Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Séance en hémicycle du mercredi 10 juillet 2019 à 15h00
Organisation des communes nouvelles — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi avait été déposée par notre collègue sénatrice d'Ille-et-Vilaine Françoise Gatel et des membres des groupes de l'Union centriste et Les Républicains, et rapportée par Agnès Canayer, sénatrice de Seine-Maritime. Elle a été adoptée par le Sénat le 11 décembre 2018. Elle a pour objet d'accompagner et d'encourager l'essor des communes nouvelles dans notre organisation territoriale, afin de participer au processus de modernisation de l'institution communale, qui mérite d'être conforté et facilité.

Pour répondre à l'émiettement communal dans un pays qui a longtemps compté plus de 36 000 communes, le législateur a mis en place deux outils : la coopération intercommunale et le regroupement dans des communes nouvelles.

Le regroupement de communes a été engagé, comme l'a indiqué M. le ministre, par la loi Marcellin de 1971, qui a permis la fusion des communes, avec un succès assez limité. C'est la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, complétée par la loi de 2015 dite loi Pélissard et Pires Beaune, qui a créé le régime actuel des communes nouvelles, dans le but de lancer une dynamique.

Depuis 2010, ce sont 2 508 communes qui se sont ainsi regroupées au sein de 774 communes nouvelles. Le phénomène touche désormais tous les territoires, ruraux et urbains, avec toutefois une nette prédominance pour le quart nord-ouest de la France. Dans mon département de Maine-et-Loire, cette dynamique est très forte.

La réussite des communes nouvelles sur ce territoire et le succès des fusions des communes nouvelles dépendent principalement de la volonté des élus locaux et des citoyens de travailler ensemble sur un même bassin de vie. Ma circonscription en est l'exemple : les élus locaux, en collaboration avec les citoyens, ont su mettre en place divers modèles d'innovation démocratique, concernant autant l'élaboration des projets de territoire que l'installation de conseils citoyens, et ce avec des démographies et de configurations différentes.

La population des communes nouvelles ainsi créées s'échelonne de quelques centaines à près de 130 000 habitants, à Annecy par exemple. La grande majorité de ces communes nouvelles est issue de la fusion de deux ou trois communes, mais on rencontre aussi des cas allant jusqu'à quinze ou vingt communes. Dans les Mauges, sur mon territoire, six communes nouvelles sont composées de deux à onze communes historiques.

Il nous appartient d'encourager ce phénomène, car la création d'une commune nouvelle, lorsqu'elle répond à une volonté locale, permet de fédérer des énergies autour de projets structurants et de rendre son dynamisme à la commune, cet échelon de proximité auquel nous sommes tous très attachés.

Cette proposition de loi entend lever certains freins à la constitution de communes nouvelles en apportant, quand cela s'avère nécessaire, de la souplesse supplémentaire à leur régime.

L'article 1er a pour objet de rendre plus progressive la diminution du nombre de conseillers municipaux des communes nouvelles. Après une fusion, le conseil municipal est généralement composé de l'addition de l'ensemble des conseillers municipaux – soit parfois 150 à 200 conseillers, voire plus. Dès le renouvellement suivant, ce nombre chute, en fonction de la taille de la commune, de 50 à 70 %, pour revenir ensuite dans le droit commun. Cela pose des problèmes de représentativité pour les communes déléguées les plus petites, qui voient leurs représentants disparaître.

L'article 1er augmente donc sensiblement la taille de l'effectif transitoire du conseil municipal lors du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. Nous avons adopté en commission des lois, la semaine dernière, un amendement encadrant plus précisément la taille de cet effectif transitoire tel qu'il avait été adopté par le Sénat. Le nombre de conseillers municipaux a ainsi été plafonné à 69, afin de lutter contre les conseils municipaux pléthoriques. Cette dégressivité constitue la demande première des élus locaux.

L'article 2 a pour objet de permettre au conseil municipal, durant la période qui suit la création de la commune nouvelle et jusqu'à son premier renouvellement, de déléguer à un collège restreint certaines de ses compétences. L'objectif est de pallier les problèmes de gouvernance engendrés par la constitution d'un conseil à l'effectif pléthorique.

Nous avons supprimé cet article en commission, car il nous semblait aller trop loin en matière de délégation de compétences et risquait d'exclure un grand nombre de conseillers municipaux des processus de décision. Nous vous proposerons de le rétablir sous une forme plus souple, celle d'une conférence du maire et des maires délégués. Cette instance aura pour objet de leur donner un espace d'échange et de coordination.

L'article 4 veut dispenser une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d'une intercommunalité de l'obligation de se rattacher à un autre EPCI. Par définition, la commune nouvelle issue de cette fusion dispose de la taille suffisante pour assumer elle-même les compétences habituellement transférées au niveau intercommunal, et son périmètre est déjà censé être adapté à la carte des bassins de vie et des unités urbaines. Dispenser une telle commune de l'obligation de rejoindre une nouvelle intercommunalité est donc moins une entorse au principe de coopération que la reconnaissance de la fusion de communes comme aboutissement de la coopération intercommunale.

L'article 4 me semble donc aller dans le bon sens, et est soutenu par de nombreuses associations d'élus locaux. En commission, nous avons adopté un amendement de clarification qui prévoit, pour la création d'une telle commune, le recueil d'une majorité renforcée des deux tiers, représentant les deux tiers de la population. Il s'agit de s'assurer que la commune nouvelle se prononce en connaissance de cause sur son non-rattachement à l'EPCI.

L'article 6 prévoit de ne soumettre certaines communes nouvelles, pendant une période de trois ans suivant leur création, qu'à certaines des obligations prévues par la loi, en raison de leur taille, afin de lisser les effets de seuil résultant de leur création. En commission, nous avons exclu quelques obligations du champ de ces dérogations.

Quant aux autres dispositions de la proposition de loi, elles visent essentiellement à accorder davantage de souplesse au régime actuel des communes nouvelles, et à conserver ainsi le lien de proximité avec les communes historiques : entre autres, donner la possibilité de conserver au choix une ou plusieurs communes déléguées plutôt que toutes ou aucune ; selon le même schéma, conserver une ou plusieurs mairies annexes plutôt que toutes ou aucune ; tenir quelques réunions de conseil municipal dans une commune déléguée plutôt qu'au seul siège de la commune nouvelle.

Voilà, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi. Il ne s'agit pas de réécrire tout le régime des communes nouvelles ni de le réformer, mais de faciliter simplement sa mise en oeuvre et de donner l'autonomie nécessaire aux maires, aux maires délégués et aux conseillers municipaux. Les communes nouvelles ne se font pas contre les communes, mais bien à partir de la volonté communale de travailler ensemble, de s'associer et de fédérer des projets de territoire.

Cette proposition de loi recueillera, je l'espère, un large assentiment de votre part, comme cela a été le cas en commission des lois la semaine dernière.

Avant d'entamer l'étude de ce texte, je tiens à saluer le travail de coconstruction que nous avons mené avec le Sénat et je remercie les sénatrices, le ministre et son cabinet, le responsable du texte, la rapporteure pour avis, l'administrateur et les collaborateurs pour leur investissement et leur accompagnement. Je vous remercie et vous invite à l'étude de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.