Je ferai trois observations sur cette proposition de loi.
Premièrement, le mouvement communal remonte sinon au néolithique, en tout cas au Xe ou XIe siècle. La commune est l'expression du besoin de s'associer pour gérer de façon cohérente des intérêts communs. Elle correspond à la nature profonde de l'humanité. Elle ne résulte pas d'un découpage administratif, contrairement aux départements ou, pour citer un exemple plus récent, aux régions. Elle est avant tout une communauté de vie, une histoire entre les femmes et les hommes et un territoire. La commune revêt une dimension patrimoniale et possède une identité démocratique par essence différente de toute autre entité administrative. Elle exige donc qu'on conçoive les dispositifs qui lui sont destinés avec ménagement et en tenant compte du fait qu'avant d'être une structure administrative, elle représente un lieu de vie.
La loi dite Marcellin du 16 juillet 1971, qui créa un traumatisme en prévoyant un regroupement autoritaire des communes, fut un échec parce qu'elle a ignoré cette réalité. Depuis, les lois de 2010 et surtout du 16 mars 2015 ont offert des perspectives intéressantes aux communes qui souhaitaient se regrouper. C'est désormais dans le cadre d'une démarche volontaire, pour aller au bout des logiques de mutualisation ou dépasser les fractures territoriales, tout en conservant les liens de proximité, l'histoire et l'identité des communes fondatrices, que cette voie est ouverte aux collectivités. Pour elles, un tel rapprochement relève de l'évidence.
Dans un contexte où les populations voient la fracture territoriale s'aggraver, des écoles fermer et des services publics s'éloigner ou se dématérialiser, nous devons appréhender ce texte non pas comme une démarche technocratique mais comme la garantie d'obtenir plus de services publics de proximité,avec une prestation de qualité supérieure. C'est à l'aune de cette exigence que, me semble-t-il, nous devons légiférer.
Deuxièmement, la création de la commune-communauté, qui se substitue à l'EPCI existant, est une hypothèse de configuration intéressante. Elle ajoute cependant de la complexité à un système d'organisation territoriale qui, dans son ensemble, n'est pas simple. Certes, il n'est nul besoin de connaître le principe d'Archimède pour nager, mais gardons tout de même à l'esprit la nécessaire lisibilité des dispositifs que nous décidons.
Sur ce point, des améliorations et des précisions concernant la commune-communauté doivent être apportées. D'ailleurs, le statut particulier de la métropole de Lyon, madame la présidente de la commission des lois, vient par exemple de faire l'objet d'un correctif en raison d'une lacune juridique de taille, puisque les conseillers communautaires étaient exclus de la compétence de vote pour les élections sénatoriales. Gravissime ! Ainsi, même l'administration la plus compétente se perd dans ses cheminements complexes, ne l'oublions pas.
S'agissant du volontariat, veillons à ce que les dispositifs financiers ne trahissent pas cette belle idée en asséchant les ressources propres des communes et en proposant en cas de regroupement des avantages financiers tels que beaucoup d'élus ne pourraient que les accepter. Vous devez nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre. Mais on ne peut pas dire qu'on aime les communes et en même temps organiser leur disparition – si j'en crois les propos tenus tout à l'heure par Stéphane Peu.
Troisièmement, le citoyen doit être au coeur de nos préoccupations – beaucoup de députés ont évoqué ce point à la tribune. Les questions d'existence, de disparition ou de regroupement de communes doivent être abordées avec les citoyens, constitutifs de cette communauté de vie qu'on propose de changer. Le premier gage de réussite d'une commune nouvelle est, sans conteste, une appropriation du projet par les habitants directement concernés. Pour parler comme Tocqueville, la commune est à la démocratie ce que l'école est à la science.
Sur le sujet qui nous occupe, la consultation citoyenne, mesure législative inscrite en 2010 au sein du code général des collectivités territoriales, ne s'impose qu'en cas de désaccord entre les communes. Je trouve regrettable, du point de vue de la démocratie locale, que cette consultation ne soit pas davantage encouragée par la loi. Il ne s'agit pas d'alourdir la procédure, ni de donner à cette consultation et à son résultat un caractère impératif, mais de donner des clés de réussite aux élus locaux. Cette réussite, je parle d'expérience, réside dans la discussion avec la population.
L'article 40 nous a empêchés de déposer des amendements en cette matière. D'une façon générale, il est donc impossible, pour un parlementaire, de proposer un dispositif de consultation des électeurs, quel que soit le sujet. Pourtant, il s'agit ici de démocratie locale, et nous sommes les premiers à en ressentir la nécessité sur le terrain. En tant qu'élus nationaux, nous devons aussi être les premiers à en garantir l'effectivité. Dans un contexte où les demandes démocratiques sont de plus en plus fortes, l'article 40 semble ici obsolète.