L'échelon communal est multiple et divers. On compte en France 34 968 communes, qui sont juridiquement identiques mais, en réalité, fort différentes – et on en a connu jusqu'à 38 076 !
La mise en place des communes nouvelles a permis de revivifier cet échelon territorial en mutualisant les forces. Si cette idée de regroupement n'est pas nouvelle, puisqu'elle a été initiée en 1971 par la loi dite Marcellin – qui n'a pas été un franc succès – , des progrès devaient être faits pour passer de l'idée à l'effectivité. Finalement, le nouveau régime des communes nouvelles, issu de la loi Pélissard-Pires Beaune, en 2015, a connu un certain succès : 775 communes nouvelles ont été créées, regroupant près de 2 532 communes et 4 millions d'habitants.
Ce succès est dû en grande partie au fait que les communes nouvelles voient le jour sur la base du volontariat. Une large place est laissée à l'initiative des élus locaux, contrairement à ce qui se passerait en cas de regroupements forcés. De nombreux élus ont d'ailleurs adhéré à ce dispositif qui permet de redonner toute leur vitalité aux communes, échelon de proximité des services publics et de démocratie locale. C'est là un point sur lequel nous devons rester vigilants.
Pour les élus municipaux, la création d'une commune nouvelle est également le moyen de retrouver des marges de manoeuvre, notamment financières, à la suite de la baisse des dotations de l'État depuis 2013.
Cependant, certains écueils existent. En effet, le mouvement de création semble un peu stagner et la répartition des communes nouvelles sur le territoire est très disparate selon les régions : si elles sont nombreuses dans le quart nord-ouest du pays – Calvados, Eure, Maine-et-Loire, Manche – , on en trouve peu dans la couronne parisienne et les DOM, ou départements d'outre-mer, très peu en PACA, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et dix-huit départements n'en sont pas dotés.
Prenant en compte ces difficultés, un rapport d'information du Sénat, issu de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de la réforme territoriale de 2018, a formulé plusieurs recommandations visant à faire évoluer le régime des communes nouvelles afin de lever les obstacles à leur création.
La proposition de loi, provenant, sous la plume de Françoise Gatel, du groupe Union centriste du Sénat et dont nous discutons aujourd'hui, en est le fruit. Elle permet en effet de redynamiser la constitution des communes nouvelles en offrant plus de facilités à ces dernières, avec par exemple la modification du mode de gouvernance, la mise en place d'une période transitoire plus souple, ou en proposant les nouvelles communes-communautés.
Cette proposition de loi qui, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, est une co-production de l'Assemblée nationale et du Sénat, va donc dans le bon sens. Si la formule magique permettant de rationaliser les plus petites communes et d'éviter l'émiettement territorial n'a pas encore été définitivement trouvée, il est toujours opportun d'oeuvrer en ce sens.
Je voudrais cependant insister sur plusieurs points.
Tout d'abord, quid des incitations financières pour les communes nouvelles naissant depuis le 1er janvier 2019 ? Si l'aspect financier ne doit pas être la raison du regroupement des communes, il est indispensable dans une logique de rationalisation. Monsieur le ministre, vous avez apporté quelques précisions en la matière, mais peut-on espérer que les incitations financières seront pérennisées pour les communes nouvelles dans les années à venir ? Dans les territoires ruraux, en effet, un sou est un sou et il s'agit là d'une demande récurrente.
Ensuite, les communes nouvelles doivent faire l'objet d'un consensus global – entre les élus, ce qui est actuellement le cas, mais aussi avec la population. Il me paraît indispensable que les citoyens soient informés au préalable de la création d'une commune nouvelle qui les concerne. J'ai donc déposé des amendements visant à ce que la population puisse être consultée, mais ils ont malheureusement été déclarés irrecevables. Pourtant, à la suite du grand débat et compte tenu de la demande non équivoque de nos concitoyens d'être plus associés aux politiques menées, ce débat aurait dû avoir lieu. Cela est particulièrement justifié, car le processus de fusion des communes induit des changements importants, ne serait-ce que dans le rapport que l'on entretient avec l'identité du lieu où l'on habite.
Au vu de ces éléments, j'ai tout de même souhaité déposer pour la séance publique des amendements prenant la forme de demandes de rapports, afin de relancer la discussion. Je pourrai, monsieur le ministre, retirer ces amendements en fonction de ce que vous me direz. Je le dis aujourd'hui devant la représentation nationale, car je constate quelques crispations dans mon département de la Lozère, où des conflits apparaissent déjà entre élus d'une même commune nouvelle, allant jusqu'à des recours devant les juridictions administratives. Dans l'un de ces cas, la population n'a pas été informée et elle conteste l'arrêté de création. Dans un deuxième cas, une commune déléguée estime être mal traitée par la commune nouvelle et demande à défusionner. Si ce mouvement devait s'amplifier, l'image de la commune nouvelle en serait ternie.
Par ailleurs, une question reste en suspens : pour les prochaines élections de 2020, il est possible que certaines communes déléguées ne soient pas représentées sur les listes. Il est pourtant primordial de conserver la représentativité de toutes les communes. Je souhaiterais que le Gouvernement soit attentif à ce problème.
Enfin, le nouveau statut de commune-communauté ne devra pas donner naissance à de nouveaux travers de complexification. Les modifications de l'article 4 adoptées en commission sont les bienvenues sur ce point, afin de préciser que, sauf dispositions contraires, une commune-communauté et son maire disposent des mêmes prérogatives et sont soumis aux mêmes obligations que celles que la loi attribue ou assigne directement aux EPCI à fiscalité propre et à leurs présidents.
Les communes nouvelles sont une forme d'intercommunalité à propos de laquelle plusieurs questions se posent. Quelle sera la répartition des dépenses de fonctionnement et d'investissement ? Va-t-on devoir repenser tout le fonctionnement des intercommunalités ? En effet, des communes plus fortes sont en mesure d'exercer elles-mêmes des compétences qui, ailleurs, sont transférées au niveau intercommunal. Quid de la DGF de ces nouvelles structures ?
Pour conclure, notre groupe UDI et indépendants votera ce texte, qui contient des ajustements bienvenus, tout en espérant obtenir quelques réponses sur les problèmes que je viens de soulever.