Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du jeudi 11 juillet 2019 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry :

Dans le cadre de ce débat d'orientation budgétaire, j'aimerais revenir en détail sur le financement de la lutte contre la pauvreté. Je rappelle tout d'abord que le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » s'est doté pour 2019 d'une action supplémentaire : « Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes », à laquelle sont consacrés 171 millions d'euros. Le plan de lutte contre la pauvreté vise à répondre au voeu formulé par le député Victor Hugo devant la représentation nationale : « Je ne suis pas [… ] de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde [… ], mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère. »

L'État s'est donc lancé dans une politique volontariste de contractualisation avec les collectivités mettant en oeuvre les politiques sociales. C'est en particulier le cas pour la sortie de l'aide sociale à l'enfance, dont l'Assemblée a débattu récemment lors de l'examen d'une proposition de loi de Mme Brigitte Bourguignon : l'État s'est ainsi engagé à financer, à hauteur de 12 millions d'euros par an, un dispositif pour que les enfants placés puissent être réellement accompagnés vers leur autonomie après leurs 18 ans. De même, à la suite de la signature, il y a tout juste un an, d'une convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF, l'État s'est engagé financièrement dans le renforcement des politiques d'aide à la parentalité, dans la création d'espaces d'accès aux droits et aux services, dans le financement d'établissements d'accueil de jeunes enfants et dans l'accès aux crèches pour les enfants en situation de pauvreté.

Mais ce qui a été fait dans le cadre de la loi de finances pour 2019 n'est que la première étape d'un dispositif amené à monter en charge. Les sommes investies devront être conséquentes – l'exécutif ayant lui-même évoqué un plan de 8 milliards d'euros – , car l'investissement social nécessaire est conséquent : il y a en France 8,8 millions de pauvres ; il y a en France 3 millions d'enfants pauvres.

C'est l'accumulation des problèmes qui enlise les individus dans des difficultés parfois indépassables et enferme des générations dans des déterminismes sociaux : nous ne pouvons plus accepter qu'un enfant pauvre aujourd'hui devienne un adulte pauvre demain. La priorité est donc de lutter contre la reproduction des inégalités, en s'attaquant aux inégalités de naissance : la stratégie de lutte contre la pauvreté investit ainsi dans la petite enfance, au service de la mixité sociale et d'un continuum éducatif de 0 à 6 ans pour que tous les enfants accèdent aux différents modes d'accueil. C'est aussi l'objet de la scolarisation à partir de 3 ans et du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP+, comme vient de le rappeler notre collègue Catherine Osson.

Pour garantir au quotidien les droits fondamentaux des enfants, les petits-déjeuners à l'école et la tarification sociale à la cantine ont commencé à être financés. Mais trop de bidonvilles subsistent, trop d'enfants vont d'hébergement d'urgence en hébergement à l'hôtel, au détriment de leur santé, de leur développement affectif et de leur scolarisation. Les maraudes mixtes associant les compétences de l'État et celles de l'action sociale devront donc s'organiser sur tout le territoire afin de repérer et de construire avec les familles un réel projet de sortie de la rue.

Et puis l'État ne pourra pas lutter contre la pauvreté sans un dispositif ambitieux d'accompagnement vers l'emploi : le plan d'investissement dans les compétences est doté de 15 milliards d'euros pour former deux millions de personnes peu qualifiées, en plus de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage, et de l'obligation de formation pour tous les jeunes jusqu'à 18 ans. Parallèlement, en s'appuyant sur les deux rapports de nos collègues Claire Pitollat et Christine Cloarec sur l'accompagnement des bénéficiaires du RSA et sur la juste prestation, un service public de l'insertion sera créé afin d'offrir une nouvelle forme d'accompagnement social et professionnel. De plus, une grande concertation a été lancée le 3 juin afin de créer un revenu universel d'activité. Cette mesure de simplification est destinée à répondre au phénomène de non-recours aux droits. Ce sont en effet 30 % des bénéficiaires potentiels du RSA qui n'y ont pas accès, se mettant ainsi en marge de la solidarité nationale, parce qu'ils ne savent pas ou n'osent pas le demander.

Les politiques publiques engagées dans ce domaine devront s'amplifier à la suite des travaux des conférences régionales de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Celles-ci regroupent les institutionnels et associatifs, les services de l'État et des collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les entreprises, et toujours les bénéficiaires et les usagers, ceux-ci étant enfin considérés comme véritables acteurs et force de propositions dans la mise en oeuvre des politiques les concernant.

L'État doit assurer la cohérence et l'équité de ces politiques, tout en laissant une liberté d'initiative et d'innovation aux territoires, au plus près de leurs besoins et tenant compte de leur connaissance du terrain : c'est l'objet de la contractualisation avec les conseils départementaux, qui se traduira par un financement croissant puisque celui-ci devrait passer de 131 millions d'euros en 2019 à plus de 200 millions d'euros en 2022.

Pour lutter contre la pauvreté, il nous faut donc développer les politiques de coconstruction des orientations, le « aller vers », et favoriser l'accès aux droits, à la formation, à l'éducation et au logement tout en assurant le repérage précoce des fragilités pour développer la prévention. Cette stratégie entend consolider l'État providence assurantiel du XXe siècle, consubstantiel à notre pacte social. C'est parce que notre majorité veut éradiquer les inégalités de destin à la naissance et qu'elle veut détruire la misère, que nous devons en faire une politique publique forte et prioritaire. Nous veillerons donc, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, à sa traduction dans les textes budgétaires.

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