Intervention de Marielle de Sarnez

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente :

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de l'accord économique et commercial avec le Canada, AECG, ou CETA si l'on utilise l'acronyme anglais.

Je remercie vivement Jacques Maire pour son rapport, de très bonne qualité et très complet, qui s'appuie sur les nombreuses auditions réalisées en l'espace d'une semaine. Je me félicite que ce document ait pu être envoyé à chacun des membres de la commission avant le week-end, ce qui constitue une gageure, compte tenu du calendrier extrêmement serré qui nous était imposé. Cela mérite d'être salué.

Depuis deux ans, notre commission s'est constamment engagée pour une plus grande association du Parlement aux procédures entourant la négociation des accords commerciaux en vue d'une plus grande transparence. Nous avons accueilli favorablement la création de la commission d'évaluation présidée par Katheline Schubert et avons auditionné ses membres en septembre 2017. Nous avons soutenu le plan d'action relatif au CETA élaboré par le Gouvernement et avons reçu les ministres concernés. Nous avons auditionné, en avril 2018, la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, et avons eu à coeur de lui délivrer notre message sur le rôle essentiel qu'ont à jouer les parlements nationaux.

Nous devons exercer la même vigilance à l'égard des études d'impact, vous le savez. En tant que députée européenne, membre de la commission du commerce international, j'avais pu vérifier à de trop nombreuses reprises le caractère insatisfaisant des études d'impact relatives aux accords commerciaux de la Commission européenne. Le même constat s'imposait pour les études d'impact du Gouvernement français : aucun développement consacré aux conséquences des accords sur l'économie française, approche macroéconomique se contentant d'hypothèses sur l'évolution du produit intérieur brut.

Nous nous sommes investis très fortement pour qu'émerge une nouvelle génération d'études d'impact. Notre commission a posé des exigences fortes quant à la méthodologie, au contenu et au pilotage de l'étude d'impact du CETA. Le texte que le Gouvernement a présenté, accompagné de documents annexes, répond dans l'ensemble à ce que nous avions demandé, même si nous considérons que des améliorations sont encore souhaitables. Il s'appuie sur une étude du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), qui examine les impacts réels sur l'économie française en se fondant, non sur des hypothèses, mais sur les clauses de l'accord signé, ce qui constitue bien évidemment une avancée. Il opère, pour la première fois, un suivi très précis et une analyse fine des impacts prévisibles pour chacune des filières agricoles sensibles. Enfin, nous avons obtenu qu'il y ait un pilotage politique de ces études d'impact, qui auparavant n'existait pas. À la suite de notre demande, le Premier ministre a confié la coordination de ces travaux à Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes, que je remercie pour la qualité de son travail et sa grande disponibilité auprès de chacun d'entre nous.

Nous nous sommes engagés fortement, au sein de notre commission, pour obtenir ces avancées : en auditionnant les cadres du CEPII en bureau élargi puis Sandrine Gaudin ; en rappelant nos exigences dans les résolutions rédigées par Jacques Maire et Olga Givernet ; en les répétant à chaque audition de Jean-Yves Le Drian et de Jean-Baptiste Lemoyne avant chacun des conseils des ministres du commerce de l'Union européenne (UE). Les résultats obtenus sont donc ceux de notre commission des affaires étrangères, et je remercie chacune et chacun d'entre vous pour son implication.

Nous devons toutefois rester vigilants pour que les engagements soient tenus et amplifiés. L'étude d'impact de l'accord doit être la première d'une nouvelle génération. Je demande au Gouvernement de confirmer publiquement son engagement à en faire désormais la norme pour tout nouvel accord de commerce. Des améliorations restent à apporter. La dimension régionale des impacts de l'accord n'est pas encore suffisamment traitée, faute d'outils adéquats. J'ai récemment exprimé devant Sandrine Gaudin le souhait, en notre nom à tous, que soit mis en place un suivi continu, sur la longue durée, quantitatif mais aussi qualitatif, des accords commerciaux, filière par filière, région par région, ce qui permettra d'envisager en temps réel d'éventuelles mesures d'accompagnement ou d'activer, si besoin est, les clauses de sauvegarde.

C'est la première fois, me semble-t-il, que la France met sur la table un tel dispositif pour accompagner un accord de commerce : une évaluation précise des conséquences de l'accord – commission Schubert –, un plan d'accompagnement du Gouvernement, des études d'impact centrées sur les filières sensibles.

Cet accord est à la fois innovant et stratégique.

Il existe des liens forts entre le Canada et la France, qui reposent sur une longue amitié et une compréhension mutuelle. Malgré certaines différences, le Canada est un pays qui nous ressemble et qui partage nos valeurs. C'est également un pays où le respect de la loi, de la règle, est un principe profondément ancré, et nous pouvons avoir bon espoir qu'en passant des accords avec des pays comme celui-ci, nous ferons converger vers le haut les normes sanitaires et environnementales qui nous sont chères.

D'une manière générale, je souhaite davantage de transparence dans les négociations commerciales. Cela passe par une meilleure association des parlements nationaux à la politique commerciale de l'Union européenne. Il nous faut être actifs beaucoup plus en amont, exprimer une position avant même l'adoption des mandats de négociation. Il faut aussi que les futurs accords commerciaux restent mixtes, afin que les parlements nationaux gardent leur pleine souveraineté. Je souhaite vraiment que le gouvernement français fasse valoir cette exigence auprès de la nouvelle Commission européenne. C'est par notre action résolue de parlementaires que nous pourrons promouvoir un nouvel agenda démocratique pour le commerce international. Le Gouvernement devra compter sur la détermination de notre commission.

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