Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du jeudi 11 juillet 2019 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Ce débat d'orientation des finances publiques est le premier moment budgétaire de l'acte II du quinquennat. Lors de la présentation du programme de stabilité en avril dernier, le Gouvernement avait actualisé la trajectoire des finances publiques pour tenir compte de l'évolution du contexte macroéconomique et des mesures de pouvoir d'achat décidées au mois de décembre. L'exercice était toutefois frustrant, puisque, pour des raisons de calendrier, il ne pouvait tenir compte des mesures annoncées par le Président de la République à la suite du grand débat national en avril dernier.

Le moment est donc venu pour le Gouvernement de préciser la façon dont ces mesures s'intègrent dans sa stratégie de finances publiques. Il l'a fait grâce la publication d'un rapport, dont une partie vient de nous être transmise, mais à un horaire tel – deux heures cinquante du matin – que seuls les députés sortant de boîte de nuit ont pu en prendre connaissance. Il conviendra sans doute, à l'avenir, d'anticiper en la matière pour informer de façon effective le Parlement, dans le respect de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF. Je rappelle en effet que ce rapport était attendu pour le 30 juin, et que la LOLF s'applique aussi au Gouvernement.

Sur le fond, je constate que les résultats obtenus depuis deux ans confortent la stratégie du Gouvernement, laquelle se structure en trois axes : redresser les comptes publics, diminuer les prélèvements obligatoires et faire baisser la dépense publique.

En 2018, le déficit public a diminué de 0,3 point de PIB, et le ratio de dette s'est stabilisé. Ces résultats sont meilleurs que ceux prévus par la loi de programmation des finances publiques. Le ratio de prélèvements obligatoires a diminué de 0,2 point de PIB. Le ratio de dépenses publiques a reculé de 0,6 point de PIB, à un rythme conforme à celui prévu par la loi de programmation, et la dépense publique a reculé en volume de 0,3 %. Bref, en 2018, la dépense publique a été strictement maîtrisée.

Ces bons résultats ont été obtenus en même temps qu'une amélioration sensible de la sincérité budgétaire, des méthodes de gestion et du respect de l'autorisation parlementaire.

La mise en oeuvre des orientations de la loi de programmation des finances publiques doit donc se poursuivre. Elle est d'abord nécessaire pour que la France retrouve les marges de manoeuvre budgétaires qui lui feraient cruellement défaut en cas de retournement conjoncturel. Elle est indispensable, ensuite, pour apporter une réponse à l'exaspération fiscale des Français qui s'est manifestée sous des formes diverses et variées au cours de ces dernières années. Je rappelle qu'en 2017, le taux de prélèvements obligatoires avait atteint un record historique de 45,2 % du PIB.

Si le cap doit être tenu, les trajectoires financières des lois de programmation des finances publiques ne sont pas des objets rigides. Elles n'ont d'ailleurs pas la force normative des dispositions des lois de finances ou des lois de financement de la sécurité sociale. On peut s'en réjouir ; on peut aussi le regretter quelquefois. Nous devrions être en mesure d'adapter la politique budgétaire aux évolutions macroéconomiques et sociales.

Entre la fin de l'année 2018 et avril 2019, de nouvelles mesures au profit des ménages ont été annoncées, principalement sous la forme d'une accélération et d'une intensification des baisses de prélèvements obligatoires. Au total, ces prélèvements pesant sur les ménages et sur les entreprises devraient diminuer de 1,4 point de PIB entre 2017 et 2022, soit une baisse supérieure de 40 % à celle prévue par la loi de programmation.

Les équilibres financiers exposés dans le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques tiennent compte de ces éléments nouveaux. Ils restent cohérents avec la stratégie budgétaire exposée dans la loi de programmation. En 2020, le déficit public atteindrait 2,1 % du PIB, son niveau le plus faible depuis 2001. La dépense publique restera tenue et je constate qu'en la matière, l'objectif de 52,1 % du PIB en 2022 n'a pas été modifié depuis le programme de stabilité.

Toutefois, par rapport à la loi de programmation, la prévision de déficit public en 2022 est dégradée d'un point de PIB. Cette révision tient pour environ 0,4 point de PIB à l'évolution du contexte macroéconomique au cours de la période 2018-2022. Le reste de l'écart s'explique principalement par les mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français.

Une nouvelle programmation des finances publiques se justifie donc dans les mois à venir, et le Gouvernement devra en formaliser l'annonce et en préciser rapidement les contours, monsieur le ministre. En tout état de cause, une partie des annonces du Gouvernement figureront dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui proposeront également des mesures pour les financer.

Je plaide pour la réalisation d'économies sur les dépenses fiscales dès le projet de loi de finances pour 2020. Le rapport sur l'application des mesures fiscales que je présenterai dans quelques jours pourra contribuer à cette réflexion.

Parallèlement, l'effort de maîtrise de la dépense publique ne doit pas être relâché, quand bien même des économies pourraient être espérées sur la charge de la dette. Je me réjouis, monsieur le ministre, des propos qui ont été tenus sur la fiscalité écologique, le mécénat ou le crédit d'impôt recherche, mais je souhaite que nous y ajoutions encore quelques briques.

À ce propos, le maintien de taux d'intérêt faibles est un signe de confiance des investisseurs dans la signature de la France. Il permet de dégager des marges de manoeuvre budgétaires sans effort : selon la dernière trajectoire, nous payerions, en 2022, 11,9 milliards d'euros de moins que ce qui était envisagé dans la loi de programmation des finances publiques. Cette aubaine a toutefois – je persiste sur ce point – des effets secondaires anesthésiants qui ne doivent pas nous détourner de la démarche d'amélioration de l'efficience des politiques publiques.

Protéger ce capital de confiance suppose de poursuivre le redressement des comptes publics. Après le renversement de la tendance haussière des prélèvements obligatoires et la diminution du déficit public, il faut désormais s'engager résolument dans la voie du désendettement.

Il est nécessaire, je le redis, que notre stratégie des finances publiques soit de nouveau définie dans le détail à l'occasion d'une prochaine révision de la loi de programmation des finances publiques.

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