Mais je m'exprime aussi en son nom, puisque les vieux compagnons que nous sommes ont l'habitude de travailler ensemble au projet de loi de finances. On peut difficilement nous reprocher de ne pas faire des propositions de diminution des dépenses publiques.
Je veux tout d'abord évoquer une revue de l'ensemble des niches fiscales, qui viennent miter l'impôt sur le revenu et obérer sa progressivité : nous avons formulé des propositions visant à réduire le poids d'une partie de ces niches – et non de toutes, car chacun sait, en effet, que ce serait impossible : il convient d'en sanctuariser certaines, et nous tenons un discours commun en la matière. Dans le cadre du débat budgétaire, nous continuerons de formuler des propositions en ce sens.
Il convient, enfin, d'amplifier les moyens que nous consacrons à la lutte contre la fraude – je sais que c'est dans vos intentions, monsieur le ministre, s'agissant notamment des fraudes à la TVA de type « carrousel », ce qui permettrait de glaner quelques milliards indispensables à l'équilibre budgétaire.
Continuons la lecture du carnet de notes. Le Gouvernement semble réduire ses efforts de maîtrise des finances publiques, à l'image d'un élève qui se décourage. En effet, dans le programme de stabilité présenté en avril 2019, vous prévoyez une réduction du déficit public de 1,3 point de PIB entre 2018 et 2022, alors que l'ambition initiale, présentée il y a un an, c'était une réduction de 2,5 points. C'est une division par deux !
S'agissant du solde structurel, le constat est le même : votre effort se réduit, puisque le déficit structurel passe de 2,1 points de PIB en 2018 à 1,3 point en 2022. Il ne se réduirait ainsi plus que de 0,8 point de PIB, au lieu du 1,3 point prévu dans la loi de programmation. Les objectifs initiaux ne seront donc pas atteints.
Comment l'expliquer ? Vous diminuez les prélèvements obligatoires de 21 milliards d'euros, avec l'abandon des hausses de fiscalité énergétique, pour 11,7 milliards, avec la défiscalisation des heures supplémentaires, très bonne mesure, pour 1,7 milliard, avec la suppression de la taxe d'habitation pour l'ensemble des résidences principales – c'est votre choix politique, ce n'était pas le nôtre – , avec, enfin, l'annulation de la hausse de CSG pour les retraités modestes.
Il est vrai que vous avez une bonne étoile, comme l'a noté Valérie Rabault : les taux d'intérêt sont très bas, voire négatifs pour les emprunts à dix ans, ce qui a pour conséquence de diminuer la charge des intérêts sur la dette et de limiter la hausse de la dette publique. Méfions-nous, toutefois : cette situation durera-t-elle ? D'aucuns évoquent la spéculation, l'éclatement d'une prochaine bulle financière. L'histoire nous montre que ces taux peuvent augmenter brutalement. Des inversions peuvent être redoutables.
C'est pourquoi l'élève France recevra inéluctablement un avertissement de la part du Haut Conseil des finances publiques pour non-respect des trajectoires que vous aviez vous-même dessinées. Je vous concède que le contexte est rendu difficile par la diminution de la croissance européenne et mondiale – même si la France tire bien son épingle du jeu.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre, ainsi que Bruno Le Maire : il est dommage qu'il ne soit plus là. Il a dit, ce qui m'a quelque peu surpris, que les excédents de l'Allemagne devaient être mis au service de la croissance. J'aurais aimé qu'il nous dise comment il comptait s'y prendre !
Alors que la réforme de la dépendance et celle des retraites sont devant nous – la réforme des retraites sera-t-elle paramétrique ou systémique ? – , alors que la question du vieillissement se pose avec acuité, alors que se profile, aussi, la refonte de la fiscalité locale, nous verrons si vos annonces relatives au pouvoir d'achat se vérifieront.
Sachez que notre groupe sera au rendez-vous du projet de loi de finances dans un esprit constructif et responsable, en vue, notamment, d'accompagner nos concitoyens les plus en difficulté et de soutenir l'activité économique, en particulier les entreprises.