Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 17h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

J'ai été choqué par les propos de notre collègue Dumont, marqués semble-t-il du sceau d'une lecture partisane et quelque peu abusive. Mais sans doute ce jugement faussé est-il imputable à une panne électorale !

Il a toujours été évident que le choix de Strasbourg était une bonne chose pour l'Union européenne ; ceux qui le contestaient étaient les mêmes qui mettaient en cause la nécessité et la beauté de la réconciliation franco-allemande. Strasbourg est une ville qui réconcilie les vertus et les styles de la France et de l'Allemagne, alors que Bruxelles, bien que ville de grande qualité, a donné son nom à la « bruxellisation » – la destruction d'un tissu urbain par ses habitants – et pourrait servir de contre-modèle d'écologie urbaine. Quelles que soient les grandes qualités des Belges, nous devons défendre Strasbourg.

La Présidente de la CDU a mis de l'eau dans son vin après avoir tenu des propos désobligeants, mais elle a commis une double erreur en concluant que c'était au Parlement qu'il revenait de voter pour ou contre Strasbourg et en affirmant que les parlementaires emporteraient la décision. Ces deux affirmations sont fausses. Cela fait trente ans qu'une partie des députés européens sont hostiles à Strasbourg, pour de strictes raisons de commodité – certains possèdent, par exemple, un appartement à Bruxelles. Ce n'est pas à une assemblée parlementaire de déterminer l'endroit où elle siège, cela relève de l'ordre constitutionnel, donc du Traité. Je voudrais que sur ce sujet, vous nous donniez des assurances, madame la ministre car c'est une certaine idée de l'Europe qui est en jeu : celle d'une Europe exigeante, politique et pas simplement d'un hub aéroportuaire.

Lorsqu'en 2014, François Hollande a soutenu l'idée du Spitzenkandidat – l'Institut Jacques Delors, club auquel j'appartiens, l'avait émise dès 1998 –, j'ai expliqué sur une page entière du Monde pourquoi il s'agissait d'un système idiot. La raison est simple : on ne fait pas un système majoritaire à un tour, quand l'écart des voix peut être minime. Au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, Lionel Jospin, Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen étaient dans un mouchoir de poche ; Chirac a recueilli 82 % des voix au second tour. On ne désigne pas le Président de la Commission européenne parce que son camp est légèrement en tête.

La façon dont Jean-Claude Juncker, que j'apprécie par ailleurs, a été choisi est extravagante ! En 2014, le PPE avait légèrement plus de voix que le PSE, mais elles incluaient celles de la Hongrie. Or Viktor Orbán est le seul membre du Conseil européen à avoir voté contre Jean-Claude Juncker ! Ce système ne signifie rien. Il faut une majorité au Conseil européen et une majorité au Parlement européen. Le problème, c'est que ce ne sont pas forcément les mêmes.

Dans l'éventualité d'un blocage sur le choix du Président de la Commission, ne considérez-vous pas, madame la ministre, que le Conseil européen, ainsi que le prévoit le Traité de Lisbonne, doive procéder à un vote à la majorité qualifiée ? Ses membres sont des personnes très raisonnables, les candidats sont de grande qualité. L'accord n'est pas censé être unanime, il s'agit simplement de voter.

Les chefs d'État et de gouvernement auront à l'esprit qu'il faut une majorité. Il s'agira de ce que j'appelle la majorité « Dalton », car composée de quatre groupes d'inégale importance. Monsieur Dumont, vous avez beaucoup de talent et je vous prédis un très bel avenir, mais vous ne connaissez pas le système parlementaire européen. Même du temps où le PPE et le PSE avaient à eux seuls une majorité, jamais les partis centristes n'ont été éliminés, car il est très difficile d'obtenir une majorité au Parlement.

Ce rôle très important, nous allons l'exercer. Malgré les bévues de notre tête de liste, dont je reconnais qu'elles étaient évitables, nous sommes au coeur d'un système. La majorité se fera non pas autour d'Emmanuel Macron et de ses députés, mais avec Emmanuel Macron et sous l'impulsion d'une grande partie des députés qui ont été élus. Détrompez-vous, cette majorité ne passera pas par-dessus la tête des libéraux – ce n'est pas ainsi que cela se passe au Parlement européen – elle sera une majorité de compromis, de négociation. Vous faites, cher collègue, une erreur d'interprétation.

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