Certes, monsieur le ministre, il nous faudra probablement attendre une loi de finances rectificative, mais il est regrettable qu'à ce moment de l'année, vous ne puissiez nous communiquer des pistes sur cette diminution des dépenses pilotables de 1,5 milliard d'euros en 2019.
De plus, en avril dernier, le Président de la République a annoncé, pour 2020, une baisse de l'impôt sur le revenu, la réindexation des pensions de retraite inférieures à 2 000 euros sur le niveau de l'inflation, ainsi que la reconduction pour un an, sous certaines conditions, de la prime exceptionnelle de 1 000 euros. Ces mesures auront un impact budgétaire de 6,4 milliards d'euros, dont 4 milliards sont compensés dans la trajectoire qui nous est présentée. Comment se fera cette compensation ?
Finalement, les dépenses nouvelles annoncées par le Président de la République représenteront un coût total compris entre 17 et 20 milliards d'euros, dont plus des trois quarts ne sont pas encore financés. Plusieurs pistes ont été lancées, probablement comme des ballons d'essai. On a parlé de la révision de certaines niches fiscales, qui correspondraient donc à des augmentations d'impôts pour certains contribuables. On a aussi parlé d'un report en janvier 2020 de l'aménagement des APL, qui rapporterait 900 millions d'euros d'économies en année pleine. On a également parlé d'une intensification de la maîtrise des dépenses publiques, mais là encore, il n'y a pas d'éléments documentés.
Qu'en est-il de l'impact financier de la réforme de l'assurance chômage en 2020, évoquée par M. Bruno Le Maire il y a quelques instants ? Nous n'avons pas beaucoup d'éléments sur le sujet. Pas un mot non plus des effets possibles de la réforme des retraites ou de la dépendance. Force est de constater que le Gouvernement reste silencieux sur les mesures visant à réduire la dépense publique. Si la majorité donne des leçons sur les propositions de loi du groupe Les Républicains, pourtant assorties de propositions de fortes baisses de la dépense publique, nous ne vous entendons jamais, mes chers collègues, dénoncer les milliards non financés du Gouvernement. Ce « deux poids deux mesures », ce dogmatisme, ce mépris envers l'opposition ne servent pas votre rôle de contrôle de l'action du Gouvernement.
Qu'en est-il de la diminution des effectifs de la fonction publique ? De l'objectif de réduction nette de 50 000 emplois dans la fonction publique d'État ? Rien non plus sur ce point. Il en résulte 2,4 milliards d'euros supplémentaires de déficit dont la prévision remonte alors à 2,1 points, soit une augmentation de 0,1 point en 2020, en 2021 et 2022.
Par ailleurs, le Gouvernement envisage de créer une nouvelle taxe sur les billets d'avion au départ de la France. Alors que le Président de la République et le Premier ministre affirmaient il y a encore quelques jours ne pas vouloir créer de nouvelle taxe ni augmenter les déficits, c'est finalement tout le contraire qui arrive. En France, à un problème, on continue à répondre par une nouvelle taxe, alors que les taxes sont justement le problème. Arrêtons avec l'écologie punitive ne passant que par les taxes et les normes. Adoptons enfin une écologie positive et incitative.
Certes, le report de la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de Français les plus aisés, prévue initialement pour 2022 et décalée d'un an devrait générer 3,7 milliards d'euros d'économies sur deux ans. De surcroît, la charge de la dette baisse, ce qui permet selon la Cour des comptes d'escompter jusqu'à 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires l'an prochain et selon le rapporteur général, un gain de 11,9 milliards d'euros à l'horizon 2022 au regard de la prévision de 2017. En revanche, la dette publique continue d'augmenter. De 2 188,5 milliards d'euros en 2016, elle est passée à 2 315,3 milliards d'euros fin 2018, soit une augmentation de 126,8 milliards d'euros en deux ans.
L'ambition de réduction de la dette est revue à la baisse et l'écart entre la dette prévue par la loi de programmation des finances publiques en janvier 2018 et le programme de stabilité d'avril 2019 est de 5,4 points de PIB à l'échéance 2022 : c'est considérable. Le rapporteur ajoute d'ailleurs que « la France ne s'endette pas seulement pour financer des dépenses d'investissement, elle finance également par la dette ses dépenses de fonctionnement depuis de nombreuses années. » Vous avez ajouté à cette tribune, monsieur le ministre, que la dette d'aujourd'hui, c'était les impôts de demain. Nous partageons ce constat mais les efforts ne sont pas au rendez-vous.
À ce stade, le débat d'orientation des finances publiques nous laisse sur notre faim. Alors que nous parlons de 2020, nous ne savons pas encore si les économies de gestion de 1,5 milliard d'euros ont été réalisées pour 2019. Les pistes de baisse des dépenses publiques restent floues ; la dette continue à augmenter et sa réduction est d'ores et déjà renvoyée aux calendes grecques. En matière de maîtrise des comptes publics, le Gouvernement va de renoncement en renoncement au point d'abandonner toute ambition. La faiblesse des taux se révèle finalement être un piège qui vous aveugle et vous conduit à justifier vos renoncements. En réalité, le Gouvernement continue hélas à financer ses décisions par la dette. C'est très regrettable.