– La deuxième recommandation est d'interdire l'huile de palme comme matière première pour les agro-carburants. Dans le monde, la production destinée aux agro-carburants est d'environ 5 % de ceux-ci. En Europe, elle atteint 22 % tandis que ce taux s'élève à 75 % en France. Par ailleurs, l'augmentation de l'utilisation de l'huile de palme dans les agro-carburants est estimée à 5 % par an. Dès lors, on peut légitimement penser que cette augmentation aura pour conséquence, d'une part, une augmentation du besoin en surface de palmeraies d'autre part, un changement direct et surtout indirect d'affectation des sols. Cette situation intensifierait, de fait, ce qui est déjà observé sur les terres.
Dès 2009, la Commission européenne a précisé que la production de matières premières agricoles pour développer les agro-carburants ne devait pas avoir pour effet d'encourager la destruction de terres et de diversité biologique, notamment des terres présentant un important stock de carbone.
En 2015, la Commission reconnaît que l'importance des émissions de gaz à effet de serre liées au changement d'affectation des sols est susceptible d'annuler, en partie ou en totalité, les effets bénéfiques des différents biocarburants. Les changements directs et indirects d'affectation des sols s'accompagnent de risques, dont la recherche a démontré de nombreux facteurs. Cela appelle une attention toute particulière sur les indicateurs et les critères de mesure d'impact. Or il s'avère que les pouvoirs publics et la Commission européenne notamment, semblent encore en observation sur la stabilisation de ces critères, comme l'atteste la deuxième directive sur l'énergie produite à partir de sources renouvelables, adoptée par le Conseil et le Parlement européen en novembre 2018. Dès lors, au regard du risque et d'une utilisation qui ne renvoie pas au besoin fondamental de nourrir les populations, nous préconisons que la France et l'Europe se placent dans une démarche exemplaire et restrictive quant à l'utilisation de l'huile de palme comme agro-carburant. Elles doivent, à notre sens, interdire son importation à cette fin, se focaliser sur d'autres sources énergétiques pour les transports et surtout, inciter à une autre mobilité. Cela vaut autant pour l'huile de palme que pour d'autres productions végétales produites en Europe ou à l'international.
La troisième recommandation est à mettre en regard de notre perplexité quant à la robustesse et au caractère universel des critères utilisés pour qualifier comme étant durables et transparents, à la fois le produit et les chaînes d'approvisionnement. Dans la certification de l'huile de palme, le label prédominant est construit par les tables rondes pour l'huile de palme durable, ou « RSPO » (Roundtable on Sustainable Palm Oil) selon l'acronyme anglo-saxon. Le RSPO a mis en place deux systèmes de certification. Le premier vise à s'assurer que l'huile de palme est produite de manière durable, tandis que le second a pour objectif de garantir l'intégrité du commerce de l'huile de palme exclusivement issue de plantations certifiées. Si cela peut faire sens, force est de constater que l'établissement du label et son application n'engagent que très peu les États producteurs et consommateurs. De plus, la voix des gros producteurs semble y être prépondérante. Enfin, la prise en considération de la nécessité de respecter les directives relatives au consentement préalable libre et éclairé, est limitée.
Dès lors, nous pensons qu'une revisite du label RSPO s'impose, et que son application doit impérativement être couplée à une obligation d'accords bilatéraux entre les pays consommateurs et les pays producteurs.
Au-delà de ces trois recommandations, la réflexion collective que nous avons conduite renvoie à deux grandes idées qui devraient alimenter systématiquement le débat public.