maires, de les renforcer et de leur donner davantage de visibilité. Le renforcement de la conférence des maires, qui permettrait d'associer tous les maires délégués au processus de décision sans priver le maire de ses pouvoirs propres, constitue à mes yeux un bon équilibre. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

S'agissant toujours des effets immédiats du texte, je pense également à l'article 3 qui traite de la complétude du conseil municipal. Cet article a le mérite de sécuriser le processus de création d'une commune nouvelle en évitant que la démission d'un conseiller municipal qui interviendrait entre l'arrêté de création et la nomination du maire de la commune nouvelle ébranle le projet dans son ensemble. Il permet également d'éviter qu'un élu isolé prenne éventuellement en otage un projet porté par une très forte majorité. Il s'agit là encore d'une mesure de terrain, pleine de bon sens.

Je songe enfin à l'article 5 portant sur la place des maires délégués dans l'ordre protocolaire du tableau. Cette mesure symbolique, mais d'importance, permettra aux maires délégués d'apparaître avant les adjoints dans l'ordre du tableau.

Ensuite, plusieurs dispositions donnent davantage de prévisibilité aux élus désireux de créer des communes nouvelles.

Il s'agit d'abord des articles 4 bis et 4 ter. La création d'une commune nouvelle n'est pas une décision anodine : elle peut avoir des conséquences en matière de fiscalité, de dotations, d'endettement, d'effectif… Or, comme le dit l'adage, un homme averti en vaut deux. Ces deux articles rendent ainsi obligatoire la présentation d'études d'impact avant que les conseils municipaux ne délibèrent ou que la population ne soit consultée.

J'en profite pour souligner que le projet de loi Engagement et proximité comprendra une disposition analogue pour les changements d'EPCI – établissements publics de coopération intercommunale : dans ce cas également, une commune doit connaître les conséquences, pour elle comme pour les autres, avant de s'engager.

Par ailleurs, l'article 6, qui porte sur les seuils, apporte de la souplesse. Lors de la création d'une commune nouvelle, des seuils prévus par la loi ou le règlement peuvent être franchis, ce qui implique parfois de nouvelles contraintes. Après une phase de concertation avec les différentes parties prenantes et un examen approfondi des dispositions, la commission des lois de l'Assemblée nationale a décidé de limiter cet article à la création de sites cinéraires et de centres médico-sociaux scolaires ainsi qu'à l'obligation de publier des bilans sur les émissions de gaz à effet de serre.

S'agissant de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – loi SRU – , et après échange avec le ministre chargé de la ville et du logement Julien Denormandie, je peux affirmer que l'objectif initialement recherché dans le texte est satisfait.

Troisièmement, cette proposition de loi confère beaucoup plus de souplesse aux communes nouvelles et leur permet de s'organiser plus librement, par exemple grâce aux articles 7 et 10 concernant les suppressions d'annexes de mairies et de communes déléguées. Dans la mesure où il ne semble pas pertinent de figer dans la durée les annexes de mairie ou les communes déléguées, ces deux articles permettent au conseil municipal de la commune nouvelle, avec l'accord du maire délégué et éventuellement du conseil de la commune déléguée, de supprimer tout ou partie des communes déléguées ou des annexes. Cette mesure de souplesse et de liberté me semble bienvenue.

En outre, tous les conseils municipaux doivent-ils nécessairement avoir lieu au sein de la mairie centrale ? Je ne le crois pas. C'est pourquoi l'article 11 permet l'organisation de conseils municipaux dans les annexes de communes déléguées, avec une condition que j'avais mentionnée en séance publique au Sénat : celle d'informer la population quinze jours au préalable, car le conseil municipal doit rester un lieu libre, ouvert au public. La commission des lois a précisé ce point.

Je ne serais évidemment pas complet si je ne faisais pas un point précis sur le dispositif de commune-communauté, créé par l'article 4. Cet article constitue clairement un changement de paradigme, nous devons en avoir conscience, dès lors qu'il permet à une commune nouvelle constituée à l'échelle de son EPCI d'exercer aussi bien les compétences communales que les compétences intercommunales. Si ce dispositif existe déjà dans certains territoires, notamment insulaires, où les communes n'appartiennent à aucune intercommunalité, il constituerait une nouveauté sur le continent.

Nous ne devons pas avoir peur par principe de l'innovation territoriale, si elle répond au besoin légitime d'un territoire et de sa population tout en défendant, bien évidemment, l'intérêt général. La navette entre le Sénat et l'Assemblée nationale et les nombreux échanges qui ont eu lieu avec le Gouvernement ont permis de parvenir à une rédaction qui comprend plusieurs garde-fous. J'en mentionnerai deux.

Le premier est la protection des EPCI : la commune-communauté ne doit pas les détricoter.

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