Intervention de Patrice Anato

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h25
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Anato, rapporteur :

Le rapport que nous vous présentons aujourd'hui ne pouvait pas être plus d'actualité. Vous le savez, la Commission européenne a annoncé vendredi la conclusion des négociations avec le MERCOSUR, ouvrant la voie au plus vaste accord commercial jamais signé par l'Union européenne. De plus, compte tenu des enjeux d'un tel accord, en particulier dans le domaine du développement durable, c'est justement au Brésil que nous nous sommes rendus, ma collègue Danièle Obono et moi-même, afin de mieux appréhender notre sujet.

Le développement durable a été défini, dans le rapport Brundtland, publié en 1987, comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Plus précisément, sur la base de ce rapport, le sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 a consacré les trois piliers du développement durable : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.

Si le développement durable est aujourd'hui intégré à la politique commerciale européenne, dont il est l'un des objectifs affichés, ce ne fut pas toujours le cas. Un bref historique de la politique commerciale européenne est nécessaire afin de mieux mesurer le chemin parcouru.

La politique commerciale est une compétence de l'Union européenne depuis 1958, progressivement élargie au fil des traités successifs jusqu'à devenir une compétence exclusive. Pendant des décennies, elle s'est principalement exercée dans le cadre multilatéral du GATT, dont les objectifs sont clairement affichés dans son préambule. Je cite : « le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein-emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, la pleine utilisation des ressources mondiales et l'accroissement de la production et des échanges de produits ». Il n'était donc pas question du développement durable et toutes les négociations commerciales jusqu'en 1995 ont quasi exclusivement porté sur la réduction des droits de douane.

1995, c'est la création de l'OMC par les Accords de Marrakech et l'intégration du développement durable parmi les objectifs de l'OMC, au même titre que ceux précédemment cités. Toutefois, depuis cette date, rien n'a avancé en matière de développement durable dans le cadre des négociations commerciales multilatérales. Le cycle de Doha, lancé en 2001, est bloqué sur ce sujet comme sur l'ensemble des sujets commerciaux.

Dès lors, l'Union européenne a fait un choix stratégique. Tout en participant aux négociations au sein de l'OMC, elle a réorienté depuis 2006 sa politique commerciale vers le bilatéralisme, c'est-à-dire la négociation d'accords commerciaux avec ses principaux partenaires économiques, parmi lesquels la Corée du Sud, le Canada, le Japon, le Vietnam, l'Australie ou encore le MERCOSUR.

Le passage au bilatéralisme, où l'on ne négocie qu'à 2 et non à 164 comme à l'OMC, a par ailleurs permis d'élargir le champ des accords commerciaux à de nouveaux sujets : la propriété intellectuelle, les marchés publics, l'investissement ou encore la coopération réglementaire. On parle ainsi d'accords de « nouvelle génération »

Or, de tels accords ont une portée bien plus large que la seule réduction des droits de douane. Ils ont donc suscité de nombreuses inquiétudes au sein de la société civile. Celles-ci ont été renforcées par la prise de conscience des enjeux du développement durable et, en particulier de la lutte contre le changement climatique, et des conséquences potentiellement négatives des accords commerciaux sur ceux-ci. Face à ces inquiétudes et à une contestation grandissante de la politique commerciale, les autorités européennes ont été contraintes de réagir et de prendre en compte le développement durable dans les accords commerciaux au point d'en faire un objectif de celle-ci.

Cette prise en compte, exigée par le Conseil dans tous les mandats de négociation qu'il donne à la Commission, a deux dimensions.

La première est la dimension substantielle : les accords commerciaux de l'Union européenne définissent un standard en matière sociale et environnementale constitué notamment d'un ensemble de conventions internationales que le pays partenaire doit respecter : parmi ces conventions, on peut citer l'Accord de Paris et les conventions fondamentales de l'OIT.

La deuxième dimension est procédurale. Trois procédures favorisent la prise en compte du développement durable dans la politique commerciale. Premièrement, la société civile est associée à la mise en oeuvre des accords commerciaux via des organes consultatifs spécifiques composés d'ONG, de syndicats et de représentants des entreprises. Deuxièmement, l'impact des accords commerciaux sur le développement durable est évalué pendant les négociations et une fois ceux-ci en vigueur. Enfin, troisièmement, le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États a été juridictionnalisé et complété par de nombreuses dispositions « anti-abus » et garanties visant à protéger le droit à réguler des États, en particulier dans le domaine environnemental.

Que faut-il en penser ? Tout d'abord, le fait que la politique commerciale européenne prenne en compte le développement durable constitue incontestablement un progrès. Pendant des décennies, ce ne fut pas le cas. Désormais, l'Union européenne promeut au niveau international un standard de valeurs et de normes en matière de droits humains, de conditions de travail et de protection de l'environnement, ce dont il faut se féliciter.

Cela dit, le rapport n'ignore pas les insuffisances de cette prise en compte. Cinq ont particulièrement attiré notre attention.

La première est le caractère insuffisamment contraignant des dispositions relatives au développement durable dans les accords commerciaux. En effet, celles-ci présentent deux faiblesses : d'une part, elles sont rédigées de manière vague, si bien que leur portée est incertaine. Par exemple, dans l'accord avec la Corée du Sud, il est stipulé que « les Parties consentent des efforts continus et soutenus en vue de ratifier les conventions fondamentales de l'OIT ainsi que les autres conventions classées par l'OIT dans la catégorie des conventions à jour ». S'agit-il d'une obligation de ratifier les conventions ? Personne ne le sait. L'Union européenne et la Corée du sud sont d'ailleurs en contentieux sur ce point. D'autre part, les dispositions relatives au développement durable relèvent pour l'essentiel d'un mécanisme de règlement des différends qui est spécifique et non contraignant puisque la violation des dispositions relatives au développement durable ne peut pas faire l'objet de sanctions, au contraire de la violation des dispositions commerciales.

La deuxième faiblesse porte sur le caractère très limité de l'association de la société civile à la mise en oeuvre des accords commerciaux. En effet, tant les conditions de la création que des modalités de fonctionnement des différents organes représentatifs, sans oublier l'étroitesse de leurs compétences, les empêchent de jouer leur rôle de suivi et d'alerte. Leur mise en place et leur fonctionnement, pour commencer, est étroitement tributaire des rapports que le gouvernement du pays concerné entretient avec les représentants de la société civile et, notamment les ONG. Or, elle risque d'être particulièrement difficile au Brésil puisque depuis 2016, le gouvernement brésilien ne participe ainsi plus aux réunions avec la société civile organisées dans le cadre du MERCOSUR. Avec l'élection à la présidence de Jair Bolsonaro, les rapports se sont encore dégradés avec la rhétorique « anti-société civile » de certains membres d'extrême droite du gouvernement, à commencer par le ministre de l'environnement, lequel refuse de les recevoir. Ensuite, ces organes souffrent de la faiblesse de leurs compétences. En effet, ils sont simplement consultés, à la discrétion des Parties, et ils n'ont, dans le meilleur des cas, qu'un pouvoir d'avis et de recommandations. En outre, leur compétence est, sauf exceptions, limitée à la seule mise en oeuvre du chapitre relatif au développement durable, alors même que les enjeux du développement durable concernent la totalité de l'accord commercial.

Au final, les organes représentatifs de la société civile prévus par les accords commerciaux apparaissent plus comme une caution à la politique commerciale européenne qu'une véritable association capable d'influencer sur sa mise en oeuvre.

La troisième faiblesse que nous avons identifiée concerne l'évaluation des accords commerciaux. L'étude d'impact sur le développement durable, qui est très approfondie, est réalisée au cours des négociations afin que ses résultats puissent, en théorie, être pris en compte par les négociateurs européens. Or, les exemples sont nombreux où ce n'est pas le cas. Par exemple, le mécanisme de règlement des différends investisseurs-État n'avait pas été jugé nécessaire par l'étude d'impact du CETA mais s'est finalement retrouvé dans l'accord. La subtilité de ces études d'impact ex-ante est qu'elles sont réalisées par un consultant extérieur, si bien que la Commission européenne ne s'estime pas engagée par ses résultats.

L'autre problème des études d'impact est qu'elles sont commencées après l'ouverture des négociations et peuvent ne pas avoir été achevées avant la conclusion des négociations. C'est ainsi que les négociations avec le MERCOSUR ont été relancées en mai 2016 mais que l'appel d'offres pour l'étude d'impact n'a été lancé qu'en mars 2017, si bien qu'elle n'avait pas encore été publiée vendredi dernier 28 juin, date à laquelle les négociations ont été conclues. Ce genre de situation décrédibilise totalement les études d'impact et la volonté affichée de la Commission européenne de prendre en compte le développement durable dans la politique commerciale autant que celle d'associer la société civile à son élaboration.

Quatrième insuffisance : le principe de précaution est insuffisamment protégé. Le principe de précaution figure non seulement dans la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle, mais également dans le Traité de Lisbonne. Il constitue une valeur européenne à part entière qui doit non seulement être défendue à l'intérieur de l'Union européenne mais aussi promue à l'extérieur. Or, il apparaît que la conception européenne du principe de précaution n'est pas reprise à l'identique dans les accords commerciaux. Bien plus, les termes « principe de précaution » sont parfois remplacés par les termes « approche de précaution », comme dans l'accord commercial avec le Japon. Enfin, le principe de précaution figure dans le chapitre relatif au développement durable qui, je l'ai dit, ne relève pas d'un mécanisme contraignant de règlement des différends, ce qui affaiblit encore sa portée.

Enfin, la cinquième insuffisance que nous avons constatée dans la prise en compte du développement durable porte sur le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États : le RDIE. Prenant initialement la forme de tribunaux d'arbitrage privé, il a été juridictionnalisé à partir du CETA et sa procédure améliorée afin de préserver le droit à réguler des États, notamment en matière de protection de l'environnement.

Toutefois, malgré les garanties entourant désormais le RDIE, parce qu'il permet à des investisseurs d'attaquer des réglementations, il fait peser un risque sur le développement durable. En effet, exposé au risque de devoir potentiellement payer des milliards d'euros de compensation financière à des investisseurs, les États européens comme leurs partenaires pourraient hésiter à adopter des réglementations susceptibles de violer les droits qu'ils tirent des accords commerciaux, lesquels sont très protecteurs.

Par conséquent, présentés comme un instrument servant à promouvoir les standards européens sur la scène internationale, les accords commerciaux sont susceptibles de remettre en cause des réglementations favorables au développement durable au sein même de l'Union européenne.

Après avoir fait le constat de ces insuffisances, nous avons cherché à élaborer des propositions afin d'améliorer la prise en compte du développement durable dans la politique commerciale européenne. Celles-ci sont au nombre de 10 que je vais successivement et brièvement vous présenter.

Notre première proposition consiste à faire de l'Accord de Paris un « élément essentiel » des accords commerciaux. Un élément d'un accord international est dit « essentiel » lorsque sa violation par une Partie est susceptible de justifier la remise en cause de son application par l'autre Partie. L'Union européenne exige ainsi la présence, en tant qu'« élément essentiel », de deux dispositions dans les accords commerciaux ou, le cas échéant, dans les accords-cadres dans lesquels ceux-ci s'insèrent : le respect des droits humains et la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Le rapport propose qu'il en soit de même pour le respect de l'Accord de Paris, avec cette précision qu'il faudra évaluer le respect de celui-ci au-delà de sa seule ratification.

Notre deuxième proposition vise à renforcer l'implication de la société civile dans la mise en oeuvre des accords commerciaux. L'association de la société civile à la mise en oeuvre des accords commerciaux pourrait être renforcée sur trois points : d'abord, exiger que les Parties répondent aux avis et recommandations des organes représentatifs de la société civile, ainsi qu'à leur demande d'informations ; ensuite, permettre aux représentants de la société civile de participer, à leur demande, aux réunions de l'ensemble des Comités institués par les accords commerciaux, lesquels disposent de larges compétences dans leur mise en oeuvre ; enfin, : permettre aux organes représentatifs de la société civile de saisir formellement le Comité sur le commerce et le développement durable d'un manquement allégué d'une Partie à ses obligations et demander à l'autre Partie de lancer la procédure de règlement des différends.

La troisième proposition demande à renforcer la portée des dispositions relatives au développement durable. La rédaction des dispositions relatives au développement durable pèche par son caractère vague et imprécis. Plutôt que de demander à une Partie « des efforts constants et soutenus pour ratifier les conventions fondamentales de l'OIT », il nous semble plus efficace d'exiger leur ratification en bonne et due forme, le cas échéant après un certain délai.

Notre quatrième proposition vise à adapter le chapitre relatif au développement durable à la situation particulière de chaque pays. À la lecture des différends accords commerciaux de l'Union européenne, il apparaît que le chapitre relatif au développement durable est en quelque sorte copié-collé, d'un accord à l'autre. Nous proposons que l'Union européenne adapte son contenu à la situation de ses partenaires commerciaux vis-à-vis du développement durable.

À titre d'exemple, même si c'est désormais trop tard, l'accord avec le MERCOSUR aurait pu comporter l'obligation de respecter effectivement la convention n° 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux que le Brésil a certes ratifiée mais qui, de l'avis de nombreuses ONG rencontrées à Brasilia, n'est pas réellement appliquée ;

Notre cinquième proposition consiste à subordonner, pour certains produits particulièrement sensibles, l'accès au marché européen au respect de critères de durabilité. Si les agriculteurs européens s'inquiètent, légitimement, pour la survie de leurs filières face à leurs concurrents étrangers, les accords commerciaux peuvent avoir un impact négatif, notamment en matière environnementale, dans le ou les pays concernés. C'est ainsi qu'à Brasilia, les représentants des ONG nous ont longuement détaillé les conséquences qu'aurait une augmentation des exportations agricoles brésiliennes, notamment de viande bovine et de soja, dans le contexte politique actuel, pro-agrobusiness et anti-ONG : une accélération de la déforestation de l'Amazonie, la mise en danger des peuples tribaux ou encore une pression accrue sur les travailleurs agricoles.

L'Union européenne doit donc s'efforcer, même en ouvrant les marchés agricoles, d'en limiter les conséquences, à la fois pour les filières européennes mais également pour l'environnement dans les pays concernés, par exemple en subordonnant l'accès au marché européen des produits agricoles à des critères de durabilité : respect des normes sociales, non-déforestation, etc.

La sixième proposition requiert de renforcer l'évaluation de l'impact des accords commerciaux sur le développement durable. Renforcer l'évaluation, c'est d'abord exiger que l'étude d'impact sur le développement durable soit réalisée avant l'ouverture des négociations afin non seulement de pouvoir les orienter mais également d'apporter l'ensemble des informations quant à l'opportunité même de les ouvrir.

Renforcer l'évaluation, c'est également faire en sorte que l'évaluation ex-post ne s'arrête pas à la seule mise en oeuvre du chapitre relatif au développement durable mais porte sur l'impact de la totalité de l'accord commercial sur le développement durable, tant dans l'Union européenne que dans le pays concerné.

La septième proposition vise à limiter l'impact environnemental du commerce maritime et aérien induit par l'augmentation du commerce international. Plus de 90 % du commerce international des biens repose sur le transport maritime. Il y a donc une certaine contradiction à promouvoir, dans le cadre de la politique commerciale européenne, le développement durable alors même que l'objectif de celle-ci est avant tout d'accroître les échanges commerciaux avec des pays situés au bout du monde, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et, par conséquent, les émissions de CO2 et autres polluants des moyens de transport qui les rendent possibles.

Le rapport propose donc d'inclure dans les accords commerciaux des dispositions favorables à la limitation des émissions de gaz à effet de serre du transport international, maritime mais aussi aérien, par exemple en faisant référence aux mécanismes mis en place par l'association internationale du transport aérien et l'organisation maritime internationale.

La huitième proposition consisterait à intégrer dans les accords commerciaux de l'Union européenne le principe de précaution tel qu'il est défini dans le droit européen. La prise en compte du principe de précaution dans les accords commerciaux de l'Union européenne n'est pas satisfaisante, à la fois parce que sa formulation est en retrait par rapport à celle en vigueur dans le droit européen mais également parce qu'il ne figure en tant que tel que dans le chapitre relatif au développement durable, lequel n'est pas soumis à un règlement des différends assorti de sanctions.

Nous estimons nécessaire que la Commission européenne ne cède pas, dans les négociations commerciales, sur un principe qui est au coeur des préférences collectives européennes et qui, à l'heure de la multiplication des scandales sanitaires comme de la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis de la politique commerciale, est plus que jamais à défendre sur la scène internationale. Non seulement sa formulation doit être précise et cohérente avec celle du droit européen mais il doit être intégré également en tant que tel dans les chapitres sur les obstacles techniques au commerce et les normes SPS.

La neuvième proposition est d'instituer un « veto climatique » dans le cadre du mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Malgré les améliorations qui lui ont été apportées, le RDIE est susceptible de permettre aux investisseurs de remettre en cause une réglementation s'inscrivant dans la lutte contre le changement climatique. C'est pourquoi nous proposons la création d'un « veto climatique » sur le modèle de ce qui existe déjà dans le CETA s'agissant des mesures fiscales. Le Comité conjoint du CETA a en effet la possibilité de déterminer, en cas de plainte d'un investisseur, si une telle mesure est conforme ou non au traité. Cette procédure permet de court-circuiter le RDIE en faisant prévaloir l'intérêt général sur les intérêts privés mieux que ne le feraient des juges.

Enfin, la dixième proposition demande à prendre en compte le développement durable dans les autres aspects de la politique commerciale européenne et pas seulement dans les accords commerciaux. Nous avons beaucoup parlé des accords commerciaux mais il faut avoir conscience que l'Union européenne a d'ores et déjà ouvert, voire conclu des négociations commerciales avec la majeure partie de ses partenaires. Dans ces conditions, l'instrument des accords commerciaux pour promouvoir le développement durable sera bientôt obsolète. C'est pourquoi nous proposons que l'Union européenne utilise un autre instrument relevant de la politique commerciale pour promouvoir le développement durable : le devoir de diligence.

Ce devoir de diligence existe aujourd'hui dans trois secteurs : les diamants, le bois et certains minerais. Ils imposent aux importateurs européens de ces produits de mettre en place des mécanismes de traçabilité et de certification qui garantissent qu'ils ont été produits dans des conditions légales, respectueuses des droits humains et des normes environnementales.

Ce devoir de diligence est établi par des règlements européens et par conséquent, unilatéralement par l'Union européenne. Ils ne sont pas exposés, dans leur contenu ou leur délai, aux contraintes et compromis inhérents aux négociations internationales En effet, ils concernent uniquement les importateurs européens de ces produits et c'est uniquement sur eux que pèse l'obligation de garantir le caractère durable de leur chaîne d'approvisionnement.

Cette voie du devoir de diligence nous semble aussi voire plus intéressante à explorer que vouloir intégrer à tout prix des mesures en faveur du développement durable dans les accords commerciaux qui sont soumis à un cadre juridique très contraignant.

C'est sur ce point que je voudrais terminer. Nos travaux ont mis en évidence à quel point le cadre juridique du commerce international contraint la prise en compte du développement durable. Nos propositions s'intègrent dans ce cadre mais il est évident qu'aller plus loin nécessitera de modifier ce cadre, lequel relève pour l'essentiel de l'OMC.

L'Union européenne peut être force de proposition pour modifier ce cadre mais outre la contrainte de l'unanimité, le libre-échange est dans son ADN depuis 1958 et le commerce prime toute autre considération. Elle vient de le montrer à nouveau en concluant les négociations avec le MERCOSUR sans même attendre les résultats de l'étude d'impact sur le développement durable.

Enfin, il est évident qu'il faudra un jour s'interroger sur notre modèle économique et la pertinence de commercer avec des pays situés à l'autre bout de la planète alors même que l'une des solutions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre est le développement de circuits courts d'approvisionnement.

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