Après un examen attentif du cadre pluriannuel des finances publiques, du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, du rapport de la Cour des comptes et de celui du rapporteur général et après avoir pu enfin consulter, ce matin même, le précieux document décrivant les crédits des ministères par mission budgétaire, je tiens à souligner l'importance du travail effectué pour que tout un chacun puisse comprendre le budget que vous êtes en train de préparer. Je voudrais y apporter quelques éclairages, notamment pour ceux qui ne peuvent pas lire ces plus de 500 pages de prose budgétaire.
En décembre 2018, en pleine crise des gilets jaunes, alors que je faisais partie de la majorité, j'ai voté contre le projet de loi de finances pour 2019, considérant qu'il ne prenait pas en compte l'urgence sociale et l'urgence écologique. J'ai bien noté que les dépenses générées par la très conjoncturelle loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales devaient être compensées par des recettes liées au décalage de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés et la création d'une taxe sur les services numériques. Qu'il me soit permis d'émettre quelques doutes sur ce rééquilibrage.
Mais c'est surtout de l'urgence dont je veux vous parler. Dans toute cette documentation budgétaire, cette matière froide, j'ai cherché ce qui serait de nature à réconforter nos concitoyens qui vivent tant de moments difficiles, un changement des possibles, un mieux-être. Si j'osais, je dirais que je suis resté sur ma faim. La leçon de chose que le mouvement des gilets jaune aurait pu être pour vous ne vous a rien appris : nulle proposition nouvelle qui viendrait s'attaquer aux maux et aux malheurs de notre société.
Le discours de politique générale prononcé le 12 juin par le Premier ministre commençait par ces mots : « voilà deux ans maintenant que nous gouvernons et il y a toujours urgence, peut-être davantage encore. [… ] Urgence sociale, comme le crient nos concitoyens des territoires isolés, comme le disent les personnels hospitaliers. » Où est la traduction budgétaire de cette urgence ? C'est un projet de budget des Trente Glorieuses que vous présentez là.
Et puis il y a l'urgence écologique. Dans ce même discours de politique générale, le Premier ministre nous disait : il y a « urgence écologique, comme le crient les jeunes Français à l'encontre des gouvernements et des entreprises qui n'en feraient pas assez. » Dans le document présentant les plafonds de crédits retenus pour le projet de loi de finances 2019 que vous avez bien voulu nous communiquer ce matin même, monsieur le ministre, à la ligne « Écologie, développement et mobilité durables » on constate une augmentation de 0,07 % des crédits par rapport à la loi de programmation des finances publiques. Les chiffres ne mentent pas. La réponse aux Françaises et Français qui s'inquiètent à raison du devenir de notre planète, de notre environnement, c'est 0,07 % de crédits supplémentaires !
Le rapporteur général vous a appelé à ajouter quelques briques en la matière. C'est plutôt un océan budgétaire du changement écologique qu'il faudrait faire apparaître et très vite, parce que chaque seconde compte. Monsieur le ministre, à l'occasion des précédents exercices, vous vous êtes félicité d'avoir largement fait progresser la sincérité budgétaire. Je rappelle que le principe de sincérité budgétaire consiste à ne pas sous-estimer les charges ni surestimer les ressources présentées dans la loi de finances. Je vous fais crédit de progrès considérables en la matière. Il vous reste, à vous et à votre gouvernement, à être sincères tout court, ce qui signifie, au choix : assumer cette orientation budgétaire qui méprise l'urgence sociale et écologique ou bien revoir votre copie pour adopter une nouvelle philosophie budgétaire.
Tout à l'heure, la députée Bénédicte Peyrol rappelait la nécessité d'un budget qui apaise dans un concert mondial des nations très agité. Pensez-y mais, de grâce, pas de promesses de Gascon – et c'est un Gascon qui vous le demande !